lundi 31 décembre 2007

Le Crédit Agricole, ou le bon sens des affaires en action

La modestie de la part d'une multinationale est une qualité rare. Alors que la dernière campagne de publicité du Crédit Agricole insiste sur les talents de chanteurs et de chanteuses de ses conseillers, l'ouvrage de Jean-Loup Izambert et Hugo Niart « Les démons du Crédit Agricole » démontre que la banque verte compte aussi des conseillers avec des talents proches des « gangsters ».
Une affaire l'illustre parfaitement : l'affaire Eurocef qui permettra au Crédit Agricole d'envoyer en prison pendant cinq mois des innocents, qui faisaient pourtant partout de leurs meilleurs fournisseurs d'affaires.

Eurocef, européenne d'études et de conseils financiers, est un apporteur d'affaires travaillant essentiellement sur les Départements d'Outre-Mer et connaît alors un certain succès, mais a une simple lacune dans le financement de ses affaires. C'est alors qu'une connaissance commune d'un des dirigeants d'Eurocef et du directeur du Crédit agricole de l'Yonne intervient et les met en relation : ce partenariat permet à Eurocef d'obtenir des financements et du crédit d'une banque prestigieuse, le Crédit Agricole peut lui placer ses excédents de ressource dans une activité rentable.

Si les affaires vont très bien, au bout de quelques temps le rouage se grippe : deux des intermédiaires entre les deux entreprises sont licenciés par le Crédit Agricole, et surtout Eurocef constate un désengagement croissant de la banque dans différentes affaires. Ainsi en Guyane, dans le dossier Novaparc, elle ne paie plus les traites des entreprises, et diffuse différentes rumeurs contre elle. Dans l'opération de l'hôtel Calypso en Martinique elle dénigre ses propres produits, et auprès d'établissements partenaires elle fait passer l'information que l'opération « est montée par des voyous »!
Relevons aussi l'affaire dont est victime Colette Lupon. Ex-employée d'Eurocef, licenciée suite au dépôt de bilan d'Eurocef, elle élève seule ses deux enfants. En 1994 un inspecteur du Crédit Agricole la convoque pour des retards d'échéance dans le cadre d'un prêt. Hors, au cours de cette discussion l'inspecteur la menace des pires ennuis et l'invite à aller dans les locaux d'Eurocef pour y subtiliser des cartons d'archives!

Malgré ces incohérences, le Crédit Agricole bénéficie d'excellents défenseurs dans les médias. L'affaire explose il est vrai au moment de l'affaire du Crédit Lyonnais et les médias subissent l'emballement médiatique. Ainsi le message simpliste « 500 millions de francs détournés » (alors qu'il s'agit de placements!), circule : Le Monde, La Vie française ou l'Yonne républicaine y vont de leur article pour défendre le Crédit Agricole, transformé en victime. La banque mènera ainsi une véritable campagne de presse en diffusant des faux bruits sur les dirigeants d'Eurocef, et en « vendant » (avec réussite) leur version à la presse, notamment celles d'une gestion aventureuse et douteuse par Eurocef.

Le Crédit Agricole bénéficiera aussi d'incohérences judiciaires.
Tout d'abord le Crédit Agricole procède à un véritable acharnement judiciaire à l'encontre des dirigeants d'Eurocef qui aboutira d'ailleurs, avec les non-engagements contractuels de la banque verte, au redressement judiciaire, et à la liquidation judiciaire d'Eurocef (seulement quinze jours plus tard).
Pour apporter crédit à ses allégations elle invente comme on l'a vu un scénario qu'elle vendra aux médias, et aux juges : elle transmet ainsi des notes toutes faites aux magistrats! Elle leur adresse aussi des indices douteux. Au final des dirigeants d'Eurocef sont incarcérés, avant d'être libérés à force de détermination. Mais là-aussi le Crédit Agricole ne lâche rien : ils accusent les dirigeants d'avoir violés leur contrôle judiciaire, sur le fondement de preuves quasi-nulles.
Le traitement du dossier fait preuve d'une autre incohérence : le juge Lewandowski, en charge du dossier a mis différentes pièces importantes du dossier dans une autre procédure qu'il mène contre les représentants d'Eurocef, au mépris du secret de l'instruction.
Autre incohérence : le service juridique du Crédit Agricole faxe à la police judiciaire de Melun des recommandations et conseils!

Cependant l'acharnement des dirigeants d'Eurocef paiera : le scénario monté de toutes pièces par le Crédit Agricole se fissurera au fur et à mesure, les manipulations et actes illégaux (faux témoignages, fausses créances...) se révèleront au fur et à mesure.
Ainsi un des réalisateurs des fausses créances a obtenu en outre un prêt pour un appartemment dont le prix est inférieur au coût de production de celui-ci!
Surtout un intermédiaire, Benoît Deprecq, jouera le rôle de bouc-émissaire. Mais de manière étonnante on constate que l'avocat de celui-ci, Ralph Boussier, s'avère être membre du cabinet de conseil du Crédit Agricole! Ainsi celui-ci produit par exemple un document d'accusation dans lequel il attaque son propre client afin de défendre le Crédit Agricole dans une des affaires, et défend malgré tout Benoît Deprecq dans une autre affaire. Le statut de bouc-émissaire a des paradoxes que la raison ne saisit pas, ou peut être trop bien. D'autant que malgré son statut de bouc-émissaire du Crédit Agricole, Benoît Deprecq conserve un poste d'administrateur de la banque...

Et la Justice parlera enfin : le rôle déterminant du Crédit Agricole de l'Yonne dans la faillite d'Eurocef sera reconnue; la constitution de fausses créances; on découvrira aussi que les experts judiciaires chargés de contrôler les comptes d'Eurocef ont été influencés par le Crédit Agricole.

Il y a des fois on préférerait que les salariés du Crédit Agricole se contentent de chanter comme dans leurs pubs...

vendredi 28 décembre 2007

Dora l'exploratrice au Liechtenstein

Si nous avons décidé d'envoyer Dora au Liechtenstein, c'est pour que son oeuvre pédagogique nourrisse une lacune de nos médias : le manque d'information.
Par exemple le décès récent de Bénazir Butho permet aux médias de la dépeindre comme un mix de Lady Di et de Mère Térésa. Cependant les médias oublient qu'elle est la descendante d'une véritable dynastie, les Butho, qu'elle est accusée avec son mari d'avoir détourné 1,5 milliards de dollars, que le général Musharraf les a amnistié pour ces délits et qu'il a aussi exilé les juges qui pouvaient leur poser problème, et surtout les médias oublient qu'elle est soupçonnée d'avoir commandité le meurtre de son propre frère, Murtaza, parce qu'elle craignait qu'il lui pique sa place.
Dans cette affaire les policiers mis en cause ont été relâchés, les témoins du crime emprisonnés (deux en mourront)...dix ans plus tard, aucune avancée. Peut être devrions-nous envoyer Dora au Pakistan?

Mais avant de l'envoyer au Pakistan, envoyons-la au Liechtenstein, pays peu médiatisé.
Si ce pays est un des plus petit en Europe, il s'agit aussi d'un des plus riche, grâce à son statut de paradis fiscal et judiciaire.

Ce pays se distingue tout d'abord par une fiscalité favorable (notamment sur les sociétés et sur les placements des non-résidents), par une stabilité politique (opposition politique et médiatique quasiment nulle), une réglementation financière et commerciale faible, des faibles moyens financiers et humains dévolus à la lutte contre le blanchiment. Cependant ce qui fait le dynamisme du Liechtenstein c'est avant tout son culte du secret bancaire : celui-ci fait parti de la loi sur la sécurité de l'Etat, voire de l'ordre public.

Le Liechtenstein se distingue aussi par les structures juridiques de certaines de ses entreprises qui garantissent l'anonymat. Ainsi les « Anstalt » sont des sociétés faciles à constituer et soumises à des obligations sociales quasiment nulles. Dans ces sociétés, le pouvoir est délégué à un homme de paille, ce qui permet de cacher les vrais ayants droits économiques (ce qui fut le cas dans l'affaire Elf). Le Liechtenstein se distingue aussi par ses sociétés de domiciliation, 75 000 au total, qui ne sont en fait que des sociétés « boîte aux lettres ».

Ce qui distingue aussi le Liechtenstein, c'est son absence de scrupules concernant l'origine des fonds selon le BND, services secrets allemands. Selon eux le pays recyclerait l'argent des mafias italiennes, russes et colombiennes, ce qui est d'autant plus facile que leur système protège l'identité des propriétaires des fonds.
Le rapport du BND dénonce aussi une collusion entre les criminels des cartels de drogue et certains notables de la principauté, avocats ou gérants de fiduciaires qui leur permettent ainsi de blanchir leurs capitaux.

En matière de coopération judiciaire le Liechtenstein est un des Etat les moins coopératif : les commissions rogatoires internationales donnent ainsi rarement suite. Pour ce faire les autorités se fondent sur la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 qui permet de fonder le refus d'une entraide judiciaire sur l'ordre public : selon le Liechtenstein le secret bancaire ferait donc parti de son ordre public. Par ailleurs les demandes d'entraides judiciaires sont soumises à un processus long et compliqué.

Enfin le Liechtenstein ne possède pas de fichier FICOBA (fichier national des comptes bancaires), et autorise l'ouverture de comptes au profit d'une autre personne : un avocat ou un gérant de fiduciaire peut donc ouvrir un compte au profit d'un de ses clients, celui-ci restant anonyme!

Depuis le Liechtenstein a fait des efforts législatifs, mais ceux-ci restent de façade et limités par une certaine mauvaise volonté politique et des acteurs économiques.

Pour résumer, le Liechtenstein se distingue par un culte du secret (que ce soit en matière bancaire ou dans la structure de certaines entreprises qui garantissent l'opacité), une mauvaise coopération judiciaire, une ouverture aux milieux criminels, et une collusion de certains notables locaux avec ceux-ci.

mercredi 26 décembre 2007

L'affaire Elf et des frégates de Taïwan

Les années 90 ont été sans nul doute la décennie des affaires politico-financières : entre le scandale des financements occultes des partis politiques (affaires de la Mairie de Paris, affaire Urba), des faillites retentissantes au frais du contribuable (Crédit Lyonnais), affaires Tapie, corruptions liées à l'eau (affaires Carignon, Noir...), et scandales médicaux (sang contaminé, amiante...).
L'affaire Elf et des frégates de Taïwan fait elle aussi parti des affaires de cette époque, et symbolise dans son contenu toutes les déviances de la Cinquième République.

Pour résumer, entre 1967 et 1994 un système de fraude, de détournements financiers et de corruption a fonctionné au sein de l'entreprise Elf, notamment grâce à une caisse noire. Dans le cadre de l'affaire des frégates de Taïwan, la direction d'Elf a procédé à des surfacturations afin de payer des commissions occultes, et des rétrocomissions (argent qui retourne à l'acheteur dans un marché, elle permet la rémunération des intermédiaires, généralement via un paradis fiscal) pour un montant de 450 millions d'euros, a des détournements atteignant 300 millions d'euros, elle a aussi employé des lobbyistes, dont la fameuse Christine Deviers-Joncour, à des salaires faramineux, et utilisé des emplois fictifs.

L'affaire commence en 1993 : après la présidence de Loïk Le Floch-Prigent, nommé par François Mitterrand, Edouard Balladur nomme un des ses proches, Philippe Jaffré, à la tête d'Elf. Dans un but de transparence celui-ci demande à un cabinet d'audit d'éplucher les comptes de l'entreprise.
Celui-ci découvre ainsi que depuis 1990 Elf a financé une entreprise de prêt-à-porter appartenant à un ami de Loïk Le Floch-Prigent, Maurice Bidermann, à hauteur de 120 millions d'euros.
La juge chargée de l'affaire, Eva Joly, considère ce fait comme un abus de biens sociaux, mais malheureusement pour Philippe Jaffré, et beaucoup d'autres, l'investigation d'Eva Joly ne s'arrête pas là.

Concernant les frégates de Taiwan, tout commence par le refus d'Alain Gomez, PDG de Thomson-CSF (Thalès depuis), de verser une somme de 160 millions de francs à une société écran suisse, Frontier AG (dissimulant Alfred Sirven et Christine Deviers-Joncour). Là aussi la procédure s'emballe.
On découvre que cette somme est dûe à Elf qui fit bénéficier à Thomson de son réseau et de ses lobbyistes à Taïwan (notamment les mystérieux Lily Liu et Andrew Wang) pour vendre ses six frégates.

Mis en cause, la lobbyiste Christine Deviers-Joncour qui a voulu « convaincre » le ministre des affaires étrangères, Roland Dumas. Ses moyens? Des cadeaux : les fameuses bottines à 11 000 francs, des statuettes à 330 000 francs, des repas au restaurant, ou l'usage d'un appartemment.
En cause aussi des intermédiaires tels qu'André Guelfi (Dédé la Sardine), Daniel Léandri, Alfred Sirven (150 millions d'euros ont transité sur ses comptes), André Tarallo.
Loïk Le Floch-Prigent avouera qu'une caisse noire existait au sein d'Elf afin de financer des partis politiques, et des candidats aux élections présidentielles françaises. Omar Bongo, président du Gabon, fut laissé tranquille lorsque l'investigation se dirigea vers ses comptes suisses, en faisant part de sa désapprobation à voir la France s'intéresser aux « affaires intérieures » de son pays.

Si les sanctions furent effectives (pour des détournements : achats de logements, villas, bijoux...règlement de divorces!), quelques unes n'ont pas été appliquées, des amendes n'ont pas été payées.

Notons en tout cas l'obstination d'Eva Joly, de Laurence Vichnievsky, de Renaud Van Ruymbeke, Dominique de Talencé et Xavière Simeoni.
Notons aussi le nombre étonnants de décès autour de cette affaire : Thierry Imbot (membre de la DGSE, qui selon son père voulait faire des révélations sur l'affaire, mort d'une chute en essayant de fermer ses volets...), Jacques Morisson (ex-cadre de Thomson, lui aussi tombé par sa fenêtre : suicide selon la police), Yin Ching-Feng (de la marine taïwanaise qui aurait voulu lui aussi faire des révélations, retrouvé mort dans l'eau), Jean-Claude Albessart (délégué de Thomson à Taïwan, victime d'un cancer foudroyant) ou Alfred Sirven (crise cardiaque).
Une affaire mystérieuse, et qui le restera : le dossier est partiellement protégé par le secret-défense.

lundi 24 décembre 2007

JPK, martyr de la vérité?

Il y a dix ans mourrait le journaliste polynésien d'investigation Jean-Pascal Couraud, dit «JPK». Particularité de ce décès : ses circonstances troubles.

En effet, Jean-Pascal Couraud, était le rédacteur en chef du journal "Les Nouvelles de Tahiti", et était surtout un ennemi acharné de Gaston Flosse, dirigeant de la Polynésie française pendant près de 30 ans, et protégé de Jacques Chirac : il a notamment sorti quelques affaires mettant en cause Gaston Flosse. Il dénonçait les scandales politiques, économiques, judiciaires et les abus de pouvoir de la Polynésie "flossienne".
Trois mois après avoir fini une nouvelle enquête sur Gaston Flosse, JPK est retrouvé mort. La police conclut au suicide, même si son corps n'est pas retrouvé et qu'il n'y a donc pas eu d'autopsie. Pourtant sept ans plus tard un ancien membre du GIP, milice polynésienne aux activités douteuses, affirme que JPK a été victime d'un meurtre, commandité selon lui par Gaston Flosse.
Malgré les doutes sur ce “suicide” l'affaire demeurait dans le statu quo depuis dix ans. Cependant plusieurs enquêtes récentes (France Inter, Rue 89), et différentes révélations relancent l'affaire.

Relatons tout d'abord les faits.
Dans la nuit du 15 au 16 décembre 1997 le journaliste d'investigation JPK disparait. Même si son corps n'est pas retrouvé l'enquête conclue au suicide.
Pourtant plusieurs élèments rendent cette thèse douteuse : ainsi quelques temps après le suicide un journaliste qui enquêtait sur l'affaire reçoit un coup de fil mystérieux lui indiquant que s'il continue son investigation “il subirait le même sort que JPK”.
Par ailleurs en 2004, un ancien du GIP, Vetea Guilloux, affirme que JPK a été assassiné par le GIP sur ordre de Gaston Flosse, inquiet par les enquêtes du journaliste.
Cette même année un journaliste de l'AFP qui souhaitait simplement faire un reportage sur l'affaire est sauvagement agressé par deux membres du GIP.
Une affaire mystérieuse donc.

Mais l'affaire semble se relancer depuis quelques semaines.
Premières révélations par Rue 89.
Le site reprend le témoignage de l'avocat de JPK, Maître Jean-Dominique Desarcis. Celui-ci affirme qu'au cours de l'enquête il a été suivi, cambriolé, et que le disque dur de son ordinateur a été volé. On a tenté aussi de l'acheter.
Il a été aussi menacé de mort lors d'un voyage Paris (“arrêtes ou tu es mort”...). Afin de protéger sa famille il aurait fait le choix de ne plus faire de vagues, et donc de défendre la thèse du suicide.
Selon l'avocat, JPK aurait mis à jour des virements comptables entre une société de perliculture, Wan, et un compte japonais aux noms de Jacques Chirac et de Gaston Flosse.

France Inter a apporté d'autres révélations dans son émission “Interception”.
L'émission nous indique qu'à cette époque, une atmosphère de peur régnait sur cette affaire. Tout ceux s'y intéressant un peu trop sont immédiatement surveillés, filés voire intimidés. La mésaventure est arrivée à un journaliste de l'AFP basé à Tahiti depuis quarante ans. Fin 2004, Eric Monod venait tout juste de réaliser un reportage sur le feuilleton JPK lorsqu'en rentrant chez lui un soir, il est sauvagement agressé par "deux membres du GIP".
Par ailleurs d'autres membres du GIP confirment la version de Vetea Guilloux : d'après ces témoignages un groupe de gros bras se serait débarrassé du journaliste. Selon eux ça serait une tentative d'intimidation qui aurait mal tourné. Les pieds lestés de parpaings, attaché à une corde, JPK aurait été immergé à plusieurs reprises, jusqu'à ce que ses bourreaux relèvent un cadavre.
De plus l'avocat de JPK, Maître Desarcis revient sur ses propos : pour lui il est “clair et net” qu'il ne s'agit pas d'un suicide. Selon lui le mobile de l'élimination de JPK est lié à deux motifs : celui-ci enquêtait à l'époque sur des possibles détournements de fonds européens affectés à la Polynésie, et confirme la thèse du compte japonais de Jacques Chirac et de Gaston Flosse.

Concernant le mobile du crime, selon Maître Desarcis JPK aurait mis à jour des virements comptables entre une société de perliculture, Wan, et un compte japonais aux noms de Jacques Chirac et de Gaston Flosse.
Il indique qu’en 1997, JPK disposait d’informations fiables émanant de personnes travaillant au sein du groupe Wan, relatives à des transferts financiers effectués vers le Japon, sur le compte de “cet autre homme politique”.
Il indique : "J’ai fait état au cours de cet entretien avec M. Philippe Couraud de l’existence d’une note circulant à Papeete en 1998-1999 faisant état de transferts de fonds par Wan à M. Jacques Chirac. Cette note était certainement plus ancienne mais j’en ai eu connaissance qu’en 1998-1999. Je ne sais pas si M. Jean-Pascal Couraud était en possession de cette note. Je précise que cette note avait été rédigée anonymement et qu’elle faisait l’inventaire d’affaires”.

Gaston Flosse lui est amusé par ces scénarios : "Vous me faites rire", rétorque-t'il, parlant de "scénario" sans la moindre preuve des accusations portées par la famille de la victime.

Etonnamment l'affaire pourrait connaître des rebondissements dans le cadre de l'affaire Clearstream car des pièces saisies chez le général Rondot concernant ce compte japonais pourraient être versées au dossier d’enquête : les scellés 32 et 33 contenant une partie des archives du général Rondot, ancien Conseiller pour le renseignement et les opérations spéciales, sont consacrés au fameux compte japonais.

Comme on le voit cette affaire démontre les dérives politiques, financières de tout un système, celui de la Cinquième République, régime du Coup d'Etat Permanent. Affaires louches non traitées, détournements impunis, connivences criantes et privilèges opaques mais non dénoncés : la France n'en est bien qu'à la préhistoire de l'éthique en politique. Mais l'Histoire ne fait que commencer...

samedi 22 décembre 2007

Luxembourg : la machine à blanchir

Le Luxembourg est un des pays au monde qui possède le PIB par habitant le plus élevé. Cependant cet Etat doit surtout sa richesse à son statut de paradis fiscal, statut pris par le Grand-Duché dans la deuxième partie du vingtième siècle et qui deviendra l'unique moteur de l'économie suite à la crise industrielle des années 70. Le secteur financier représente ainsi 46 % du PIB, il y a 150 banques et le Grand-Duché est la deuxième place financière mondiale pour les fonds d'investissements.

Le Luxembourg se signale par les mêmes éléments que les autres paradis fiscaux et judiciaires, à savoir une fiscalité faible pour les non résidents; un culte du secret bancaire (considéré comme un droit de l'homme), la faiblesse des moyens financiers et humains de lutte contre le blanchiment (l'auto-régulation prime, et l'application du corpus législatif est freinée par la réticence des financiers).

Le Luxembourg se signale surtout par sa capacité à créer des formes de sociétés génératrices d'opacité : les holdings 1929, les SOPARFI, les fiducies, les domiciliations de société, toutes soumises à un régime fiscal favorable et à un encadrement légal a minima (pas de registre central d'immatriculation des sociétés...), véritable bénédiction pour la constitution de sociétés écrans.

Par ailleurs, dans le rapport de la commission parlementaire sur le blanchiment de capitaux sur le Luxembourg (30 mars 2000), Joël Bucher, ancien directeur général adjoint de la société générale de la Société Générale interrogé sur l'affaire des rétrocommissions sur les frégates vendues à Taïwan indique que la Société Générale a ouvert des comptes au Luxembourg afin d'y verser les rétrocommissions (lors du passage d'un marché, celui-ci peut être facturé pour dégager une commission occulte, la rétrocommission est la partie de cette somme revenant vers le pays d'origine des versements). Il indique même que de nombreuses personnes conseillaient à ceux qui recevaient des commissions occultes d'ouvrir un compte au Luxembourg!

Ce même rapport relate aussi une enquête menée par le magazine Challenges en mars 2000 dont des journalistes indiquent à cinq banques luxembourgeoises qu'ils souhaitent placer 900 000 francs « au black ». A Cortal Bank, on lui conseille de placer la somme en plusieurs fois, grâce à quelques amis, afin d'éviter les problèmes. Au Crédit Lyonnais, on lui conseille de passer par un homme de paille pour faciliter la transaction. A la Société européenne de banque, no problem sur l'origine cachée des fonds.

Mais le Luxembourg c'est aussi le pays de Clearstream...afin de simplifier, dans cette affaire sont mis en cause le système informatique des transactions bancaires (SWIFT), la possibilité pour les banques – Clearstream n'est censé ne s'adresser qu'aux banques – d'ouvrir des sous-comptes qui permettent des transactions financières confidentielles, des dissimulations ou la constitution de caisses noires. Un ancien haut employé de Clearstream indique qu'on l'avait aussi chargé de faire du « hard coding », à savoir rectifier le programme source pour dissimuler des transactions. La Justice est censée être en charge du dossier.

Pour résumer, le Luxembourg est une machine à blanchir les capitaux par différents éléments : l'opacité de ses entreprises, le secret bancaire, le manque de coopération internationale.
Malgré les mobilisations des années 90, le système n'a pas été réellement mis en cause : les paradis fiscaux et judiciaires et le nouveau capitalisme sont désormais devenus inséparables...

jeudi 20 décembre 2007

Christine Boutin : "non aux enfants de Don Quichotte, oui aux enfants de Don Crésus!"

Alors que certains critiquent Christine Boutin pour une gestion puremement médiatique du problème des SDF, un article du Canard Enchaîné de ce mercredi relatif à son directeur de cabinet, Jean-Paul Bolufer, nous apprend qu'en la matière Les Enfants de Don Crésus sont mieux lôtis.

Alors qu'une centaine de CRS et de gendarmes ont été envoyés il y a quelques jours contre une action des Enfants de Don Quichotte à Notre-Dame, qui voulaient sensibiliser sur le sort des SDF, le Canard Enchaîné nous apprend que son directeur de cabinet Jean-Paul Bolufer a été lui plus chanceux que les Enfants de Don Quichotte : il a bénéficié d'un appartement de 190 m2, doté d'un parking privé, dans le quartier de Port-Royal pour 6,30 euros le mètre carré, contre 20 à 30 euros normalement, soit une économie mensuelle de 2 600 à 4 500 euros.

En 1997 sa fille a aussi obtenu un studio dans le même appartement pour 9,30 euros le mètre carré.

Jean-Paul Bolufer est propriétaire de cet immeuble depuis 1981, époque où il était directeur adjoint de cabinet de Jacques Chirac, alors maire de Paris.

Même lorsqu'il a occupé d'autres postes, Jean-Paul Bolufer a justifié ses convictions catholiques, puisqu'il a prêté ce logement contre rémunération, au mépris de la loi lui interdisant la sous-location. Ce fut le cas lorsqu'il travaillât dans le belle ville de Toulouse entre 1989 et 1996 ou entre 1997 et 2007, lorsqu'il disposait d'un autre logement de fonctions de par son poste de directeur des Journaux officiels.

La parole est, pour finir, à l'accusé : “aujourd'hui se trouve dans le parc HLM des gens qui ne devraient pas y être [...], je considère que c'est un véritable scandale. Et nous sommes en train de préparer un texte pour mettre en place de véritables surloyers pour ceux qui occupent indûment le parc HLM”. Rappelons à Jipé les propos de son pote Jésus Christ, qu'il a dû mal lire : “qu'as-tu à regarder la paille qui est dans l'oeil de ton frêre. Et la poutre qui est dans ton oeil, tu ne la remarques pas?”.

Alors Jipé, quand tu rejoindras les Enfants de Don Quichotte afin d'unir le combat des SDF aux sans-logements-de-fonction-pas chers-aux-frais-du-contribuable-fixes, n'oublie pas ta Bible, et surtout ton Code Pénal...

mercredi 19 décembre 2007

Contribuables : pour Noël faites un don au Crédit Lyonnais (dit "LCL")

« Demandez plus à votre argent » proclame la campagne publicitaire actuelle du Crédit Lyonnais. Si on revient un instant sur le scandale du Crédit Lyonnais, le slogan « Demandons plus au contribuable » aurait été plus pertinent : en effet de sa quasi-faillite en 1993, évitée grâce à la générosité et à la naïveté du contribuable, à l'affaire Executive life, le Crédit Lyonnais a su vampiriser les impôts des gentils français.
Créée en 1863, celle-ci devint rapidement la première banque mondiale, et fut nationalisée en 1946. Un des tournants majeurs fut la nomination à sa tête de Jean-Yves Haberer en 1988. Si celui-ci a un CV impeccable (énarque, ex-inspecteur des finances, ex-directeur du Trésor, ex-membre du cabinet de Michel Debré), il est surtout animé d'une ambition démesurée.

Et c'est là la première cause de la faillite : déçu d'avoir été chassé de la direction de Paribas par Edouard Balladur en 1986, Jean-Yves Haberer a une soif de revanche. A la tête d'une banque comptant huit millions de clients, et ayant un bilan de 300 milliards d'euros, il a là l'instrument idéal pour satisfaire ses ambitions.
Partant de là le Crédit Lyonnais fait preuve d'une grande agressivité commerciale. Elle fait affaire avec des grandes entreprises : Aérospatiale, Usinor, Bouygues, mais surtout aide des jeunes lions du capitalisme français : Bolloré, Pinault, Tapie, Naouri...
Cette agressivité vise aussi l'international : rachats de banques à l'étranger, avec un coût financier (4 milliards d'euros), et commercial (difficulté de contrôles de ces activités, ainsi un escroc, Giancarlo Paretti, engage la banque dans une participation dans la MGM). Jean-Yves Haberer déclare ainsi : « avec 890 implantations en Europe, nous sommes aujourd'hui deux à trois fois plus gros que nos concurrents directs, la Deutsche Bank et la Barclay's, et nous disposons de plus de points de vente que toutes les banques françaises réunies ».
Dans les années 90, le Crédit Lyonnais a bien le pouvoir de dire oui comme le dit son slogan de l'époque.

Oui, mais à quel prix car le deuxième motif de la faillite de la banque est qu'elle s 'engage dans des affaires, sans en contrôler les risques. Les changements de présidents – six entre 1974 et 1988 – font qu'il n'y a plus d'équipe dirigeante, les divisions et les luttes internes gangrènent la banque, chaque service engage la banque sans en parler. Ainsi elle ignore les activités de Jean-François Hénin, patron de sa filiale Altus. Tout comme elle ignore en partie l'activité de sa filiale hollandaise qui investit dans la MGM.
Toutes les procédures de contrôle et d'évaluation des risques ont disparu. Elle accorde tout à tout le monde, avec des échecs retentissants (Tapie).
Il y eut aussi quelques erreurs de stratégies : le choix de la banquindustrie, à savoir une participation aux affaires de certaines entreprises, alors que l'émergence des marchés financiers permettra aux entreprises de s'auto-financer par ce biais, et que la banque ne fera des sélections de risques que très limitées; l'investissement massif dans l'immobilier qui connaitra un krach dans les années 90, fut aussi une erreur, mais elle fut commune à toutes les banques.

Troisième motif de la faillite du Crédit Lyonnais l'absence de contrôles.
Absence de contrôle tout d'abord de l'Etat : le concept d'alors est l'autonomie de gestion des entreprises publiques, et l'Etat pourtant actionnaire ne contrôle rien, du fait tout d'abord de la confiance de Pierre Bérégovoy à l'égard de Jean-Yves Haberer, du fait aussi du corporatisme des hauts fonctionnaires, tous issus de l'Inspection des Finances, qui ne peuvent imaginer la défaillance d'un des leurs. Idem pour les commissaires aux comptes, qui sont censés contrôlés les comptes, tout en étant rémunérés par les entreprises qu'ils contrôlent, dans un environnement concurrentiel...des contrôles donc a minima.
Dès lors il manquerait plus d'un milliard d'euros de provisions pour couvrir les sinistres en 1993. Et effectivement l'accumulation de sinistres (International bankers, SDBO, Pelège, Tapie, MGM...) fera tanguer le bateau fragile...

C'est alors la réalisation du deuxième scandale du Crédit Lyonnais, le premier étant le caractère aventurier de ses investissements alors qu'il s'agit d'une entreprise publique : ça sera au contribuable de payer l'addition! Pour des motifs tant nationaux qu'internationaux, l'Etat décide de soutenir la banque qui accumule des milliards de pertes, on décide selon la formule connue de nationaliser les pertes et de privatiser les gains : une structure autonome est créée, le Consortium de réalisation (CDR), qui hérite de tous les mauvais actifs, aux frais du contribuable, le Crédit Lyonnais est lui privatisé en 1999, débarrassé de ses dettes qu'il a transmis aux contribuables. Avant d'être racheté par le Crédit Agricole.

Le troisième scandale, peu connu, du Crédit Lyonnais sera quant à lui l'enrichissement personnel de certains entrepreneurs : les participations (sur fonds publics) du Crédit Lyonnais auront ainsi aidé au développement de la carrière de certains (Pinault, Bolloré, Arnault, Naouri...); par ailleurs la CDR devant se débarrasser de ses actifs, rapidement on assiste à un véritable bradage : des biens vendus à moitié prix, pour le bonheur de certains (Naouri : 67 millions de plus values..), des moins values pour l'Etat (ex 300 millions d'euros pour un rachat par François Pinault), au final le malheur du Crédit Lyonnais fera le bonheur des grands noms du capitalisme français.
Dans l'autre scandale du Crédit Lyonnais, l'affaire Executive Life, l'Etat se retrouve à payer 440 millions d'euros d'amendes pour un rachat frauduleux réalisé aux Etats Unis, impliquant Jean Peyrelevade et François Pinault. L'Etat prendra aussi en charge les amendes imposées à Artémis, holding personnelle de François Pinault.

Pour finir cette histoire épique le 5 mai 1996, le siège social est victime (il y a plusieurs foyers...) d'un incendie. Notons qu'avec quelques jours de décalage, les archives de la banque, entreposées dans un local au Havre, seront aussi détruit par les flammes...le comble de la malchance?

Au terme de cette aventure, 50 milliards d'euros de factures pour le contribuable, deux condamnations seulement : Jean-Yves Haberer et François Gille, condamnés avec sursis. Les deux arbres qui cachent la forêt, ou plutôt les deux bouc-émissaires qui cachent le système.
En 1994, le slogan publicitaire du Crédit Lyonnais, devenu depuis LCL, était : « votre banque vous doit des comptes ». Treize ans plus tard, le slogan est toujours d'actualité.

Sources : le Crazy Lyonnais (Eric Leser), Argent public, fortunes privées (Olivier Toscer), Histoire secrète de la Vème République (article par Martine Orange)

lundi 17 décembre 2007

Les paradis fiscaux, acteurs essentiels du néo-capitalisme

Qu'est ce qu'un paradis fiscal? A cette question beaucoup répondent qu'il s'agit seulement d'îles exotiques permettant à des mafieux ou délinquants de blanchir leurs fonds, et d'éviter de payer des impôts.
Pourtant la réalité est plus complexe et plus sérieuse. Dès 1968 Alain Vernet du Figaro les avait qualifié de « bas fonds de la finance internationale » : en effet ils font aujourd'hui partie intégrante du système économique mondial et entrent dans la stratégie des entreprises. Par ailleurs l'Europe, contrairement aux idées reçues est très en avant en matière de paradis fiscaux : pas besoin en effet d'aller très loin pour pouvoir placer ses fonds « au chaud ».

Définir un paradis fiscal n'est pas chose aisée. En effet, que ce soit au niveau national ou au niveau international il n'existe pas dans la législation ou dans la jurisprudence de définition précise.
Cependant les travaux de l'OCDE et le rapport Gordon (rapport de l'administration fiscale américaine) retiennent quelques critères :
- les paradis fiscaux se signalent tout d'abord par une fiscalité basse, notamment celle sur le capital des non résidents
- ils se signalent aussi par le secret bancaire ou commercial. Concernant le secret bancaire certains pays le considèrent ainsi comme un élèment de l'ordre public (Suisse, Monaco), comme un droit de l'Homme (Luxembourg), comme un devoir professionnel pénalement sanctionné (Suisse), comme un élèment de la sécurité étatique (Liechtenstein). Avec parfois des conséquences scandaleuses (affaire des avoirs juifs, affaire Sani Abacha)
Concernant le secret commercial, cela concerne surtout les pays anglo-saxons régis par la « common law », qui limite tout formalisme, et tolère de ce fait une forme d'opacité. Idem pour différentes formes de sociétés (trusts, fiducies, anstalt...) présentes dans les paradis fiscaux
- une coopération judiciaire internationale faible vis-à-vis d'autres Etats instituant une forme d'impunité en matière de délinquance financière
- divers critères secondaires : secteur financier très développé par rapport à la taille du pays; facilité d'installation et de création des entreprises; stabilité économique et politique; bonnes infrastructures de communication et de transport; rareté des conventions fiscales; faiblesse des dépenses publiques; législations anti-blanchiment ou lutte anti-blanchiment faibles

Le premier intérêt des paradis fiscaux est financier : les 65 paradis fiscaux gèreraient ainsi 6000 milliards d'euros, et représenteraient près de la moitié des flux financiers mondiaux. Ils accomplissent des investissements directs à l'étranger à hauteur de 200 milliards d'euros annuels : ainsi 20 % des investissements réalisés en Chine le sont par les Iles Vierges, qui y investissent plus que le Japon ou les Etats Unis, les Iles Caïmans et les Iles Samoa. Le premier investisseur en Inde est l'Ile Maurice. Les Iles Caïmains sont devenus la cinquième place financière au monde. Les paradis fiscaux sont les deuxième détenteurs d'obligations d'Etat américaine.
Surtout les paradis fiscaux ont connu un développement exponentiel ces dernières années : alors qu'ils n'étaient que 25 dans les années 70, ils sont aujourd'hui 65, selon un rapport de l'OCDE leurs avoirs auraient augmenté de 500 % entre 1985 et 1994. Il y aurait 2,4 millions de sociétés écrans dans ces paradis fiscaux.

Les effets sont divers : un manque à gagner fiscal pour les Etats (des services publics affaiblis et un déplacement de la charge vers les plus pauvres : « seules les petites gens paient des impôts! », s'exclamaient ainsi Leona Helmsley, milliardaire américaine, lors de son procès en 1989), une concurrence fiscale entre Etats les obligeants à baisser leur imposition sur le capital en le reportant sur les particuliers (au Pérou les entreprises étrangères ne paient quasiment pas d'impôts), la possibilité pour des multinationales de truquer leurs comptes, une instabilité financière mondiale accrue du fait de l'absence de contrôle de ceux-ci.
Les paradis fiscaux ont aussi joué un rôle dans diverses crises financières mondiales : par leur volatilité (crise en Asie du Sud-Est, en Argentine, au Mexique ou en Russie), ou par leur aptitude à dissimuler des dettes (Parmalat, Enron, Worldcom). Ainsi en 2001 le Brésil a vu s'envoler 4 milliards de dollars rien que vers les Bahamas et les Iles Caïmans.

vendredi 14 décembre 2007

Banques françaises recherchent vaches à lait

A l'époque de Cicéron cohabitaient deux partis : les optimates ("les meilleurs"...) qui prônaient le conservatisme social, et les populares, partisans d'un progrès social. Pour information, Cicéron se revendiquait comme un "viri boni" (homme de bien), transcendant les clivages et prônant la vertu, avant de faire le choix du pragmatisme.

Ce bref rappel historique n'a qu'un but : démontrer que depuis les clivages ont peu changé. Ainsi dans la France de 2007 cohabitent deux tendances : les promoteurs de la société d'aujourd'hui, et les partisans d'une autre société.
Plutôt que de développer ce sujet, et de débattre, décrivons la société d'aujourd'hui, et le capitalisme d'aujourd'hui par le biais de deux anecdotes, relatifs au domaine bancaire.

La première histoire est relative à la crise des subprimes qui a touché la sphère financière ces derniers mois, notamment aggravée suite à la fermeture par BNP Paribas de deux de ses SICAV.
Comme indiqué dans notre article du 1er septembre, cette crise était prévue depuis quelques temps, mais le manque d'indépendance des agences chargées des notations a occulté cette réalité.
Dès le mois de mars (la crise a explosé cette été), un document interne à la BNP indiquait le caractère fatal de ce mini-krach boursier touchant notamment les "SICAV dynamiques". Hors, malgré cela la BNP a continué à commercialiser ces produits, et a même organisé un challenge interne ("Booster 2") : une prime pour ses meilleurs vendeurs, avec un argumentaire en total opposition avec sa note interne rédigée à peine un mois plus tôt. Résultat : 35 millions d'euros de placés, avant le mini-krach de l'été...

Autre histoire, concernant cette fois le Crédit Agricole. Une personne âgée reçoit la visite d'un commercial souhaitant lui vendre des encyclopédies. L'affaire est concluante car le commercial lui vend "Le siècle de Louis XIV" (deux volumes) pour 780 €. Mais comme l'acheteuse n'a pas les moyens, le commercial passe par un crédit de Financo, filiale du Crédit agricole. Résultat un crédit à 17,74 %! Notons que le commercial a "oublié" d'indiquer ce chiffre dans le contrat.
Résultat (bis) : des mensualités de 23,40 €, soit 1 240 € pour les deux livres, dont 460 € d'intérêts.

Si Cicéron a fait le choix à son époque de rejoindre le rang des "optimates", à savoir les conservateurs, cette réalité du capitalisme présent nous impose le devoir d'opposer un capitalisme du futur plus moral, plus transparent, plus juste.
Mais face à l'état actuel du capitalisme, la route est longue, longue comme une étape du Tour de France sans produits dopants. Mais bon Coluche ne disait-il pas que pour finir le Tour de France les cyclistes non dopés devraient partir à Noël pour arriver à temps. On est pas à quelques mois près...

mardi 11 décembre 2007

Vivons heureux, vivons aveugles

Alors que le Parlement débattait sur le projet de loi sur le financement de la sécurité sociale, qui a ciblé son action sur une culpabilisation des patients, un désengagement croissant de l'Etat et un accroissement du financement par les patients de leurs soins, il est nécessaire de s'intéresser un instant non pas à ce que ce texte dit, mais plutôt à ce qu'il ne dit pas.

Premier oubli : le rôle majeur des dépenses de marketing (visiteurs médicaux, voyages à l'étranger pour des séminaires...) dans l'augmentation du prix des médicaments. Ainsi selon l'IGAS elles auraient augmenté de + 48 % entre 1999 et 2005, un record en Europe. Dans la vision de la santé en France, rien sur cette dérive.

Par ailleurs peu de commentaires sur le rôle du lobby pharmaceutique qui influence les médecins, les élus et a réussi à investir les lieux de prise de décision.

L'occasion de narrer deux histoires très illustratives.

Tout d'abord la revue Prescrire narre l'obtention par les laboratoires Roche de l'autorisation de mise sur le marché d'un de ses médicaments.
Quelques mois plus tard l'agence européenne pour l'évaluation des médicaments (EMEA) désapprouve ce choix du fait d'effets indésirables.
Les laboratoires Roche contestant ce choix, l'EMEA réunit quatre spécialistes afin de réétudier leur décision. Ceux-ci valident cette fois la mise sur le marché, avec le même dossier mais avec une interprétation tirée par les cheveux d'une expérience, avec peu de preuves.
La revue Prescrire a alors indiqué que deux de ces experts avait des liens d'intérêts avec les laboratoires Roche. Une étude très indépendante donc.

Autre histoire dénoncée cette fois par Claude Fremont : 40 % des prescriptions de Subutex, substitut à l'héroïne pourtant délivré en France, seraient détournés dans un but de trafic! Ainsi la police mauricienne a arrêté il y a quelques mois un stewart d'Air France avec 51 863 comprimés de Subutex soit 1,2 millions d'euros en cachés payés par la sécu!
Le système est simple : il suffit de se faire prescrire ce médicament, et c'est parti pour le deal. Ainsi la dernière affaire en date a mis en cause vingt quatre personnes, médecins, pharmaciens, dealers, et a coûté 500 000 € à l'assurance maladie.
Mais le Subutex n'a pas été considéré comme stupéfiant, grâce à un lobbying actif.

Autant d'élèments qu'occulte la loi de financement de la sécurité sociale, mais comme le dit un proverbe allemand : "qui veut vendre un cheval aveugle, en vante les pattes".

lundi 10 décembre 2007

Les multinationales de l'eau

A l'heure où UFC-Que choisir dénonce les déviances tarifaires liées à la privatisation de la gestion de l'eau dans certaines communes, et prône une remunicipalisation de ces services, il convient de s'arrêter sur le rôle des multinationales de l'eau.

La grande déviance du capitalisme d'aujourd'hui est la concentration de l'activité au main de quelques multinationales : à la concurrence pure et parfaite ont succédé les oligopoles voire les monopoles. Le secteur de l'eau en est le parfait reflet : ainsi 70 % du marché est monopolisé par trois multinationales à savoir Véolia-Vivendi (ex-Compagnie Générale des Eaux), Suez (ex-Lyonnaise des Eaux) et SAUR-BNP-Bouygues.
En France dans 88 % des marchés publics une de ces trois entreprises apparaît et dans 31 % des cas une de ces trois entreprises est la seule présente dans les marchés. Dans certains endroits – notamment en Ile-de-France – la répartition des marchés est digne de la mafia.
Cette situation pose problème dans la mesure où ces trois multinationales profitent de leur oligopole pour abuser de leur pouvoir : les contrats portent sur des durées exceptionnelles (20-30 ans voire plus), les travaux sont souvent surfacturés dans la mesure où la bande des trois, profitant de leur savoir-faire technique, vend des Harley Davidson aux collectivités locales quand un vélo suffirait, le tout aux frais du contribuable.
Afin de garder leur statut, la bande des trois utilise la pratique du pantouflage : ainsi elle engage des hauts fonctionnaires de la Cour des comptes, du monde judiciaire (brigade financière, hauts magistrats) qui profite de leur savoir-faire pour faire de la prévention dans leur nouveau job : explication des techniques utilisées, failles du système, réseau.
Ces multinationales profitent aussi parfois de subventions des organisations internationales (FMI, Banque mondiale) : ainsi lors d'opérations humanitaires, les multinationales de l'eau interviennent, bon sentiment et bon coup de communication, et en profitent pour récupérer à terme des marchés. Une stratégie utilisée en Chine ou en Afrique du Sud. En Irak, l'entreprise Bechtel, anciennement dirigée par Dick Cheney, a obtenu le marché de reconstruction des canalisations d'eau détruites par les bombardiers américains.

Mais les multinationales de l'eau se signalent aussi par un lobbying actif.
Au niveau international, il passe tout d'abord par la Banque mondiale et le FMI qui conditionnent souvent leurs aides à des pays en développement ou le rééchelonnement de leur dette à l'obligation de privatiser la gestion de leur eau.
Il s'agit aussi des pseudo-organisation mondiale de l'eau : forum mondial de l'eau (Marrakech 1997, La Haye 2000, Kyoto 2003) notamment qui sous couvert de grands débats humanistes sur le problème de l'eau cache en fait des réunions organisées par les multinationales de l'eau qui y sont d'ailleurs sur-représentées. Lors de ces forums est débattu de la possibilité de la conquête de nouveaux marchés ou de la marchandisation de l'eau.
Il s'agit aussi de la commission mondiale de l'eau dont les membres sont majoritairement des membres des multinationales de l'eau. Jérôme Monod, ex président de la Lyonnaise des eaux (Suez) et conseiller de Jacques Chirac en fut ainsi membre.
Au niveau national, il s'agit des agences de l'eau ou des comités de bassin qui sont contrôlés par les lobbies agricoles; il s'agit aussi des multinationales de l'eau qui font pression sur les élus de la République soit par connivence (l'ex-Lyonnaise des eaux très proche de l'ex-RPR) soit en les corrompant par des financements occultes, divers cadeaux ou services en nature.

Ce monopole et ce lobbying ont des conséquences néfastes : l'eau, bien vital, est ainsi devenu une marchandise.
L'eau est un bien particulier : son caractère vital en fait un bien plus précieux que toute marchandise ou que toute drogue.
Profitant de ce statut les multinationales ont profité des forums mondiaux de l'eau pour en faire non pas un « droit » mais un simple « besoin ». Profitant de la passivité des institutions internationales, elles en ont profité pour faire de l'eau une marchandise hautement rentable.
D'un côté la Nature, bien commun à l'humanité, se retrouve propriété de groupes privés : des groupes privés comme Coca Cola, Pepsico ou Nestlé deviennent ainsi propriétaires de nappes phréatiques qu'elles rachètent. Certaines questions méritent d'être posées : à qui appartient l'eau douce? Fait-elle partie du domaine public? Et quand on voit que Coca Cola ou Pepsico payent un cent pour prélever l'eau qu'elles facturent un dollar (soit cent fois plus), des questions méritent d''être posées.
Des déviances apparaissent : à l'exemple d'entreprises comme Saint Gobain qui se sont enrichies grâce à l'amiante, avant de s'enrichir grâce à la lutte contre l'amiante, les multinationales de l'eau s'enrichissent grâce à des filtres anti-plomb alors qu'elles commercialisaient une eau contaminée par le plomb; de plus des courtiers en eau apparaissent : l'eau est devenue une marchandise comme les autres, à la différence près qu'elle est vitale.

vendredi 7 décembre 2007

Dassault et Gallois, plus forts qu'Arsène Lupin

Au moment où Claude Bébéar affirme que les délocalisations sont une bonne chose car elles permettent que "les pays sous-développés se développent", la fièvre altermondialiste semble gagner le patronat français.

En effet l'entreprise Dassault et EADS, sensibles peut être elles-aussi à la délocalisation humaniste, viennent d'annoncer qu'au vu de la surévaluation de l'euro face au dollar, ils vont devoir délocaliser une partie de leur activité.
On imagine bien évidemment l'émotion qui anime particulièrement Serge Dassault face à ce cruel choix : Dassault aime en effet la France, car la France (et notamment le contribuable) aime Dassault.

En 1985 un nouvel avion faisait la fierté de l'entreprise alors dirigée par son père : le Rafale. Ce projet franco-français avait été réalisé en concurrence avec un projet européen similaire : Eurofighter, devenu depuis Typhoon, qui devient alors un concurrent du Rafale sur les marchés internationaux.
Pourtant cette "merveille technologique" souffre d'un handicap : personne n'en veux. Cet appareil contient en effet tout ce qu'il y de mieux et surtout de plus cher, d'où un coût exorbitant, qui handicape ses ventes à l'exportation.
Au-delà de son coût, cet avion de luxe est quelque peu inadapté : à l'heure où les menaces terroristes modifient la pratique militaire, cet investissement s'avère excessif et dépassé. Par ailleurs, si la seule armée à avoir fait un achat massif de Rafale est bien évidemment l'armée française, l'avantage militaire que lui confère ces avions est tel qu'ils s'avèrent inutiles, sauf en cas d'attaque des Etats Unis ou de la Russie. Un avion donc inadapté. Sauf bien sûr pour le dictateur lybien, le Colonel Kadhafi, qui vient faire ses soldes de Noël en France la semaine prochaine.

En 2006 la facture totale du programme Rafale pour l'armée française (et donc pour le contribuable...) est de 28 milliards d'euros, ce qui représentera à terme une facture de 824 € par contribuable.
Dans ce coût, il y a notamment eu des frais de recherches qui ont été réévalués de manière importante, d'où une facture pour le contribuable élevée par rapport à ce qui était prévu initialement. Notons aussi que cet avion a été opérationnel avec dix ans de retards par rapport au programme prévu.

Si le Rafale n'est que le cas extrême démontrant la générosité de l'Etat à l'égard de certaines entreprises d'armement qui se sont enrichies grâce aux commandes publiques, le contribuable français appréciera forcément de voir que Serge Dassault ne sera pas vraiment sensible à ses investissements puisqu'il a fait le choix de délocaliser hors de France une partie de son activité nourrie par son impôt, afin de gagner plus sans travailler plus.

Le début du vingtième siècle a vu l'émergence d'un héros de littérature : Arsène Lupin, le gentleman-cambrioleur. Avec Serge Dassault, le vingt et unième siècle a un nouveau héros : l'industriel-cambrioleur (de contribuables). Notre siècle est moins romanesque.

jeudi 6 décembre 2007

Les niches fiscales : la solidarité? c'est bon pour les pauvres!

« Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés ». Ces propos tirés de l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen énoncent les trois principes majeurs de la fiscalité française : nécessité de l’impôt, égalité dans son acquittement et progressivité.

Aux antipodes de ces principes se situe la fiscalité française actuelle basée sur la complexité, l’opacité et le clientélisme. Ainsi les niches fiscales, qui autorisent les régimes dérogatoires et les possibilités d’échapper à l’impôt, se sont considérablement développées.

En France, elles se chiffrent à près de 400 mesures, alors que l’Allemagne en compte environ 180 et l’Angleterre 120. Le produit de ce manque à gagner fiscal s’élève à près de 50 milliards d’euros, soit l’équivalent du produit de l’impôt sur le revenu!

Selon la loi d’orientation de la loi de finances, les niches fiscales les plus importantes sont : la TVA à 5,5 % sur les logements sociaux (4,3 milliards d’euros), les bons de capitalisation (3,5 milliards), la prime pour l’emploi (2,7 milliards) ou l’abattement de 10 % sur les pensions et retraites (2,3 milliards). La Corse comptabilise à elle seule 14 niches fiscales, pour un montant de 250 millions d’euros.

Si certaines mesures peuvent être justifiées car elles touchent de nombreux français comme la prime pour l’emploi dont 8,7 millions de personnes bénéficient, ce n’est pas le cas de certaines mesures qui ne visent que des gens aisés (emploi salarié à domicile, PERP, FCPI, investissements dans les DOM-TOM ou dans le cinéma…), ou un nombre de privilégiés limités (aide à la pêche, exonérations de droit de successions en Corse qui ne visent que 250 personnes, les cessionnaires de chevaux…).

Le Conseil des impôts s’était prononcé sur ces mesures qu’il avait qualifiées de « mille-feuille » fiscal, s'interrogeait sur le « caractère peu transparent, inéquitable ou inutilement complexe de ces exceptions à la règle fiscale dont ne bénéficient que les plus informés ». Dans ses propositions cette institution invitait à réexaminer l’efficacité et la nécessité de ces mesures qui remettent en cause la progressivité de l’impôt : ainsi les investissement dans les DOM-TOM permettent une réduction d’impôt moyenne de 60 000 euros qui ne concernent que 6 400 contribuables!

Plutôt que de créer une énième niche fiscale de plus, les décideurs publics devraient remettre en cause celles qui ne sont pas efficaces ou moralement injustes. Une grande réforme fiscale devrait être envisagée autour de trois axes: équité, compétitivité et solidarité.

Pour l’équité, il s’agit de favoriser les impôts progressifs, de limiter les privilèges (subventions, niches fiscales : ainsi en 2004 l’Etat a dépensé 18,5 milliards d’euros en allègements de charges patronales pour favoriser l’emploi, avec une efficacité plus que limitée).

Pour la compétitivité, il s’agit de lutter contre le dumping fiscal en Europe, de favoriser l’investissement, la recherche ou l’innovation par les impôts, augmenter la fiscalité sur le capital et non plus celle sur le travail, favoriser les contribuables qui travaillent (par la prime pour l’emploi par exemple).

Pour la solidarité, il faut que la fiscalité vise les plus aisés et profite à la France "d'en bas" : il est en effet inacceptable que seuls ceux qui travaillent dur ou galèrent s'acquittent de l'impôt alors que les plus nantis parviennent à s'exonérer de leur devoir de solidarité à l'égard des citoyens les plus fragiles.

Au fond, les propos d'Edgar Faure qui disait : "l'impôt appauvrit l'ignorant mais enrichit le connaisseur" sont toujours d'actualité.

mardi 4 décembre 2007

Café débat sur les paradis fiscaux le 5 décembre

Les Amis d'Anticor 44 organisent un café débat sur le thème des paradis fiscaux le 5 décembre à 20h au bar Le Rotonde à Nantes.
A l'heure où près de la moitié des flux financiers passent par eux, et que ceux-ci sont devenus un instrument majeur du capitalisme de l'ombre, cela nous permettra de débattre sur ce thème peu évoqué.
Le bar Le Rotonde est situé au 1 Rue Louis Blanc sur l'Ile de Nantes, au croisement de cette rue et du quai François Mitterrand (où se situe - jusqu'à quand? - le palais de justice).

Ces racketteurs dont TF1 ne parle pas

Imaginons. Imaginons un instant un monde sans TF1. Imaginons un monde sans "Le droit de savoir" et ses reportages sur les fraudes aux ASSEDIC, à la CAF ou sur les racailles qui ne paient pas leur ticket de bus et qui promènent leur pitbull en écoutant du rap. Imaginons un monde sans le journal de 13 heures de Jean Pierre Pernault et ses reportages sur le dernier artisan-sabotier de Mufflins qui travaille plus de 35 heures par semaine car il aime son travail...bon maintenant revenons au réel.

TF1 qui se fait une spécialité de dénoncer les petits fraudeurs et les petits délinquants, en occultant les grosses racailles, le prouve une fois de plus par son silence face à de gros racketteurs.
Alors que la privatisation des autoroutes s'est faite sans grande contestation, un rapport de la Cour des Comptes fait un premier bilan sur celle-ci en s'intéressant aux autoroutes du Sud (ASF).
Et le bilan est on ne peut plus critique : elle dénonce ainsi le bradage des autoroutes au profit de Vinci, grâce à une opération très favorable pour elle en deux étapes; elle dénonce aussi une augmentation des tarifs des péages, réalisée de manière opaque et incontrôlée; elle dénonce aussi le non respect des engagements envers la collectivité en matière d'investissements, tout comme un statut ultra-précaire de ses employés (10 200 CDD en moins de deux ans).

L'hebdomadaire Marianne du 27 octobre s'interroge aussi sur la possibilité de délits d'initiés : alors que Dominique de Villepin avait annoncé le 8 juin 2005 la vente totale des grandes autoroutes, les transactions concernant les nouveaux propriétaires ont augmenté de manière anormale : ainsi APPR a vu ses transactions augmenter de + 800 % quelques jours avant cette annonce! L'AMF a enquêté mais a classé le dossier sans suite.

Ce rapport de la Cour des Comptes permet de faire un petit rappel historique : le système des péages a été instauré en 1962 par Georges Pompidou afin de financer la création d'autoroutes, avec la volonté de les rendre gratuites à terme.
Les sociétés de travaux publics (GTM, Dumez, Colas et Jean-Lefebvre) ont alors le bonheur de voir leurs carnets de commande gonfler. Le système est tellement avantageux que la volonté initiale de rendre gratuites les autoroutes est abandonnée au profit d'un nouveau concept, la péréquation : les péages permettent de construire plus d'autoroutes, d'avoir plus de sécurités...
Les autoroutes sont depuis longtemps remboursées et amorties, ce qui n'a pas empêché l'Etat de vendre la manne que représentent les autoroutes au privé (Eiffage, Vinci, CNP, AXA...).

Les contribuables ont donc payé pendant des années des équipements, et quelques entreprises viennent se partager le gâteau, alors qu'ils n'ont pas financé les ingrédients du gâteau, et que les contribuables ont payé les frais de main d'oeuvre pour la réalisation du gâteau.
Les contribuables ont tout payé, mais quelques entreprises se régalent. Un véritable racket dont TF1 ne parlera bien évidemment jamais.

dimanche 2 décembre 2007

Crime sans châtiment : l'affaire de l'amiante

Mai 1995. La presse et les associations indiquent que des milliers de Français meurent chaque année pour avoir respiré de l'amiante, minéral cancérigène massivement utilisé dans l'industrie et dans le bâtiment.
Alors que de nombreux pays ont interdit l'utilisation de cette fibre, la France s'en est faite un de ses principal utilisateur au monde. A l'origine de cette pratique, un lobbying particulièrement brillant, responsable de centaines de milliers de morts...

L'amiante est utilisée de manière industrielle depuis 1880. Très rapidement ses qualités développèrent son utilisation : résistance au feu, à la traction. En 1900 l'invention de l'amiante-ciment a permis diverses utilisations qui firent fortune de multinationales : tuyaux, tuiles, toits, bardage...
Pourtant très rapidement l'effet nocif de l'amiante fut de plus en plus clair : en 1918 les assureurs américains refusent de couvrir les travailleurs exposés; en 1955 une étude prouve qu'elle provoque le cancer des poumons; en 1960 une autre atteste qu'elle cause le cancer de la plèvre, et qu'elle tue aussi les habitants vivants autour des usines.
En 1964, l'Académie des sciences de New-York reconnaît la nocivité de l'amiante, ce qui provoque des procès à l'encontre des multinationales.

Le 24 novembre 1971 les entreprises utilisatrices d'amiante en Europe se réunissent à Londres. Les leaders anglais et américains du secteur leur font part des attaques scientifiques, politiques et médiatiques contre l'amiante dans leurs pays. M.F. Howe, vice-président de la commission d'information sur l'amiante britannique indique : « notre apprentissage a été rude et peut être pouvons-nous vous épargner quelques souffrances »...tout un programme. Ils invitent ainsi à créer un conseil scientifique bidon, mais un vrai lobby, à désinformer le public en minimisant les risques, à répondre systématiquement aux attaques médiatiques.

Le lobby français tiendra ainsi vingt six ans, jusqu'à l'interdiction définitive de l'amiante en 1997. A la base de cette « réussite », il s'invite dans l'élaboration des rares réglementations. Il est assisté d'une société de communication dirigée par Marcel Valtat, qui bénificie de la caution de l'INRS (institut national de recherche et de sécurité) et créé le Comité permanent amiante pour faire de la propagande.
Trois scientifiques serviront de caution au CPA, pro-industrie, afin d'avoir un discours (« c'est un produit naturel »...).
L'amiante a permis un enrichissement important des entreprises du secteur : Saint Gobain, Eternit.

En cause dans ce scandale aussi la lenteur des gouvernants à transposer des directives européennes protectrices. Autre anomalie : Marianne Saux, haut fonctionnaire dans le domaine au ministère de la santé sous Martine Aubry, qui fut peu active sur ce dossier et rejoint peu après...Saint Gobain. Le rapport parlementaire sur l'amiante exonéra considérablement les politiques et les industries.

Depuis 1995 des milliers de victimes ont gagné leurs procès contre leurs employeurs. Par contre rien au pénal : toutes les instructions étaient paralysées et aucun procureur n'a engagé de poursuite. Le motif? Les industriels ont indiqué qu'en cas de problèmes ils attaqueraient l'Etat devant la justice administrative pour faute...de quoi refroidir les ardeurs.
Restent 35 000 morts entre 1965 et 1995, et 60 à 100 000 morts à venir...

Source : « L'histoire cachée de la Cinquième République » (édition La Découverte)

Pour une santé rentable en France, instaurons la prière!

Bonne nouvelle pour les pauvres : face à un désengagement croissant de l'Etat en matière de santé et à un accroissement constant des frais imputés aux usagers (franchise, forfait hospitalier, ticket modérateur...) en la matière, l'Histoire peut être d'un grand secours à Nicolas Sarkozy et à sa ministre Roselyne Bachelot.
En effet selon la mythologie grecque, afin de préserver leur santé les Grecs honoraient des statues d'Hygie, déesse de la santé.
Ne serait-il pas possible dès lors d'accélérer en France notre système de santé à deux vitesses : une médecine de luxe pour les plus nantis, et bâtir de simples statues dans les quartiers pauvres afin que les manants puissent prier pour leur santé, et ainsi résorber le trou de la sécurité sociale?

A la lecture de la presse on se rapproche pourtant progressivement de ce scénario.
Ainsi selon un rapport de l'Igas (inspection générale de l'action sanitaire) de septembre 2007, les dépenses promotionnelles des laboratoires de pharmaceutiques ont augmenté de + 48 % entre 1999 et 2005, record en Europe. 76 % de cette somme représenterait les sommes investies dans les visites de médecins, frais annexes compris.
Dans le même temps, les députés votaient les franchises santé afin de "responsabiliser" les patients...mais quid des multinationales de la santé qui font monter le prix du médicament par leurs dépenses de marketing?

De son côté le Comité nationale d'éthique a vu son rapport critique sur la généralisation de la tarification à l'acte partir à la poubelle.
Dans ce rapport transmis à Roselyne Bachelot, ils s'inquiétaient de l'absence de débat en la matière, du risque d'une vision purement comptable de la santé, rappelaient le caractère public de la santé, qui ne peut être considérée comme une simple marchandise.
Ils s'inquiétaient d'une vision productiviste de la santé, et du risque d'abandons des malades non-rentables.

Comme on le voit, la santé poursuit son bonhomme de chemin en France : désengagement étatique, augmentation de la part des usagers, privatisation, gestion proche des multinationales (brevets, lobbying...).
Mais que les lecteurs se rassurent : avec cet article veuillez trouver une photo d'Hygie, déesse grecque de la santé, priez-la : bientôt nous n'aurons plus que ça pour nous guérir.