mercredi 30 avril 2008

Du "pouvoir" judiciaire en France

Dans la Constitution il existe un pouvoir législatif, un pouvoir exécutif mais elle parle dans son titre VIII d’ « autorité » judiciaire et non de « pouvoir » judiciaire. Cela est significatif car les constitutionnels n’ont pas voulu donner d’autonomie à ce pouvoir. Jean Tibéri ou Alain Juppé ont pu un peu mieux respirer.
L’autorité judiciaire est placée sous la subordination plus ou moins forte du Garde des Sceaux. Celui-ci a la faculté de donner des instructions individuelles aux magistrats et aux procureurs, voire de les dessaisir. Le règne de Jacques Toubon fut le paroxysme de l’ingérence du pouvoir politique dans le domaine judiciaire : les interventions dans les procès d’Alain Juppé et de Jean Tibéri concernant la ville de Paris sont des références, de même que les « conseils » de certains cadres du RPR de l’époque concernant le procès Maurice Papon.
Par ailleurs les juges Joly, Van Ruymbecke ou Halphen ont fait des témoignages plus qu’éloquents sur les pressions qu’ils ont pu subir.

D’un point de vue technique le dualisme entre une justice judiciaire et une autre chargée de l’administration donc de l’Etat mérite aussi discussion : l’Etat se soustrait au droit commun, surtout que le droit administratif est une fabrication jurisprudentielle et se fonde essentiellement sur des décisions de justice et non sur des textes légaux. Le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature qui régule et contrôle une partie de l’activité de la justice est à revoir : ses membres sont nommés par le Président de la République. Autrefois il devait se baser sur une liste de noms choisis par le Conseil d’Etat, la Cour de Cassation ou les corps de magistrats. Cette obligation a disparu. Une régression?

D’un point de vue financier et humain la Justice, garante du libéralisme moral, possède des moyens très faibles : ainsi en 1997 la France comptait autant de procureurs qu’en 1857 alors que la population avait doublé entre temps! Un rapport du Conseil européen de novembre 2004 sur les justices en Europe classait la France aux plus mauvaises places européennes sur de nombreux paramètres (budget, nombres de fonctionnaires, rapidité du traitement des affaires…). Ces données ont été confirmées par un rapport de la Cour des Comptes. Un rapport d’Alain Bauer affirmait que sur 5,4 millions des procédures présentées annuellement à la Justice, seules 600 000 sont traitées : les procureurs ont le monopole de l’opportunité des poursuites, sans aucun contrôle; le taux d’élucidation des délits se chiffrait de 20 à 25 %

Au-delà de ces réalités, l’accès des citoyens à la Justice doit être renforcé: ils ne peuvent pas poser de question préjudicielle au cours d’un procès c’est-à-dire contrôler la constitutionnalité d’une loi par un juge de droit commun; l’accès financier aux procès a été renforcé grâce à l’aide juridictionnelle mais de nombreux citoyens ont des difficultés à agir en justice, surtout que la Justice française est très procédurière (huissiers, notaires, greffiers, frais de justice…), pour information pour agir en justice en Grande Bretagne une lettre recommandée avec accusé de réception suffit; l’accès à la preuve est aussi ardu.

En fait la France ne respecte toujours pas les critères du « bons procès » fixés par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme : les traitements des dossiers sont lents, la France a été condamnée par la Justice européenne de nombreuses fois pour ses retards.

Etant donnés ces nombreux dysfonctionnements la Justice, contre-pouvoir traditionnellement protecteur des droits des citoyens dans notre culture politique libérale, peut difficilement exercer ses fonctions. Pas sûr que Rachida Dati "les doigts de fée" améliore la situation.

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