mercredi 30 avril 2008

Du "pouvoir" judiciaire en France

Dans la Constitution il existe un pouvoir législatif, un pouvoir exécutif mais elle parle dans son titre VIII d’ « autorité » judiciaire et non de « pouvoir » judiciaire. Cela est significatif car les constitutionnels n’ont pas voulu donner d’autonomie à ce pouvoir. Jean Tibéri ou Alain Juppé ont pu un peu mieux respirer.
L’autorité judiciaire est placée sous la subordination plus ou moins forte du Garde des Sceaux. Celui-ci a la faculté de donner des instructions individuelles aux magistrats et aux procureurs, voire de les dessaisir. Le règne de Jacques Toubon fut le paroxysme de l’ingérence du pouvoir politique dans le domaine judiciaire : les interventions dans les procès d’Alain Juppé et de Jean Tibéri concernant la ville de Paris sont des références, de même que les « conseils » de certains cadres du RPR de l’époque concernant le procès Maurice Papon.
Par ailleurs les juges Joly, Van Ruymbecke ou Halphen ont fait des témoignages plus qu’éloquents sur les pressions qu’ils ont pu subir.

D’un point de vue technique le dualisme entre une justice judiciaire et une autre chargée de l’administration donc de l’Etat mérite aussi discussion : l’Etat se soustrait au droit commun, surtout que le droit administratif est une fabrication jurisprudentielle et se fonde essentiellement sur des décisions de justice et non sur des textes légaux. Le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature qui régule et contrôle une partie de l’activité de la justice est à revoir : ses membres sont nommés par le Président de la République. Autrefois il devait se baser sur une liste de noms choisis par le Conseil d’Etat, la Cour de Cassation ou les corps de magistrats. Cette obligation a disparu. Une régression?

D’un point de vue financier et humain la Justice, garante du libéralisme moral, possède des moyens très faibles : ainsi en 1997 la France comptait autant de procureurs qu’en 1857 alors que la population avait doublé entre temps! Un rapport du Conseil européen de novembre 2004 sur les justices en Europe classait la France aux plus mauvaises places européennes sur de nombreux paramètres (budget, nombres de fonctionnaires, rapidité du traitement des affaires…). Ces données ont été confirmées par un rapport de la Cour des Comptes. Un rapport d’Alain Bauer affirmait que sur 5,4 millions des procédures présentées annuellement à la Justice, seules 600 000 sont traitées : les procureurs ont le monopole de l’opportunité des poursuites, sans aucun contrôle; le taux d’élucidation des délits se chiffrait de 20 à 25 %

Au-delà de ces réalités, l’accès des citoyens à la Justice doit être renforcé: ils ne peuvent pas poser de question préjudicielle au cours d’un procès c’est-à-dire contrôler la constitutionnalité d’une loi par un juge de droit commun; l’accès financier aux procès a été renforcé grâce à l’aide juridictionnelle mais de nombreux citoyens ont des difficultés à agir en justice, surtout que la Justice française est très procédurière (huissiers, notaires, greffiers, frais de justice…), pour information pour agir en justice en Grande Bretagne une lettre recommandée avec accusé de réception suffit; l’accès à la preuve est aussi ardu.

En fait la France ne respecte toujours pas les critères du « bons procès » fixés par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme : les traitements des dossiers sont lents, la France a été condamnée par la Justice européenne de nombreuses fois pour ses retards.

Etant donnés ces nombreux dysfonctionnements la Justice, contre-pouvoir traditionnellement protecteur des droits des citoyens dans notre culture politique libérale, peut difficilement exercer ses fonctions. Pas sûr que Rachida Dati "les doigts de fée" améliore la situation.

samedi 26 avril 2008

Le chlordécone : le sang contaminé version antillaise?

L 'affaire du sang contaminé ou celle de l'amiante ont illustré l'état déplorable des classes politiques et scientifiques en France. Dans les deux cas les intérêts financiers ont primé sur l'intérêt général et sur la santé publique, dans les deux cas le lobbying, le noyautage des autorités de contrôle sanitaire ont permis de bafouer la vérité scientifique, avec au bout de nombreuses victimes.
Ces affaires font-elles parties du passé? Des affaires semblables seraient-elles possibles aujourd'hui? L'affaire du chlordécone montre que la question mérite d'être posée.

Le chlordécone est un pesticide breveté aux Etats Unis en 1952, et commercialisé sous le nom de Kepone en 1958. Cependant en 1975 le médecin du travail d'une usine synthétisant le produit constate des effets graves sur les employés de l'usine. Le produit est alors interdit aux Etats Unis en 1976.
La France suit-elle la réglementation américaine? Que nenni : le Kepone change simplement de nom, devient le Curlone, et est commercialisé en France jusqu'en 1993.
Comment expliquer la commercialisation de ce produit en France pendant tant d'années alors que le Centre international de recherche contre le cancer le classe comme « cancérigène possible »? Un petit flashback s'impose.

Depuis 1977 de nombreux rapports et études alertent sur la pollution créée par le pesticide notamment utilisé contre le charançon qui attaque les bananiers : le taux de chlordécone est parfois cent fois supérieur aux normes autorisées!
Selon un rapport parlementaire dirigé par Philippe Edmond-Mariette le produit a été autorisé jusqu'en 1993 aux Antilles (contre 1990 en Métropole) suite au lobbying des planteurs de bananes afin d'écouler les stocks – ce qui rappelle l'affaire du sang contaminé.
En cause aussi la direction générale de l'alimentation dont une antenne - la Commission d'étude de la toxicité – était noyautée par les producteurs de pesticides. Notons que les ministres de l'Agriculture Louis Mermaz (en 1981) et Jean-Pierre Soisson (en 1990) signeront les décrets autorisant le chlordécone.

Les conséquences sont en tout cas gravissimes : les eaux, sols (un sixième des terres contaminés pour une centaine d'années), légumes et crustacés sont contaminés. D'un point de vue individuel le chlordécone s'attaque au système nerveux central des humains, engendre des tremblements, troubles de la vision, diminution du nombre de spermatozoïdes, nausées. Le nombre de cancers de la prostate en Guadeloupe a quasiment doublé entre 1995 et 2003. Des cas de maladie de Parkinson sont apparus.

Mais le deuxième scandale c'est que malgré l'interdiction de 1993 des trafics de chlordécone ont été découverts et des études prouvent que le produit est toujours épandu. Une étude de 1997 indiquant qu'en Martinique 70 kilos de pesticides par an et par hectare, s'il y a des fraudes, les conséquences peuvent être graves.
Interrogé par Rue 89 le président du CRAN, Patrick Lozès affirme : « nous sommes en face d'un scandale sanitaire majeur (...), nous pourrions assister à une catastrophe aussi importante que celle du sang contaminé ». L'avenir, malheureusement, nous le dira.

Source : "Pesticides : révélations sur un scandale français" (Fabrice Nicolino-François Veillerette)


jeudi 24 avril 2008

Mais que devient Mohamed Tadjer?

Qu'est ce qui constitue l'originalité de la culture républicaine française? Refusant de choisir entre droit du sol et droit du sang, l'identité républicaine française se fonde essentiellement sur le droit du coeur. Ce droit du coeur c'est la foi quasi religieuse dans des valeurs de liberté, d'équité, de solidarité, de justice ou de progrès.

Confrontée à l'immigration, à la mondialisation ou au communautarisme, la France se doit de maintenir sa croyance dans une Nation qui soit « une communauté des rêves » pour reprendre l'expression d'André Malraux, et non pas dans une conception basée sur des critères ethniques ou religieux.

Pourtant cette conception idéaliste du citoyen français souffre difficilement de sa confrontation avec le réel, comme le prouve l'histoire de Mohamed Tadjer.
L'histoire se déroule à l'automne 2005. Mohamed, franco-algérien de trente six ans, officie comme chauffeur de bus en Seine-Saint-Denis.
Le 2 novembre 2005 au soir il fait entrer Joëlle, handicapée physique, dans son bus. Quelques secondes après avoir redémarré, une poubelle en flamme bloque la route. Un chiffon imbibé d'essence est jeté par sa fenêtre. Mohamed Tadjer ouvre alors toutes les portes et invite les passagers à descendre. Deux hommes entrent alors dans son bus et vident un bidon d'essence sur la handicapée, un autre homme allume un briquet et commence à mettre le feu à la femme.
Mohamed retire alors la femme de son bus, fait tout pour éteindre le feu avec sa veste et ses mains, et retourne dans le bus alors en flamme pour reprendre le sac de la femme (et le lui redonner...).

Légèrement blessé, Mohamed est sollicité par différents médias et reçoit des propositions financières qu'il refuse. Il se réfugie en Algérie pour y trouver un peu de calme. Il apprend alors que Jacques Chirac veut le nommer à titre exceptionnel au grade de chevalier de l'ordre national du mérite. Il rencontre alors Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin, Jean François Copé...
Puis vient le retour à Montfermeil.

Un jour son amie découvre un mot sur son pare-brise : « dis à ton petit chéri de fermer sa gueule ». Puis viennent les menaces directes : « on sait où tu habites », « on va t'égorger ». Mohamed dépose des mains courantes mais refuse de balancer quiconque.
Comme solution on lui propose alors une affectation dans les Alpes-Maritimes. Sa femme refusant de le suivre, la mutation capote. Il abandonne alors son CDI comme chauffeur et son employeur le reprend en intérim. Sa femme fait une fausse couche et le quitte. Menacé dans son quartier, il rend les clés de son appartement.
Mohamed fonctionne alors aux anti-dépresseurs et utilise le SAMU social pour se laver, refuse de revoir ses parents de crainte de les inquiéter au vu de sa descente aux enfers. Un peu comme le maréchal de Montluc qui au seizième siècle préférait cacher ses blessures au visage derrière un suaire par honte, alors que ces blessures étaient pourtant des blessures de guerre.

Au moment où le quotidien « Le Monde » l'interrogeait – le 26 octobre 2006 – Mohamed Tadjer, cet homme qui a sauvé une handicapée des flammes lors des émeutes de banlieues de novembre 2005, avait tout perdu : son CDI, son appartement, sa petite amie. Il lui restait seulement une mallette dans laquelle il gardait les médailles remisent par Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy, et les courriers de félicitations de François Hollande ou de Christian Estrosi.
Au moment où le quotidien « Le Monde » l'interrogeait, Mohamed Tadjer dormait dans une voiture sur des parkings, devenu SDF à cause de son courage et des conséquences qui l'ont suivies.
Depuis cet article aucune nouvelle publique de Mohamed. L'article du Monde indique seulement que ses employeurs se sont activés pour l'aider à sortir de sa galère.

Quelle que soit la situation actuelle de Mohamed Tadjer son histoire laisse à réfléchir. Un homme qui sauve une handicapée lors des émeutes de banlieues de novembre 2005, subit les conséquences de son acte, et finit dans la plus grande discrétion médiatique et politique sans domicile fixe, condamné à passer ses nuits à dormir dans sa Clio sur des parkings. Avec rien d'autre qu'une mallette. Et des médailles offertes par la République reconnaissante.
La République n'est pas, il nous reste à la faire éclore. Cette République qui advient, cette République qui vient c'est nous qui la feront. Ou non.


mardi 22 avril 2008

Peut-on breveter le vivant?

Joseph Schumpeter affirmait dans la première partie du vingtième siècle que le capitalisme était arrivé à sa fin. Selon lui le capitalisme avait été un bon système dès lors qu'il avait créé de la concurrence, de l'innovation, le goût du risque. Et la perte de ces valeurs annonçait sa mort et l'aboutissement du socialisme. Si la prophétie de Schumpeter s'est avérée inexacte, sa critique n'en demeure pas moins pertinente. La constitution de monopoles, la financiarisation et donc la constitution d'un capitalisme de rentiers tuent un capitalisme de progrès.
L'exemple typique de ce nouveau capitalisme est le succès des brevets, ce qui est ainsi le cas dans les biotechnologies et les OGM.

Monsanto, qui commercialise 90 % des OGM, est une entreprise « microsoftienne ». Afin de mieux exercer un monopole sur les semences mondiales, certains pensent qu'elle a travaillé sur les organismes génétiquement modifiés dans le seul but de créer un bien naturel qui lui soit propre et dont elle pourrait être propriétaire, par le biais du droit de la propriété intellectuelle, grâce aux brevets. Ces brevets lui permettant d'obtenir des royalties dès que quiconque utilise ses semences.

Pourtant la loi américaine de 1951 sur les brevets avait exclu de son champ d'application les organismes vivants. Mais en 1980, suite à un lobbying des entreprises de biotechnologie, la Cour Suprême américaine a admis dans un jugement très libéral que « tout ce qui a été touché par l'homme » peut être breveté...dès lors une privatisation d'organismes vivants est possible. Résultat, sur les 70 000 brevets annuels déposés aux Etats Unis, 20 % concernent des organismes vivants.

Et Monsanto sait appliquer son droit sur les brevets avec la douceur d'un taliban : toute personne achetant ses semences accepte par contrat de payer des amendes en cas de « fraude » (ce qui est le cas lorsqu'une personne conserve des semences et les réutilise l'année suivante, ou en cas de simple contamination par des champs voisins).
Pour appliquer sa loi Monsanto travaille avec des détectives de l'agence Pinkerton, a mis en place un numéro vert pour les dénonciations anonymes, elle a aussi mis en place une police des gènes de soixante quinze personnes pour effectuer des contrôles.

Elle a par ailleurs exporté sa volonté de monopole au niveau mondial par le biais de l'ADPIC (« aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce »), auprès de l'OMC. Au cours du cycle dit « Uruguay round » elle a travaillé pour inclure le droit de propriété intellectuelle dans le champ des domaines visant à être mondialisés et libéralisés. Pour ce faire elle a créé un organe, l'IPC, afin de faire du lobbying. Et un lobbying efficace : ainsi l'article 27.3 (b) permet le brevetage des micro-organismes. Le but de cet article est qu'un brevet obtenu aux Etats Unis, par Monsanto par exemple, soit applicable partout dans le monde. Avec des conséquences judiciaires graves en cas de non respect.

Source : "Le monde selon Monsanto" (Marie-Monique Robin)


dimanche 20 avril 2008

Monsanto m'a tuer

Saluons un instant Nathalie Kosciusko-Morizet. Saluons un instant une secrétaire d'Etat qui avait déjà brillé par ses compétences et par son intégrité. Mais face au rouleau compresseur des lobbys, les qualités comptent peu. Dans le débat parlementaire sur les OGM certains ont fait le choix de défendre l'intérêt général et la vérité scientifique plutôt que les intérêts partisans. Comme quoi le message de vérité et de science progresse. Le message de propagande de Monsanto, qui commercialise une grande partie des OGM, lui, apparaît de plus en plus comme une vague superstition, diffusée à la manière d'une vérité religieuse.

Monsanto, qui cultive 90 % des OGM au monde, a déjà un lourd passé et un lourd passif (agent orange, dioxine...) et a recyclé dans ce dossier ses vieilles recettes : falsification d'études, lobbying, menaces, conflits d'intérêt...
Son but? Contrôler les semences du monde, et donc la nourriture du monde. Revenons un instant sur la genèse des OGM.

Pour simplifier à l'extrême, l'épopée des OGM débute en 1953 lorsque deux scientifiques, Watson et Crick, décryptent la structure en double hélice de l'ADN, dont elle signe le code génétique. Dès le début des années 60 les biologistes travaillent sur les possibilité de manipulation des gènes. Dans les années 70 les premiers résultats apparaissent.
C'est à cette époque que Monsanto intervient dans l'épopée des OGM en réalisant ses propres recherches, qui aboutiront aux premières constructions génétiques, pour lesquelles elle déposera bien évidemment des brevets. Leur premier grand succès sont les plantes résistantes à leur herbicide, le Roundup ready, puis celle d'un gène immunisant contre le même herbicide.

Le premier vecteur de développement des OGM est politique. Et Monsanto sort les grands moyens dans ce domaine en envoyant quatre dirigeants de leur entreprise rencontrer George Bush père à la Maison-Blanche, alors que celui-ci est vice-président des Etats Unis. A l'époque celui-ci se fait l'apôtre de la « déréglementation » et se montre sceptique voire critique face aux organes scientifiques chargés de l'environnement et de la santé. S'ensuivent des textes très protecteurs pour la biotechnologie et des réglementations de pure apparence, permettant une réglementation de façade des OGM.
En cause notamment dans cette réglementation le « principe d'équivalence en substance » qui indique que les OGM seraient « grosso modo » identiques à leurs homologues naturels. Hors le « grosso modo » peut surprendre au vu des intérêts en jeu, surtout dans le domaine scientifique. Un économiste opposé aux OGM, Jeremy Rifkin, raconte qu'en fréquentant les mêmes bars que les lobbyistes à Washington il entendait ceux-ci rire du concept, ceci n'étant qu'une pure invention pour une mise sur le marché rapide des OGM. La FDA qui contrôle les aliments se basera sur ce type des analyses, ce qui fera échapper les OGM aux tests toxicologiques.

Le deuxième vecteur de développement des OGM est scientifique, car Monsanto a su utiliser les scientifiques ou les neutraliser.
Concernant ses études, Monsanto a toujours brillé par leurs imprécisions, leurs erreurs et leurs lacunes, Monsanto refuse de soumettre ses études a des contre-expertises « au nom du secret commercial ». Ceux qui ont effectué des études alternatives ont été surpris par les résultats très différents des résultats officiels : les animaux cobayes avaient en effet des conséquences très négatives sur leur santé. Ainsi les tests menés sur les papillons monarques faisaient près de 44 % de morts, le reste étant victimes de perte d'appétit...de quoi rassurer les consommateurs d'OGM.
Ceux qui veulent réaliser des études sur les OGM obtiennent peu de financements, voient leurs travaux discrédités, voire leurs carrières menacées. Certains se font licencier.
Que ce soit au niveau politique ou scientifique, Monsanto noyaute les institutions, utilise le pantouflage (allers-retours de personnes entre le privé et le public, parfois proches du conflit d'intérêt) et exerce un lobbying important : entre 1998 et 2001 elle a utilisé près de 21 millions de dollars en lobbying, et elle finance aussi les partis politiques au pouvoir aux Etats Unis.

Source : « Le Monde selon Monsanto » (Marie-Monique Robin)


vendredi 18 avril 2008

Quelles solutions pour les paradis fiscaux?

Depuis la mobilisation du début des années 2000, il y a eu quelques avancées dans la lutte contre les dérives des paradis fiscaux : de nombreux Etats ont fait des efforts pour instituer plus de moyens dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, légiférer sur certaines sociétés opaques ou coopérer judiciairement.
Cependant ces évolutions sont souvent des évolutions de façade : le système n'a pas été remis en cause, quelques Etats insignifiants ont servis de bouc-émissaires, le secret bancaire est toujours en place dans certains Etats, et la législation est souvent lacunaire.

Un dipositif existe déjà au niveau international : le GAFI a établi 49 recommandations et une liste noire, l'OCDE et l'ONU travaillent aussi sur ce point, tout comme le Forum de stabilité financière établi par le G8.

Diverses solutions sont envisageables autour de certains axes :

- harmoniser
Il convient d'harmoniser la fiscalité (par le biais notamment de la directive européenne sur l'épargne dont le champ limité doit être étendu et s'occuper du problème de la taxation de l'épargne des non résidents,) afin de prévenir de la concurrence fiscale entre Etats.
Il convient aussi d'harmoniser la légalité, notamment le droit des sociétés et le droit des affaires. Pour le droit des sociétés il faut légiférer sur les sociétés opaques (trusts, fiducies, anstalt, holdings, sociétés de domiciliation...) : une charte internationale, avec des normes minimales est ainsi envisageable. En cause : identifier les ayants droits économiques et prévenir l'anonymat et l'opacité, et un minimum de vie sociétale : le déroulé d'assemblées générales, la publication de comptes, l'obligation d'immatriculation ou l'inscription sur un registre central. Il serait nécessaire aussi d'harmoniser le droit pénal : pour certains l'évasion fiscal ou la fraude ne sont pas considérés comme délictueux.
Il convient aussi de permettre la levée du secret bancaire en cas de demande de coopération judiciaire internationale et de lever les conditions supplémentaires excédant la convention européenne de 1959. Il faudrait aussi généraliser les fichiers bancaires de type FICOBA.

- réguler
Il convient aussi de réguler l'activité économique dans certains domaines : afin de contrôler le capitalisme, il faudrait imposer un minimum de règles économiques.
Il s'agit tout d'abord de réglementer les différentes professions susceptibles de faciliter l'accès aux paradis fiscaux; il convient aussi d'instituer un contrôle plus rigoureux des comptes des entreprises, avec l'obligation que leur certification de comptes, obligation en cas de cotation boursière, s'étendent à l'ensemble de leur activité (même à des territoires exotiques); il convient de contrôler plus sérieusement les transactions avec les banques de compensation (Clearstream, Euroclear, SWIFT...).

- sanctionner
Le magistrat Jean de Maillard affirmait que les paradis fiscaux voulaient organiser un « monde sans loi ». Il appartient donc de sanctionner les différentes dérives.
Cela passe déjà par une responsabilisation accrue des différents acteurs économiques en étendant l'obligation de déclaration de soupçon à plus de professions, étendre l'obligation de vigilance en pénalisant la négligence.
Concernant les autorités de contrôles existants : il convient de judiciariser TRACFIN, d'accroître les pouvoirs du GAFI (et que sa liste soit plus crédible : la Suisse a présidé le GAFI en 1992), afin que ses normes aient un caractère impératif.
Il convient surtout d'internationaliser la justice : instituer une autorité mondiale de régulation afin d'avoir une régulation transnationale, favoriser la coopération internationale.
Il faut aussi dépasser le stade de l'autorégulation et aller vers une plus grande sanction; il faut mettre plus de moyens financiers et humains dans la lutte contre le blanchiment de capitaux. Il est possible aussi de sanctionner les pays non-coopératifs en instituant une taxe dans les transactions avec elles.
Il convient (à terme...) d'interdire aux banques françaises d'avoir des filiales dans les paradis fiscaux, de sanctionner les firmes passant par eux en les interdisant de marchés publics, de garantie publique (COFACE).

Grâce aux pressions conjuguées de la France, de l'Italie, de l'Union européenne, du GAFI, de l'OCDE, de l'ONU ou du G8, il y a eu d'importantes évolutions dans les paradis fiscaux, mais rappelons-le ces évolutions sont souvent de façade et les « attaques » contre les paradis fiscaux ont souvent visé des pays marginaux, qui firent offices de bouc-émissaires, alors que les plus puissants passaient entre les mailles du filet.
D'un point de vue judiciaire, la Cour de justice européenne a mis en cause les montages artificiels liés à l'utilisation des paradis fiscaux (arrêts Halifax en avril 2005, Cadbury Schweppes en mai 2006, confirmés en 2007).
Malgré ces évolutions, le système n'a pas été fondamentalement remis en cause. Il convient donc de continuer le travail. Un travail long, mais comme le disait Saint Just, « il n'y a que ceux qui sont dans les batailles qui les gagnent ».

mardi 15 avril 2008

C'est arrivé près de chez vous : la liquidation de l'égalité et de la fraternité

Every seed planted shall bring fruits” (chaque graine plantée donnera des fruits). Ainsi s'exprimait Bob Marley.
Au fond, quel est l'intérêt d'un blog? L'intérêt d'un blog est avant tout d'exprimer une trace de vie, une trace de volonté dans un monde qu'on ne souhaite pas subir. L'intérêt de ce blog est de faire preuve de discernement et de lucidité face au monde d'aujourd'hui, et de porter l'espérance d'une mutation de l'ordre des choses actuel.
Ce blog n'est pas un blog utopiste ayant vocation à opposer des gentils idéalistes à de méchants conspirateurs. Ce blog n'est pas non plus un blog excessivement optimiste ayant vocation à faire croire que quelques mots rédigés sur un clavier d'ordinateur changeront le monde.

Et pourtant...chaque citoyen doit prendre conscience que le monde n'est pas une entité statique mais bien une entité dynamique, où chacun tient son rôle d'acteur, ou de figurant. Chacun doit prendre conscience que le monde est un devenir permanent, que chacun peut bâtir le monde futur par ses actes, ou ses non-actes : le monde n'en est qu'à la Préhistoire, qu'à l'Antiquité, la moitié de l'Histoire n'est pas écrite. A nous de saisir les stylos et de noircir les pages blanches.
Afin de contribuer à notre plantation de graines, narrons deux histoires racontées par le Canard Enchaîné du 26 mars.

La première a pour cadre une mairie du cinquième secteur de Marseille. Vincent est adjoint administratif depuis six ans au service de la comptabilité. Devant dix témoins il se fait insulter par une collègue de “gros enculé, sale tapette, tu n'es bon qu'à te faire enculer”. Vincent, homosexuel assumé, est particulièrement choqué. Il s'ensuit un arrêt de travail. A son retour il découvre qu'il ne fait plus partie du service et qu'on lui a réservé un bureau isolé, sans ordinateur ni téléphone. La secrétaire générale de la mairie excuse les propos de sa collègue par un vocabulaire un peu brut. Pas d'homophobie donc. L'employée a même bénéficié d'une promotion...

Dans son édition du 2 avril, le Canard Enchaîné toujours (dur de faire une revue de presse étoffée vu l'esprit investigateur du reste de la presse française...) parle de la condition des citoyens français handicapés.
Nicolas Sarkozy, qui est à la politique ce que Pierre Bellemare est au télé-achat, avait promis de les aider. Suite à une manifestation pour le pouvoir d'achat notre Pierre Bellemare a été obligé d'assurer le service-après-vente en revalorisant l'allocation adulte handicapée de 5 %.
Pourtant alors que certains membres du Gouvernement avaient juré la main sur le coeur de favoriser l'emploi des handicapés, fin décembre ce même Gouvernement a annulé un crédit de 17 millions d'euros destiné à favoriser l'embauche d'handicapés dans l'Education Nationale, à savoir une taxe visant les employeurs qui engagent moins de 6 % de handicapés. Il faut dire que le gérant de ces fonds, le Fonds d'insertion des personnes handicapés de la fonction publique ne dépensait que 150 000 d'euros sur 150 millions pour développer le travail des handicapés.

Talleyrand affirmait : “Les mots de la République, de Liberté, d'Egalité, de Fraternité, étaient sur toutes les murailles, mais les choses que ces mots expriment n'étaient nulle part”. Des propos toujours d'actualité, et autant de graines à planter. Qui germeront demain.

dimanche 13 avril 2008

Bienvenue chez les Balkany

L'agence tous risques du 9-2 est décidément toujours aussi efficace. Si dans un article récent Serge Dassault, par ses pratiques, faisait penser au Futé, Patrick Balkany est un mélange de Barracuda et Looping.
Dans son édition du 9 avril Le Canard Enchaîné narre une nouvelle histoire concernant Patrick Balkany. Rappelons que le maire de Levallois-Perret a notamment été mis en cause pour clientélisme, détournements, financements occultes et abus de biens sociaux.
Le 9 avril le couple Balkany célèbre cette fois le mariage de leur fille Vanessa à l'hôtel de ville.
Et en bons parents les époux Balkany y ont mis les moyens. Le problème c'est que ces moyens sont parfois ceux de la commune.

Un cocktail dînatoire est prévu avant la cérémonie, avec 450 invités. Celui-ci se déroule dans les locaux de la mairie. Le personnel municipal a été réquisitionné pour l'occasion, une note technique de six pages a été rédigée.
Cette note pose le bouclage du quartier, et impose donc l'intervention des policiers municipaux et des agents de voirie. Elle impose aussi à la gardienne de l'hôtel de ville la surveillance des allées et venues des intervenants (dont la Star Academy...preuve d'un bon goût digne de Laurent de Médicis).
Le buffet est confié à une société travaillant habituellement pour la mairie. Comme quoi tout n'est pas qu'argent dans ce dur monde, il y a aussi des amitiés. La note technique impose aussi au personnel des espaces verts diverses vérifications matérielles et techniques. D'autres personnes sont réquisitionnées pour l'occasion. Elles sont aussi chargées de « remettre les salles en l'état » le lendemain...

Le Canard Enchaîné rappelle qu'en 1996 les époux Balkany avaient été condamnés à quinze mois de prison avec sursis pour avoir utilisés des employés municipaux comme domestiques, jardiniers ou valets de chambre.
Si Nicolas Sarkozy a déclaré que les caisses de l'Etat sont vides, Patrick Balkany pourrait se permettre de dire que les poches des contribuables sont pleines. Mais avec la baisse du pouvoir d'achat, y a pas de petit profit.


vendredi 11 avril 2008

Incinérateurs et cancers : on va tous crever!

« On va tous crever, on va tous crever, y a la fin du monde qui nous guette et nous on fait la fête; on va tous crever, on va tous crever, y a la fin du monde qui nous attends et nous on fait la fête tout le temps ». Ces paroles pleines de sagesse du chanteur engagé Didier Super sont bien plus que du bon sens. C'est de la prophétie.
Ainsi dans un article du 6 avril le site Internet Bakchich commente un rapport de l'Institut National de Veille Sanitaire (INVS) mis en ligne le 27 mars.

De manière très générale le site s'étonne de la discrétion de la mise en ligne du rapport au vu du caractère très inquiétant du contenu de celui-ci, à savoir les risques cancérigènes provoqués par les incinérateurs d'ordures ménagères. Ainsi le ministère de la Santé n'en fait pas mention sur son site, alors que Roseline Bachelot connaît bien ce dossier pour l'avoir abordé en 2002.
L'enquête a été effectuée avec sérieux : elle porte sur une longue période (1990-1999), sur quatre départements (2,5 millions de personnes), sur seize incinérateurs. Près de 135 000 cas de cancers ont été étudiés.
Et les résultats sont préoccupants : + 4 % de cancers, + 22 % de sarcome du tissu mou, + 12 % de lymphome malin non hodgkinien, + 16 % de cancers du foie, + 9 % de cancers du sein...d'autant que les chiffres sont sous-évalués, certains cancers mettant plus de dix ans à se déclarer.

Le site s'interroge sur les conséquences ou les non-conséquences de cette étude. Depuis janvier 2006 les normes de rejets ont été durcies, malgré les supplications d'un certain Michel Barnier qui voulait défendre les braves industriels qui polluent plus pour gagner plus.
La France a été en outre condamnée par la Cour de Justice européenne pour non respect de la réglementation sur les émissions de dioxine des incinérateurs : à Gilly-sur-Isère le taux était de 750 fois supérieur à la norme, alors qu'à Maincy/Vaux-le-Pénil il était de 2 260 fois supérieur au normes européennes!
La France demeure championne de l'incinération avec 128 installations, et une quinzaine de projets en vue, moins médiatisés que le Grenelle de l'Environnement.

Afin de finir sur une touche culturelle, quelques pensées de Didier Super : « Aime les cons et tu t'aimeras toi-même », « Arrête d'aller voir ta grand-mère pour qu'elle te donne des sous et tu verras qu'elle t'en donnera encore plus », « Le football c'est sûrement le seul sport qui se pratique assis devant la télé avec une bière à la main ». A méditer.


mercredi 9 avril 2008

Gagner plus sans travailler plus

« Oui le Peuple Français est le peuple le plus intelligent de la Terre. Voilà pourquoi, sans doute, il ne réfléchit pas ». Ainsi parlait Edgar Faure.
Les dernières élections présidentielles prouvent la pertinence de cette sentence. Un homme politique, mélange entre Eddie Barclay et Gaston Lagaffe, trouvait il y a quelques mois la solution miracle pour augmenter le pouvoir d'achat des Français : travailler plus pour gagner plus.
Moins d'un an plus tard le constat est rude : augmentation de + 172 % du salaire de notre bien aimé Président, probablement pour payer la pension alimentaire de Cécilia, baisse de la fiscalité pour les oisifs qui investissent en Bourse (dividendes, impôt de Bourse), et rien pour ceux qui travaillent de leurs mains : si les caisses de l'Etat seraient vides, les poches des plus nantis sont elles bien pleines.

Et les cas de ceux qui au mépris du mérite gagnent plus sans travailler plus sont nombreux. Le Canard Enchaîné du 12 mars en cite au moins deux.
On apprend ainsi que le Livret A, mis en cause par Bruxelles pour atteinte à la concurrence, serait une bonne vache à lait pour la Caisse d'Epargne et la Banque Postale. Celles-ci appliquent ainsi des frais de gestion de 1 à 1,3 % sur ce livret, soit un gain de 1,3 milliards d'euros annuels. Hors sur ces 1,3 milliards seuls 700 millions d'euros correspondraient à des frais réels, soit 600 millions d'euros de gains totaux. Michel Camdessus, président de la Banque de France, avait déjà invité à abaisser les frais de gestion à 0,4 %, taux qu'ont refusé les banques. Gagner plus sans travailler plus.

Dans cette même édition, Le Canard Enchaîné narre aussi le cas de l'ex-ministre Philippe Bas, nouveau président de l'agence nationale d'accueil des étrangers et des migrants, qui a vu le salaire lié à son poste augmenter de 296 %. L'article précise le caractère épuisant du poste qui oblige ainsi le président à participer à au moins deux réunions annuelles. Gagner plus sans travailler plus.

Cet article commençant par une citation d'Edgar Faure, il convient de finir par une autre citation d'Edgar Faure : « L'immobilisme est en marche et rien ne peut l'arrêter ». Dans le combat historique qui oppose les forces de l'espérance aux forces de la résignation, les Français semblent avoir choisi le camp du fatalisme.

NB : la commission de régulation de l'énergie propose une hausse des prix du gaz de 5,5 %

dimanche 6 avril 2008

Des contre-pouvoirs sous la Cinquième République

Selon Montesquieu, « il est notable que toute personne qui se voit attribuer un pouvoir est porté à en abuser ». Pour éviter ces déviances il faut que « le pouvoir arrête le pouvoir » ("de l’Esprit des Lois", 1748). Dans le même esprit Alain affirmait au dix neuvième siècle que l’essence de la démocratie réside dans le contrôle du pouvoir par ses citoyens et l’existence de contre-pouvoirs. Tout porte à croire que le Général de Gaulle ne possédait malheureusement pas d’ouvrages de ces auteurs dans sa bibliothèque…

Afin de rassurer l’opinion publique de Gaulle accepta la création d’un Conseil Constitutionnel pour contrôler le respect de la Constitution et servir de garde-fou à l’Exécutif. Pourtant certaines réserves sont nécessaires : concernant son domaine de contrôle celui-ci est très limité puisqu’il ne porte que sur la Constitution; il a fallu attendre une décision du Conseil Constitutionnel au raisonnement juridique plus que douteux (« Liberté d’association », le 16/07/1971) pour que le préambule, à savoir la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et le Préambule de la Constitution de 1946, soit inclus dans son champ de contrôle. Par ailleurs les conditions de nominations de ses membres sont à revoir : ils sont nommés par des hommes politiques, le Président est notamment nommé par le Président de la République, ce qui engendre une subordination de fait, et sans aucun critère professionnel comme avoir une formation juridique. Ainsi le Général de Gaulle prit l’habitude de nommer des amis à ces postes, mais la pratique depuis Mitterrand est de nommer des hommes politiques à formation juridique (Robert Badinter, Simon Veil, Roland Dumas, Pierre Mazeaud…). Enfin la saisine est limitée : seuls 60 députés et 60 sénateurs peuvent le saisir, ainsi un citoyen ordinaire ne peut pas le saisir par le biais d’un procès par exemple (« la question préjudicielle »), le Conseil ne peut pas non plus s’autosaisir sauf dans des cas bien spécifiques comme l’organisation d’élections.

Par ailleurs le Sénat, qui possède un pouvoir législatif limité et un pouvoir consultatif, se limite à être un simple contre-pouvoir au réformisme : son mode d’élection à deux tours avec des grands électeurs, la surreprésentation de la campagne la plus rurale, son orientation éternellement à Droite en font l’agent du conservatisme.

La Cour des Comptes, produit de l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui autorise les citoyens à contrôler l’emploi des fonds publics par ses citoyens, a des attributions faibles : ainsi en Grande Bretagne la « National Audit Office » publie 40 contrôles par an sur l’utilisation des fonds publics, en France la Cour des Comptes en publie 3... le Parlement britannique réclame une trentaine d’audits sur les dépenses publics, Pierre Joxe affirmait qu’il était consulté 3 fois par an… Il n’existe pas de Commission permanente au Parlement pour contrôler et évaluer les dépenses publiques, quant aux dépenses du Président de la République (ses billets d’avions par exemples…) la Cour n’a pas le droit de les contrôler.

Le Conseil Economique et Social (article 69 et 70) pourrait être un excellent outil démocratique mais la Constitution lui confie un rôle consultatif on ne peut plus limité: ainsi le Gouvernement n’est pas lié par ses avis, il ne « peut » que le consulter donc sa consultation n’est pas obligatoire. Augmenter ses pouvoirs et son importance, en le rapprochant de ceux du Sénat, pourrait être positif.

Au niveau local les chambres régionales des comptes sont chargées de contrôler les dépenses publiques locales. Cependant leurs moyens sont faibles et les citoyens ne peuvent pas les saisir directement, d’où une efficacité limitée.

Enfin dernier contre-pouvoir et non des moindres, le Peuple. La Constitution de Gaulle lui a confié plus de pouvoirs : le référendum et l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Cependant le domaine du référendum était originellement très limité concernant ses matières, même si François Mitterrand l’a étendu; en outre les citoyens n’ont pas le pouvoir d’initiative du référendum. Par ailleurs, ils ne peuvent invoquer le contrôle de la constitutionnalité d’une loi au cours d’un procès. Ils ne peuvent pas non plus avoir l’initiative d’une loi par pétition. Concernant les élections présidentielles, le candidat n’est pas lié par son programme, comme le disait le penseur gaulliste Charles Pasqua « les promesses politiques n’engagent que ceux qui y croient »… Mais au fond donner plus de pouvoir au peuple est-il souhaitable? Jean Jacques Rousseau considérait que la démocratie pure était faite pour les dieux pas pour les hommes, Montesquieu affirmait quant à lui que pour exercer un pouvoir il faut connaître le droit international, la diplomatie, l’économie, ce qui n’est pas le propre du Peuple… Le débat mérite d’être tenu car les exemples de démocratie quasi-directe dans certains états des Etats-Unis ou dans certains cantons suisses ont bien souvent dérivé vers le populisme.

mercredi 2 avril 2008

Monsanto, ses produits et ses victimes (bis)

Dans son ouvrage « Le monde selon Monsanto » sorti le 6 mars 2008 la journaliste Marie-Monique Robin réalise une enquête détaillée sur Monsanto, multinationale américaine spécialisée dans les biotechnologies.
Avant de se spécialiser dans les biotechnologies Monsanto, qui a été créée en 1901, a produit respectivement de la saccharine, de la caféine, de la vanilline, de l'aspirine, du caoutchouc et des phosphates.

En 1945 elle se met à produire respectivement des herbicides et des insecticides, des plantes génétiquement modifiées, de l'aspartame, l'agent orange ou des hormones de croissance.
Monsanto a ainsi produit le PCB (pyralène), utilisé notamment dans la production industrielle.
Ainsi dans la ville d'Anniston, où se situe la principale usine de Monsanto, a rejeté pendant des années du pyralène dans la principale rivière de la ville.
Dans le cadre de son enquête Marie-Monique Robin a eu l'occasion d'étudier près de 500 000 pages de documents internes que Monsanto a voulu dissimuler (notes de service, directives internes...) qui attestent que Monsanto connaissait le caractère toxique de ces pollutions à l'origine de nombreux décès, notamment par cancer.
Marie-Monique Robin a ainsi trouvé des argumentaires établis par Monsanto afin de répondre aux questions dérangeantes. Elle a aussi trouvé des études menées sur des rats ou sur des poissons aux résultats très inquiétants. Dès 1937 Monsanto savait le caractère dangereux du pyralène mais l'a commercialisé jusqu 'en 1977!
Pour ce faire elle a bénéficié de la complicité d'un certain Joe Crockett, travaillant pour un organisme, l'AWIC, qui aurait réglé tout problème avec la FDA, chargée des contrôles aux Etats Unis.
Elle a aussi manipulées ses études pour cacher le caractère toxique du pyralène.

Monsanto a aussi produit de la dioxine.
L'histoire qu'a connu la ville de Times Beach illustre le style Monsanto.
Cette ville connaît des problèmes liées à la poussière. Pour faire disparaître ce problème la Bliss Waste Oil Company, qui travaille avec des produits Monsanto, propose de répandre un de ses produits sur la ville.
Très rapidement on retrouve des animaux morts. Mais le drame survient en 1982 lors d'une inondation dans la ville où on découvre l'ampleur de la pollution et des conséquences sur la santé des habitants (problèmes de peau, cancers...).
Dans cette affaire la numéro un de l'EPA, chargée de l'environnement, sera mise en cause : dans le cadre de l'enquête elle a détruit tous les documents mettant en cause Monsanto, alors qu'elle avait l'habitude de déjeuner régulièrement avec ses dirigeants.
En cause aussi le docteur Suskind qui falsifiera des études pour cacher le danger de la dioxine.
L'affaire de la dioxine prouve les méthodes de Monsanto. Lorsque Cate Jenkins ou William Sanjour s'inquièteront de la légèreté des tests de toxicité de Monsanto, ils seront victimes de pression, de menaces et seront licenciés.
L'enquête de Marie-Monique Robin montre aussi que Monsanto a infiltré les organes de décisions (exemple : la Maison Blanche, l'EPA, la FDA) de ses hommes, ou que des études ont été frauduleuses.
Elle narre aussi l'histoire de Richard Doll, scientifique respecté qui avait prouvé le lien entre le cancer et la consommation de tabac. Ce scientifique réputé pour son intégrité a défendu Monsanto par le biais d'études. Après sa mort on a découvert qu'il percevait un salaire de la part de Monsanto...

La commercialisation de l'hormone de croissance bovine démontre aussi tout le savoir-faire de Monsanto. Cette hormone permettait d'augmenter de 15 % la productivité des vaches laitières.
Un scientifique de la FDA, Richard Burroughs, a été étonné par le manque de sérieux des études de Monsanto : études truquées, lacunes majeures. Il a alors alerté sa hiérarchie. Au final on lui a mis des batons dans les roues, il a été viré pour incompétences. Selon lui la FDA a « sciemment fermé les yeux » sur le dossier alors qu'elle est en charge de contrôler l'innocuité des produits.
Dans cette affaire Monsanto a aussi fait pression pour que la presse scientifique la défende, et utilisé le pantouflage, au risque du conflit d'intérêt. Ainsi Margaret Miller, à l'origine du texte de la FDA autorisant l'hormone de croissance bovine, est une ancienne employée de...Monsanto.
Pourtant sur le terrain l'hormone de croissance est loin de faire l'unanimité : pour beaucoup les résultats en terme de productivité sont catastrophiques à terme, certains comparent le produit à une drogue qui rend les vaches dépendantes.
Concernant la presse Jane Akre et Steve Wilson, journalistes au sein de la Fox, ont eu affaire à Monsanto et s'en souviennent. Ils réalisent un reportage sur l'entreprise, mais l'avocat de Monsanto contacte la chaîne pour dire qu'ils n'apprécient pas leur démarche. Les journalistes réécrivent quatre vingt trois fois le scénario du reportage! Au final ils se font virer de la Fox. Au terme du procès la justice reconnaît aux chaînes américaines le droit de mentir au public...