dimanche 2 décembre 2007

Crime sans châtiment : l'affaire de l'amiante

Mai 1995. La presse et les associations indiquent que des milliers de Français meurent chaque année pour avoir respiré de l'amiante, minéral cancérigène massivement utilisé dans l'industrie et dans le bâtiment.
Alors que de nombreux pays ont interdit l'utilisation de cette fibre, la France s'en est faite un de ses principal utilisateur au monde. A l'origine de cette pratique, un lobbying particulièrement brillant, responsable de centaines de milliers de morts...

L'amiante est utilisée de manière industrielle depuis 1880. Très rapidement ses qualités développèrent son utilisation : résistance au feu, à la traction. En 1900 l'invention de l'amiante-ciment a permis diverses utilisations qui firent fortune de multinationales : tuyaux, tuiles, toits, bardage...
Pourtant très rapidement l'effet nocif de l'amiante fut de plus en plus clair : en 1918 les assureurs américains refusent de couvrir les travailleurs exposés; en 1955 une étude prouve qu'elle provoque le cancer des poumons; en 1960 une autre atteste qu'elle cause le cancer de la plèvre, et qu'elle tue aussi les habitants vivants autour des usines.
En 1964, l'Académie des sciences de New-York reconnaît la nocivité de l'amiante, ce qui provoque des procès à l'encontre des multinationales.

Le 24 novembre 1971 les entreprises utilisatrices d'amiante en Europe se réunissent à Londres. Les leaders anglais et américains du secteur leur font part des attaques scientifiques, politiques et médiatiques contre l'amiante dans leurs pays. M.F. Howe, vice-président de la commission d'information sur l'amiante britannique indique : « notre apprentissage a été rude et peut être pouvons-nous vous épargner quelques souffrances »...tout un programme. Ils invitent ainsi à créer un conseil scientifique bidon, mais un vrai lobby, à désinformer le public en minimisant les risques, à répondre systématiquement aux attaques médiatiques.

Le lobby français tiendra ainsi vingt six ans, jusqu'à l'interdiction définitive de l'amiante en 1997. A la base de cette « réussite », il s'invite dans l'élaboration des rares réglementations. Il est assisté d'une société de communication dirigée par Marcel Valtat, qui bénificie de la caution de l'INRS (institut national de recherche et de sécurité) et créé le Comité permanent amiante pour faire de la propagande.
Trois scientifiques serviront de caution au CPA, pro-industrie, afin d'avoir un discours (« c'est un produit naturel »...).
L'amiante a permis un enrichissement important des entreprises du secteur : Saint Gobain, Eternit.

En cause dans ce scandale aussi la lenteur des gouvernants à transposer des directives européennes protectrices. Autre anomalie : Marianne Saux, haut fonctionnaire dans le domaine au ministère de la santé sous Martine Aubry, qui fut peu active sur ce dossier et rejoint peu après...Saint Gobain. Le rapport parlementaire sur l'amiante exonéra considérablement les politiques et les industries.

Depuis 1995 des milliers de victimes ont gagné leurs procès contre leurs employeurs. Par contre rien au pénal : toutes les instructions étaient paralysées et aucun procureur n'a engagé de poursuite. Le motif? Les industriels ont indiqué qu'en cas de problèmes ils attaqueraient l'Etat devant la justice administrative pour faute...de quoi refroidir les ardeurs.
Restent 35 000 morts entre 1965 et 1995, et 60 à 100 000 morts à venir...

Source : « L'histoire cachée de la Cinquième République » (édition La Découverte)

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