mercredi 30 janvier 2008

Si tu es malade et que tu as un bon portefeuille, tu m'intéresses

Le grand Hypocrate avait donc raison. Le grand médecin grec affirmait « c'est la nature qui guérit les malades ». Notre ministre de la santé, Roselyne Bachelot, qui a pour mission de résorber le trou de la sécu, semble elle aussi de plus en plus compter sur la nature pour guérir les malades.
Autrefois les malades étaient considérés comme des victimes, aujourd'hui ils sont considérés comme des coupables, qui doivent à ce titre être exclus de la solidarité nationale. Après les franchises médicales, de plus en plus de pseudos-experts médicaux proposent d'exclure les affections longues durée (ALD) des remboursements à 100 %.
Pourtant cette conception de la santé qui consiste à affirmer que les Français abusent de la générosité de la sécu pour se soigner est quelque peu archaïque, et est déconnectée du réel.

Ainsi une étude d'UFC-que choisir vient à contre-courant des idées reçues.
Cette étude porte sur cinq grandes familles de médicaments et indique que les prescriptions de médicaments en ville sont peu rationnelles : ainsi les médecins ne prescrivent pas toujours les médicaments les moins chers, même si ceux-ci sont plus efficaces. Bilan : 200 millions d'euros annuels de gaspillés.
Ainsi concernant la prévention ou les suites d'un accident cardio-vasculaire, le Plavix, vingt sept fois plus cher que l'aspirine, est dans 50 % des cas prescrit à tort. Bilan : 70 millions d'euros annuels de gaspillés. Idem pour les prescriptions dans le cadre de reflux gastro-oesophogiens, d'arthrose ou d'hypertension (132 millions d'euros).

Selon les études de l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) et de la Cour des Comptes ces surplus sont liés à l'influence trop importante de l'industrie pharmaceutique sur les prescriptions des médecins : ainsi en France il y a un visiteur médical pour neuf médecins libéraux, soit le double de l'Angleterre ou l'Allemagne, et le quadruple de la Hollande.
UFC-Que choisir s'interroge sur l'immobilisme du ministère de la Santé en la matière, lui qui est pourtant si imaginatif pour trouver des mesures de sanctions contre les malades-pêcheurs. Il n'a pas encore proposé aux malades de se confesser devant un prêtre pour qu'il lui lui pardonne d'être malade. Pour l'instant...

UFC-Que choisir fait quelques propositions : développer une information publique des médecins, avec des visiteurs médicaux sous l'autorité de la Haute Autorité de la Santé : 1 700 personnes, pour un coût de 200 millions d'euros, financés par une taxe sur les laboratoires pharmaceutiques; un encadrement strict des visites privées : augmenter la taxe sur les promotions des produits pharmaceutiques et diminuer le volume des visites médicale.
Mais si le Gouvernement est prompt à prendre des mesures « courageuses » à l'encontre des assurés sociaux, on imagine que ce courage sera moins important pour brider les multinationales de la santé.

lundi 28 janvier 2008

Les multinationales de l'eau et le financement occulte des partis politiques

Parfois la politique c'est un peu comme le film de Night Shyamalan « Sixième Sens » : un coup de théâtre final nous permet de réexaminer le passé de manière différente.
C'est un peu ce qui s'est passé avec le domaine de l'eau. Alors qu'il est secrétaire général du RPR, Jérôme Monod décide de tout abandonner afin de diriger la Lyonnaise des eaux. Beaucoup s'imaginent alors que ce conseiller de Jacques Chirac a délaissé la politique, mais le futur permettra de se rendre compte qu'au contraire il n'en a jamais été aussi proche.

Si les multinationales de l'eau ont connu leur virage à la fin des années 70, celles-ci existent depuis le dix neuvième siècle. Les communes octroient à des entreprises privées la gestion du système d'eau, qui bénéficient de monopoles et de droits d'exploitation de longue durée.
Dans les années 60 est institué leur financement basé sur le principe du pollueur-payeur : ainsi les particuliers qui consomment 5 % de l'eau acquittent 80 % de la facture, les industriels qui en consomment 15 % acquittent bien 15 % de celle-ci, les agriculteurs eux qui consomment 80 % de l'eau n'acquittent elle que 5 % du financement.
Tout ce monde vit tranquillement dans son monopole. Le tournant a lieu à la fin des années 70 quand Guy Dejouany et Jérôme Monod prennent la direction de la Générale des eaux et de la Lyonnaise des eaux.

Les deux entreprises ont en commun leur participation au financement des partis politiques.
Le premier parti à mettre en place ce type de système est le PCF, qui est exclu des financements traditionnels, qui institue des prélèvements de 1 à 3 % sur les travaux ou prestations. Le RPR utilise le même système lorsqu'il est éloigné du pouvoir par Giscard d'Estaing ou Mitterrand. Et le système se généralise. Les compagnies des eaux sont par ailleurs généreuses : prêt de main d'oeuvre pour les services d'ordre, financement de maillots pour le club de foot local...en contre partie de tarifs plus élevés ou de l'obtention de nouveaux marchés. Dans la discussion pour le programme commun de la gauche en 1976, la perspective de nationaliser les compagnies de l'eau est peu évoquée. Et en 1982 lorsque Saint Gobain lance une attaque contre la Générale des eaux, Guy Dejouany fait intervenir André Rousselet, proche de François Mitterrand pour stopper les attaques.

La décentralisation est un véritable cadeau du ciel pour les multinationales de l'eau : elles sont moins contrôlées, elles effectuent un lobbying auprès des élus, et profitent de l'hégémonie idéologique du thatchérisme pour proposer de privatiser les services des eaux. Des arguments qui convaincront Jacques Chirac à Paris en 1984.
Mais rapidement les cas de corruption apparaissent : Boucheron, Urba, Gifco, HLM de Paris, lycées d'Ile de France, Noir, Carignon, mais aussi des cas communs de dessous-de-tables, des emplois fictifs, des cadeaux (rénovations de logements, voyages gratuits...).

L'affaire Carignon est un parfait symbole des pratiques : Alain Carignon octroie la concession du marché de l'eau à la Lyonnaise des eaux à Grenoble, en contrepartie d'un soutien financier. Et celui-ci est important : logement boulevard Saint-Germain, voyages gratuits, croisières gratuites, chauffeur, leçons de cours d'anglais! En 1989 le service d'eau est privatisé, les tarifs augmentent de 30 %.
Mais le cas n'est pas isolé car d'autres villes sont touchées par le même système : Saint Etienne, Veynes, Colmar, Saint-Pierre-de-la-Réunion.
L'opinion publique étant scandalisée, le législateur réagit par le biais de la loi Sapin du 29 janvier 1993 qui impose entre autres plus de transparence et de sanctions. L'évolution est positive, mais d'autres pratiques douteuses apparaissent. En 1996 Guy Dejouany est remplacé par un certain Jean Marie Messier, celui-ci récupère les « provisions » (versements effectués par les collectivités pour que les compagnies effectuent des travaux) pour Vivendi, et n'effectue aucun des travaux prévus.

Au final le bilan est très négatif sur l'eau : pollution, eau de qualité moyenne.
Les choses évoluent lentement grâce à la pression des usagers et des associations de consommateurs. Mais même si les Goliaths se font battre par des Davids de plus en plus nombreux, le système demeure malgré la vigilance et la persévérance de la société civile. Pour l'instant.

Source : « Histoire secrète de la Cinquième République » (article de Martine Orange)

samedi 26 janvier 2008

Jacques Attali : après l'invasion médiatique, les remontrances juridiques?

A l'heure où Jacques Attali fait la une de nos médias pour son rapport sur la libération de la croissance, une autre information le concernant demeure par contre plus confidentielle. L'Autorité des marchés financiers (AMF) souhaite en effet l'auditionner car elle le soupçonne de conflit d'intérêts. Dès lors Jacques Attali devra-t'il affronter les remontrances des Supernannys de la délinquance boursière?

L'histoire narrée par le site Internet Bakchich débute en juillet 2005. A cette époque le magazine Challenges, suivi par les médias français et par le Financial Times, relaye une rumeur : Danone pourrait être racheté par Pepsico dans le cadre d'une OPA. L'annonce fait effet : l'action Danone augmente de + 27 % en un mois, avant que Pepsico ne nie la rumeur qu'au bout d'un mois.
L'AMF lance une enquête le 26 juillet 2005 afin de vérifier s'il n'y a pas eu de manipulation de la part de Danone dans le cadre de cette rumeur. Les enquêteurs s'intéressent notamment à Jacques Attali dont la société de conseil en stratégie, Attali et associés, effectue des missions ponctuelles pour Danone, mais qui est aussi conseiller de Pepsico, d'où un possible conflit d'intérêt.

Au terme de sept mois d'enquêtes l'AMF repart bredouille : ils n'ont aucune preuve de manipulations. Par contre ils maintiennent leurs doutes concernant Jacques Attali. Dans le cadre de l'enquête il avait été auditionné, avait contesté les faits, et dénié s'être rendu à Londres pour discuter avec les dirigeants de Pepsico.

Pourtant une perquisition effectuée chez Jacques Attali il y a quelques semaines a permis de retrouver des factures de carte bancaire émises à Londres avec des dates correspondants à la période où Jacques Attali ne se serait pas rendu à Londres.
Dès lors les enquêteurs de l'AMF réclament une nouvelle audition de Jacques Attali, malgré l'avis contraire de leur hiérarchie. Le site Bakchich a contacté Jacques Attali qui leur a répondu par un fax disponible sur leur site.

Dans ce fax il demeure très évasif : il confirme avoir conseillé les deux entreprises, et en avoir rencontré les dirigeants, par contre il affirme ne jamais avoir reçu de mandat de leur part; il indique ne pas être au courant des initiatives de l'AMF et s'interroge sur le sens du mot “facturette”.

En tout cas, on regrette que quelque soit l'avancée du dossier Jacques Attali n'ait pas proposé une moralisation et une transparence du capitalisme financier dans son rapport, proposition d'actualité au vu des effets de la crise des subprimes et de la supposée fraude purement individuelle d'un trader de la Société Générale.
Concernant ses problèmes avec l'AMF, nul doute que Jacques Attali passera moins dans les médias pour en parler. “La discrétion est d'une grande valeur” affirmait Lao-Tseu...

jeudi 24 janvier 2008

L'argent du contribuable financera-t'il les sectes?

Il y des moments où on se dit qu'un Léon Gambetta ou un Clemenceau ne suffirait pas à défendre la République. Des moments où on se dit que seul un Sébastien Chabal pourrait nous défendre du virus anti-républicain.
Et pourtant les projets de Nicolas Sarkozy de "toiletter" la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l'Etat afin de financer des sectes comme les Témoins de Jéhovah ou l'Eglise de Scientologie est loin d'être surprenant.

Il y a eu en effet des propos surprenants ces dernières semaines à Constantine, Rome ou Riyad.
Ainsi il déclare "les racines de la France sont essentiellement chrétiennes", ou s'adressant aux Algériens il dit "nous les Chrétiens"...en gros aujourd'hui Nicolas Sarkozy ne représente plus l'ensemble des Français, mais simplement une fraction d'entre eux, les chrétiens, au mépris de sa fonction.
Il déclare aussi "un homme qui croit est un homme qui espère", accordant aux religions le monopole de l'espérance. Comme si la République ne portait pas en elle-même une part d'espérance...
Il déclare que le curé ou le pasteur est supérieur à l'instituteur pour enseigner le bien ou le mal car il sait ce qu'est le sacrifice de sa vie.
Il déclare enfin que "Dieu n'asservit pas l'homme mais le libère"...en Arabie Saoudite. Au moins a-t'il eu l'honnêteté de ne pas parler de la femme, lapidée dans ce pays lorsqu'elle est victime de viol, au nom du Dieu libérateur.

Au-delà de ces propos, il y a aussi ces projets inquiétants : faire entrer les religions au Conseil économique et social, ce qui permettra d'avoir l'avis de Dieu sur le pouvoir d'achat ou sur la crise des subprimes, ou donc ce projet d'étendre l'application de la loi de 1905 aux "associations cultuelles", ce qui permettrait au mépris de la loi de 1905 de financer indirectement des religions et donc des sectes. Le contribuable qui réclame plus de pouvoir d'achat sera heureux d'apprendre que les sectes pourront gagner plus sans travailler plus.

Rappelons que la loi de 1905 pose le principe de séparation de l'Eglise et de l'Etat, le non-financement des religions par l'Etat et le caractère strictement privé de la religion.
La Constitution de 1958 indique elle que le Président de la République est le garant de la laïcité.

Les propos et les projets de Nicolas Sarkozy sont de véritables dénis de République.
Il y a plus d'un siècle Léon Gambetta déclarait "le cléricalisme, voilà l'ennemi", aujourd'hui tous ceux qui croient en la Raison, au Progrès et en la République peuvent déclarer en coeur : "le sarkozysme, voilà l'ennemi".

mercredi 23 janvier 2008

Londres est-elle un paradis fiscal?

Définir un paradis fiscal n'est tout d'abord pas chose aisée. En effet, que ce soit au niveau national ou au niveau international il n'existe pas dans la législation ou dans la jurisprudence de définition précise.
Cependant les travaux de l'OCDE et le rapport Gordon (rapport de l'administration fiscale américaine) retiennent quelques critères :
- les paradis fiscaux se signalent tout d'abord par une fiscalité basse, notamment celle sur le capital des non résidents
- ils se signalent aussi par le secret bancaire ou commercial. Concernant le secret bancaire certains pays le considèrent ainsi comme un élément de l'ordre public (Suisse, Monaco), comme un droit de l'Homme (Luxembourg), comme un devoir professionnel pénalement sanctionné (Suisse), comme un élèment de la sécurité étatique (Liechtenstein). Avec parfois des conséquences scandaleuses (affaire des avoirs juifs, affaire Sani Abacha)
Concernant le secret commercial, cela concerne surtout les pays anglo-saxons régis par la « common law », qui limite tout formalisme, et tolère de ce fait une forme d'opacité. Idem pour différentes formes de sociétés (trusts, fiducies, anstalt...) présentes dans les paradis fiscaux
- une coopération judiciaire internationale faible vis-à-vis d'autres Etats instituant une forme d'impunité en matière de délinquance financière
- divers critères secondaires : secteur financier très développé par rapport à la taille du pays; facilité d'installation et de création des entreprises; stabilité économique et politique; bonnes infrastructures de communication et de transport; rareté des conventions fiscales; faiblesse des dépenses publiques; législations anti-blanchiment ou lutte anti-blanchiment faibles.


Londres
est, elle, la première place financière du monde et se distingue par son caractère international.
Ce qui caractérise Londres, et la City, véritable Etat dans l'Etat, c'est avant tout la structure de ses sociétés, véritable passeport à l'opacité. Contrairement aux pays latins se fondant sur un certain formalisme, la Grande Bretagne et ses dépendances sont régis par la common law, qui permet à la fois de créer très facilement une entreprise, avec peu d'obligations sociales, et surtout une grande opacité de fonctionnement : ainsi les « trusts » permettent de garantir l'anonymat des ayants droits économiques, et sont parfois des sociétés écrans, des coquilles vides permettant de blanchir des capitaux (exemple l'ARC qui avait 2000 sociétés écrans à l'Ile de Man).

Par ailleurs la coopération est extrêmement compliquée : un magistrat raconte ainsi que pour faire une enquête il devait interroger la police britannique, qui interrogeait la police de la City (elle possède une police propre), qui devait interroger un avocat, qui interrogeait un banquier! Gibraltar ne répond jamais aux commissions rogatoires internationales, et la coopération des autres est faible (Man, Jersey, Guernesey...). Comme le Liechtenstein, la Grande Bretagne oblige les demandeurs d'une entraide judiciaire à avoir des preuves d'un fait délictueux afin de fournir des preuves de celui-ci...au mépris de la Convention de 1959, qu'elle a signée.

Le dispositif de lutte anti-blanchiment est aussi réduit : absence de moyens financiers et humains, faiblesse des poursuites et des condamnations, il se fonde surtout sur l'auto-régulation...

Par ailleurs ces Etats se caractérisent par le rôle des « ouvreurs de porte », à savoir le rôle de professionnels du droit qui profitent de leurs connaissances, des insuffisances législatives, et de leur caution pour introduire leurs clients vers les paradis fiscaux et le blanchiment de capitaux. Hors ces professions sont peu réglementées en Grande Bretagne.

De plus la Grande Bretagne n'a pas non plus de fichier FICOBA, et fonde le secret bancaire sur l'habeas corpus et l'exercice de la liberté individuelle.

Même situation dans les territoires d'outre-mer : Iles Caïmans, Iles Vierges, Bermudes, Turks et Cairos, Anguilla, Montserrat.

Cependant il y a eu une évolution depuis quelques années, notamment avec l'arrivée de Blair en Grande Bretagne. Cependant de peur d'effrayer les grosses fortunes, pas de révolution. Gibraltar a elle tout de même radié 20 000 sociétés fictives.

Pour résumer, les paradis fiscaux de la Couronne britannique se caractérisent par un droit des sociétés favorisant l'opacité et les sociétés écrans, une coopération judiciaire faible, et un dispositif interne de lutte contre le blanchiment réduit.

lundi 21 janvier 2008

Alain Minc : le seigneur des réseaux

Alain Minc est un énarque qui fit le choix du pantouflage (partir dans le privé après une formation de haut fonctionnaire) après avoir été inspecteur des Finances. Brillant intellectuel, il se distingua dans les années 80 par des échecs en tant que conseiller d'entreprises (Saint Gobain, Société Générale Belge...).
Dans les années 80, il fit parti des créateurs d'un haut lieu de la pensée unique, la fondation Saint Simon qui avait pour but de réunir des intellectuels, des journalistes (Serge July, Anne Sinclair, Franz Olivier Giesbert, Christine Ockrent, Jean Daniel, Jean Pierre Elkabbach...), des chefs d'entreprise (Christian Blanc, Jean Peyrelevade, Jean Luc Lagardère, Francis Mer...)
afin de mettre en commun leurs réflexions. A terme il devint un lieu de promotion du social-libéralisme, politique « moderne » et seule politique possible aux yeux de leurs membres.
Il est aussi à l'époque expert attitré d'une émission de TV, « Vive la crise! », animée par Yves Montand. Cette émission avait pour but de faire la propagande libérale-populaire qui avait abouti au succès de Margaret Thatcher et Ronald Reagan. Les reportages sont très orientés (les privilèges des fonctionnaires, l'assistanat...) et font l'apologie de l'entrepreneur (à noter un éloge d'un jeune chef d'entreprise vendéen...Philippe de Villiers). Ainsi dans cette émission Michel Albert déclare que si la France ne suit pas les recettes libérales elle deviendra aussi riche que l'Afghanistan!
Dans les années 90, il devint président du Conseil de surveillance du Monde, mais aussi président du fan club d'Edouard Balladur.
Mais surtout à cette époque il trouve sa poule aux oeufs d'or : conseiller de grands patrons.


Alain Minc s'était déjà constitué un bon carnet d'adresse grâce à son activité à la Fondation Saint Simon, mais aussi par son rôle de membre du conseil d'administration du Siècle – club huppé qui réunit l'élite parisienne - son activité de conseiller de grands patrons va étoffer sa clientèle. Le premier talent d'Alain Minc c'est de cultiver des amitiés dans différents mondes : médiatique (grâce au journal Le Monde), industriel (Pinault, Bolloré, Maurice Lévy, Edouard de Rotschild, Zacharias, Proglio...), politique (Edouard Balladur, Nicolas Sarkozy, Thierry Breton, Dominique Strauss-Kahn). Cette confusion des genres est très profitable à son activité de conseil : il tient le levier politique, les soutiens médiatiques et financiers. De quoi attirer les clients...

Son deuxième talent c'est son statut d'initié : lorsqu'il conseille un industriel, il place souvent ses hommes à des postes stratégiques, ce qui lui permet de disposer d'antennes dans les grandes entreprises; lors de repas professionnels il n'hésite à faire des confidences utiles à ses interlocuteurs, sachant que les infos que ceux-ci lui donneront pourront être ultérieurement balancées; sa connaissance de certaines entreprises, de par son statut de conseiller, lui sert aussi lorsqu'il conseille des entreprises concurrentes...

Homme de réseau (« le Seigneur des réseaux » selon l'Express), circulateur d'information , Alain Minc est le parfait symbole d'un capitalisme français opaque, peuplé de parrains qui évoque beaucoup plus l'Ancien Régime que le ving et unième siècle.

Enfin pour crédibiliser son image d'intellectuel il écrit tous les ans des essais. Au vu de ses amitiés (BHL, Jean Daniel, Franz Olivier Giesbert...) et de sa mainmise dans certains médias ceux-ci font l'objet d'éloges unanimes. Jean Daniel raconte ainsi le harcèlement téléphonique qu'il a connu pour faire un papier-promo pour son essai sur Spinoza. Le problème est que quelques semaines après sa sortie un écrivain, Patrick Rödel porte plainte pour plagiat. Cet écrivain avait en effet rédigé un ouvrage sur Spinoza qui était un mélange de fiction et de réalité. Hors dans son ouvrage les éléments sortis tout droit de l'imagination de Patrick Rödel (ainsi une recette de confiture de roses complètement inventée par lui) apparaissent dans l'ouvrage d'Alain Minc. Et là on découvre qu'Alain Minc utilise trois « nègres » pour rédiger ses ouvrages. Tout un mythe qui tombe.

Mais au-delà de cet aspect critiquable du système Minc, l'ancien journaliste du Monde Laurent Mauduit critique dans son ouvrage "Petits conseils" les interventions concrètes et douteuses d'Alain Minc dans certains dossiers : Caisse d'épargne, Vinci, Libération, Le Monde, les affaires de Vincent Bolloré qu'il conseille...pour plus de précisions voir dans "Nos dossiers".

vendredi 18 janvier 2008

La mafia des inspecteurs des finances

Dans son ouvrage « Les Intouchables » Ghislaine Ottenheimer s'attaque à l'élite de l'élite française : l'inspection des finances. Cette profession qui a pour charge le contrôle des services financiers de l'Etat, recrute annuellement les cinq meilleurs énarques consentants à cette fonction. Si cette élite a pendant des années servis a modernisé la France, aujourd'hui elle connaît différentes dérives : le pantouflage, les problèmes judiciaires, la recherche de la carrière et de l'argent facile au détriment de l'intérêt général font que la caste vit une certaine décadence.
Pour illustrer ces déviances quelques exemples sont très illustratifs, car les entreprises qui ont connu les plus grandes faillites ces dernières années étaient dirigées par des inspecteurs des finances : le Crédit Lyonnais (Jean-Yves Haberer), Vivendi (Jean Marie Messier), France Télécom (Michel Bon), Alstom (Pierre Bilger), on peut aussi ajouter Bull, AGF, UAP, GAN ou Moulinex.

Si nous avons déjà eu l'occasion de nous intéresser aux motifs de tels échecs (cf « Nos dossiers » : Des hauts fonctionnaires), l'objet de cet article est surtout de s'intéresser aux problèmes judiciaires de la caste. Car les chiffres sont éloquents : alors que 0,1 % des Français ont été mis en examen, 5 % des inspecteurs des finances l'ont été!

Un des motifs de ces chiffres, c'est que la caste a l'habitude de travailler par réseau : à la sortie de leur formation ils reçoivent un annuaire avec les coordonnées de tous les membres de la caste. Avec des risques de délits d'initiés ou de conflits d'intérêt. Et ce réseau intéresse aussi les recruteurs qui engagent parfois des inspecteurs des finances dans ce but, même s'ils ont connu de grandes déconvenues dans le passé. Comme le dit Ghislaine Ottenheimer, « on se connaît, on s'informe, on se coopte ». La caste cultive aussi son goût des réseaux par le biais du pantouflage, à savoir les allers-retours entre le public et le privé facteurs de conflits d'intérêts.

Autre motif : l'arrogance de la caste, vis-à-vis du politique ou du monde judiciaire. Ainsi au cours d'un procès un avocat s'est exclamé : « mon client ne ment pas, il est inspecteur des finances »...d'où un esprit de croyance en son infaillibilité, en son omniscience, en son impunité.

Et Ghislaine Ottenheimer peut se baser sur différents cas concrets.
Ainsi Alstom, dirigée par un inspecteur des finances, Pierre Bilger, était en crise il y a quelques années. Pour régler sa situation les dirigeants se tournent vers l'Etat et donc le contribuable. Le ministre de l'Economie de l'époque Francis Mer demande conseil à différents interlocuteurs ...tous inspecteurs des finances (Muscal, Pérol, Jaffré, Jouyet, Pébéreau, Prot, Bouton) qui l'invitent à choisir cette solution, au bénéfice des banques qui pouvaient être mises à contribution dans le dossier, toutes dirigées par des inspecteurs des finances. Solution pourtant critiquée par Monti, commissaire européen à la concurrence. Dans ce dossier la caste était à tous les échelons de la négociation : cabinet ministériel, banques, Alstom, Trésor.

Il y a aussi l'affaire Cegelec, filiale vendue à 50 % de sa valeur originelle à un pool d'investisseurs ayant des liens amicaux ou « de caste » avec les responsables d'Alstom (ex-propriétaire de la Cegelec). Dans d'autres cas (Vivendi, Crédit Lyonnais), les dépeçages de ces sociétés ont donnés lieux à des grands profits pour les potes de formation.

Mais il y a eu aussi des mises en cause dans le cadre de scandales collectifs : affaire du sang contaminé, des écoutes téléphoniques de l'Elysée, affaire Elf, affaire des frégates de Taïwan, financement occulte du RPR (comme les emplois fictifs). D'autres inspecteurs ont été mis en cause dans des affaires de blanchiment de capitaux (Daniel Bouton, Henri de Castries), d'autres dans des cas de délits d'initiés (exemple : Jean-Charles Naouri : 53 000 € de plus-value!), d'extorsion de fonds ou de prise illégale d'intérêt.

Deux cas sont pourtant plus graves.
Jean-Maxime Lévèque qui après une brillante carrière présida IBI Holding company. Cette société fut mise en cause dans différentes affaires : trafic d'armes avec l'Iran, commissions occultes, maquillage des comptes, et des erreurs qui coûteront un milliard d'euros au Crédit Lyonnais.
Autre cas : François Heilbronner, qui lui aussi a fait une carrière plus que respectable, est mis en cause pour « escroquerie en bande organisée avec appel public à l'épargne, faux et usage de faux ». Avec son gendre, un certain Imad Lahoud, ils commercialisaient un fonds spéculatif situé dans un paradis fiscal. Ils le commercialisent auprès de banques et de compagnies d'assurance. Au final 42 millions de dollars s'évaporent. Et des fonds recueillis grâce à des faux documents pour crédibiliser le fonds.

Le service central de prévention de la corruption met aussi en cause le pantouflage dans un rapport de 2000. Avec des cas très concrets.,
Ainsi Bruno Crémel, ex-cadre du Trésor, est allé pantoufler au groupe Pinault-Printemps-Redoute en 1998. En 2000 il devient directeur de cabinet du ministre de l'Economie Laurent Fabius, avant de rejoindre le groupe Pinault en 2002. Notons qu'au même moment François Pinault avait conclu avec Laurent Fabius une transaction, afin de régler ses problèmes avec le fisc.
Philippe Marini, sénateur-maire, et ex du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et du groupe Lagardère, a lui été soupçonné de trafic d'influence : il serait intervenu dans la création d'Areva (fusion de la CEA, de Framatome et de la Cogema) pour le compte de la société Gimar dont il est membre du conseil du surveillance et qui conseillait la Cogema (qui bénéficiera de commissions particulièrement de 18 millions de francs). La présidente d'Areva, Anne Lauvergeon, réalisera un audit. Au cours de cet audit sera découvert un fax démontrant que Philippe Marini a usé de sa position au Sénat (commission des finances) au cours de la fusion.

Alors conspirationnisme anti-élite? Acharnement de juges rouges? Le magazine « The Economist » réponds dans une enquête de juin 1999 sur la haute administration française : « Elitisme et corruption : les deux mamelles de la France ».

mercredi 16 janvier 2008

Dans la série des métiers d'autrefois : parlementaire

Avant 1958 existait une profession : la profession de parlementaire. Ce job consistait à exprimer ce que Jean Jacques Rousseau appelait la volonté générale, à représenter le Peuple et à voter les lois.
Mais comme dans le journal télévisé de Jean Pierre Pernault, les petits emplois d'autrefois disparaissent...Fidèle à Charles Maurras, de Gaulle se montre ouvertement méprisant à l’égard des parlementaires et des partis politiques dont les divisions seraient selon lui à l’origine de la débâcle de 1940...

Afin de concrétiser ce mépris il réduit considérablement les prérogatives du Parlement.

Tout d’abord il procède à une réduction du nombre de matières relevant de la loi - ce que l’on appelle le parlementarisme rationalisé. Ainsi l’article 34 de la Constitution énumère limitativement les matières relevant de la loi, tout le reste relevant du pouvoir réglementaire, attribut du Gouvernement (article 37) qui ne connaît aucune autre limite. De plus l’article 38 permet au Gouvernement de légiférer par simples ordonnances.

Concernant le pouvoir de contrôle du Parlement, attribut démocratique essentiel, celui-ci est faible : le Gouvernement peut faire voter sa confiance au Parlement sur une simple déclaration de politique générale et non sur un programme détaillé (article 49-1); une loi peut être votée sans débats et sans amendements des parlementaires (article 44-3 et surtout 49-3). Surtout le nombre de commissions parlementaires permanentes, qui contrôlent l’activité gouvernementale, a baissé de manière significative : alors qu’elles étaient 15 en 1946, elles sont aujourd’hui 6.

Le pouvoir budgétaire du Parlement s’est aussi réduit : 10 % seulement du budget est voté par le Parlement: ainsi certaines dépenses - « les services votés » - ne sont pas contrôlées et ne font l’objet d’aucune discussion, elles sont reconductibles automatiquement; par ailleurs la loi organique du 2 janvier 1959 limite aussi le contrôle du Parlement sur le budget.

Ces dérives se sont aggravées par des détails d’organisation : ainsi la loi est strictement encadrée financièrement (article 40); la rentrée des parlementaires se fait au mois d’octobre soit un mois après celle du Gouvernement. Par ailleurs le cumul des mandats réduit les parlementaires à des employés à temps partiel : alors qu’en 1936 35,7 % des députés exerçaient un autre mandat local, en 1988 c’était le cas de 96 % des parlementaires! Comment exercer un contrôle et un travail efficace sans avoir un temps complet à y consacrer? Par ailleurs comment peut-on justifier que dans un pays qui compte officiellement 2,5 millions de chômeurs certaines personnes puissent cumuler 2 ou 3 emplois soit 2 ou 3 salaires? Il est à noter que le cumul des mandats est une spécialité française puisque de nombreuses démocraties européennes prohibent légalement voire constitutionnellement ce type de pratiques.

Enfin d’autres faits ont affaibli le pouvoir législatif par rapport à l’Exécutif : ainsi l’inversion du calendrier électoral (présidentielles précédant les législatives) fait que les législatives ne deviennent qu’une élection d’une armée de petits soldats au service du Général; par ailleurs l’existence du fait majoritaire depuis 1962 - coïncidence entre la majorité au Parlement et le Gouvernement - a engendré une discipline voire une docilité du Parlement vis-à-vis de l’Exécutif.

Il est à noter que l’Union européenne a involontairement creusé ce fossé : 60 % des lois votées par le Parlement ne sont que de simples retranscriptions de directives européennes dont l’origine sont la Commission européenne, dont les membres ne sont pas élus par le Peuple, et le Conseil européen, composé des Exécutifs des Etats européens.

Dans le Contrat social (1762), Jean Jacques Rousseau affirmait que la loi devait être le produit de la Volonté Générale, somme des volontés particulières des citoyens, et devait être du monopole du travail de ses représentants réunis en assemblée. Aujourd’hui la Volonté Générale n’a plus que les sondages et le courrier des lecteurs des médias français pour s’exprimer…

lundi 14 janvier 2008

L'affaire Urba ou le financement occulte du parti socialiste

L'excellent ouvrage « Histoire secrète de la Vème République » (Roger Faligot, Jean Guisnel) est une véritable encyclopédie sur toutes les dérives de la république gaulliste. Cet ouvrage fait ainsi, entre autres, la description du financement occulte des partis politiques qui a caractérisé cette république.

Le financement occulte du parti socialiste a lui éclaté au grand jour lors de l'affaire Urba.
Après avoir fédéré les forces républicaines et socialistes lors du congrès d'Epinay en 1971, François Mitterrand songea alors aux futures élections présidentielles, qui nécessitaient un financement à hauteur de ses ambitions.
Pour ce faire Pierre Mauroy et Guy Marty mirent en place un bureau d'études, Urba. Ce bureau proposait ainsi une « assistance commerciale » aux entreprises souhaitant obtenir un marché public auprès de collectivités locales socialistes. Urba encaissait 1 à 2 % du montant des contrats et répartissait l'argent restant à hauteur de 40 % pour ses frais de fonctionnement, 30 % pour la fédération locale du PS et 30 % à la direction nationale.
Urba devint ainsi un passage obligé pour l'accès aux marchés publics. De son côté le PS souhaite par ce système organisé éviter les dérives locales...cependant c'est bien le contribuable qui paie à terme.

Les courants minoritaires du PS s'estimant lésés dans ce financement, c'est une structure parallèle – la SAGES – qui leur servira de pompe à fric. La SAGES réparti différemment les sommes : un tiers pour la SAGES et les deux tiers restants aux élus locaux, Solférino ne touchant rien.

Au plus fort du système, le PS reçoit des dizaines de millions d'euros annuels d'Urba.
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu'à ce qu'un inspecteur de police marseillais, Antoine Gaudino enquête sur ce système. Il obtient ses premiers témoignages, ses premiers soutiens. Le 19 avril 1989 il perquisitionne le bureau régional d'Urba à Marseille et tombe sur les carnets de Joseph Delcroix, directeur administratif, qui mentionnent les entrées et sorties d'argent.
Cependant Antoine Gaudino est lâché par sa hiérarchie et révoqué en mars 1991, mais un élu écologiste relance la procédure par une plainte au tribunal administratif.

De son côté le juge Thierry Jean-Pierre reçoit un coup de fil anonyme lors d'une enquête anodine dans la Sarthe...dès lors il perquisitionne le siège national d'Urba le 7 avril 1991. Le TGI de Meaux le dessaisit pourtant de l'enquête, allant jusqu'à lui notifier sa décision à sa sortie du siège, sur le trottoir...

L'affaire est pourtant divisée en dizaine d'affaires locales, qui mènent pourtant toutes à Henri Emmanuelli. Celui-ci relativise les versements, ne nie pas sa connaissance du système, mais nie son implication dans celui-ci et se pose en bouc-émissaire.
Il fut finalement condamné à dix-huit mois de prison et à deux ans d'inéligibilité. Lionel Jospin invoquera lui une responsabilité collective visant l'ensemble du PS.
Les dirigeants d'Urba et de la SAGES, Gérard Monate et Michel Reyt, cumuleront eux les peines et les amendes, sans pour autant se défausser sur le PS.

vendredi 11 janvier 2008

Eau et opacité : la continuité tranquille

Finalement Nicolas Sarkozy nous fait de plus en plus penser à "Greg le millionnaire". Dans cette émission de télé-réalité une personne faisait croire à plusieurs jeunes filles qu'il était millionnaire, et après de multiples aventures il leur apprenait qu'il était maçon.
Nicolas Sarkozy ressemble de plus en plus à "Greg le millionnaire" donc. Pendant des mois il a dragué la France : "je serai le président du pouvoir d'achat", "je suis celui qui agit", "je bâtirai la France d'après", "je veux incarner le rêve français", "ensemble, tout devient possible", et après l'avoir séduite il lui annonce la terrible nouvelle : "je peux pas augmenter le pouvoir d'achat, les caisses sont vides".
Rassurons
Sarko le millionnaire si les caisses sont vides, on peut toujours les remplir, dès lors qu'on en a la volonté : les caisses des multinationales sont ainsi elles bien remplies.

Car les multinationales de l'eau font toujours autant parler d'elles. Quelques semaines après un rapport d'UFC-que choisir sur le caractère anormalement élevé de leurs tarifs, le Canard Enchaîné du 9 janvier nous indique que différents élus d'Ile-de-France viennent d'adresser une lettre au SEDIF (Syndicat des eaux d'Ile-de-France, dirigé par André Santini) pour dénoncer le contrat liant leurs communes à Veolia, ex-Vivendi, depuis 1923 pour la gestion de l'eau ainsi que leurs importants bénéfices, liés entre autres à des tarifs plus élevés qu'ailleurs. Ainsi à Paris ils sont de 40 % supérieurs à la norme.
Les élus réclament une baisse de 20 % des tarifs et annoncent la réalisation d'audits pour le retour à une gestion publique de l'eau dès 2010.

Une étude plus détaillée des contrats met aussi en cause les “provisions pour travaux” qui sont les sommes placées en trésorerie afin d'entretenir les tuyaux et branchements, et de moderniser les équipements. Hors ces fonds s'avèrent souvent inemployés par les multinationales de l'eau qui préfèrent les placer en banque.
A Bordeaux la communauté urbaine a réussi à obtenir un programme de dépenses de 305 millions d'euros correspondant aux provisions immobilisées par la Lyonnaise des eaux et une baisse de 10 % du prix des 50 premiers mètres cubes consommés. A Lyon même système : une centaine de millions de travaux pour Veolia et moins 16 % sur le mètre cube. Baisses aussi à Lille, Bastia, Cherbourg, Morlaix, Castres ou Sainte-Maxime.

Mais le Canard Enchaîné s'attarde sur le cas de Lyon : la communauté urbaine a en effet demandé un audit au président de la Cour d'appel administrative de la ville, dans le but de faire baisser de 16 % le prix des factures. Et l'audit concernant Veolia est très intéressant.
Ainsi depuis 1986 sur les 87,7 millions d'euros obtenus par Veolia pour financer ses travaux seuls 44 ont été effectivement dépensés (quid du reste?). Par ailleurs à la signature du contrat Veolia s'était engagé à rembourser un emprunt de la communauté urbaine de l'ordre de 15 millions annuels, et a appliqué une surtaxe de 0,19 € par mètre cube, et même si les taux d'intérêt ont baissé Veolia n'a rien changé au système même si cela aurait représenté une baisse de 3 millions d'euros annuels. Enfin pour calculer ses coûts Veolia appliquait le “coefficient K” qui permettait d'indexer le prix de l'eau à d'autres coûts (salaires, productivité)...mais Veolia a appliqué cette surtaxe à des domaines qui n'étaient pourtant concernés. A cela s'ajoutent diverses incohérences comptables.

Mais l'article nous rassure sur l'avenir de nos multinationales de l'eau car des marchés sont à venir : le ministère de l'écologie prévoit que près de 4 000 stations d'épuration nécessitent une mise aux normes, et Bruxelles exige une mise en conformité des réseaux hydrauliques (11,3 milliards d'euros d'investissements). De quoi se frotter les mains. Et remplir le porte-monnaie.

mercredi 9 janvier 2008

Quand Cinquième République rime avec monarchie

D'ici quelques mois la Cinquième République va fêter son cinquantième anniversaire. L'occasion de faire un petit bilan de cette République née dans des conditions douteuses, et maintenue dans les mêmes conditions. Cet article se focalisera sur le pouvoir exécutif.

La pensée politique du Général de Gaulle s’enracinait dans les écrits du penseur Charles Maurras (1858-1952) qu’on pourrait qualifier de « papa de la Cinquième République ». S’il n’a pas retenu son racisme, son monarchisme et sa volonté de décentralisation, il s’est tout de même inspiré de son nationalisme, de son anti-parlementarisme et de son goût pour l’autoritarisme. Le système idéal selon Maurras serait le césarisme qui prône un lien direct entre le Peuple et son dirigeant, sans contre-pouvoir susceptible de parasiter la Volonté Générale. D’où le recours aux référendums, l’élection du Président au suffrage universel direct (1962), les chantages à la démission.

Dans la Constitution, l’article 5 ne lui confère qu’un rôle d’ « arbitre », terme juridiquement très flou, or le sociologue allemand Max Weber affirmait que l’intérêt d’un texte constitutionnel n’est pas ce qu’il dit mais plutôt ses silences qui sont autant de réserves de pouvoir.
Mis à part ce rôle la Constitution lui confère des pouvoirs très étendus: il peut soumettre des référendums (article 11), dissoudre l’Assemblée Nationale (article 12) et dirige la politique étrangère (article 15).
Concernant les référendums, de Gaulle a considérablement étendu son recours suite à un coup d’Etat juridique : alors que l’article 89 prévoit spécifiquement un vote du Parlement pour toute révision constitutionnelle, de Gaulle s’est appuyé sur l’article 11 sur l’organisation des pouvoirs publics, et ce pour un sujet mineur qui n’était que le mode d’élection du Président… de Gaulle affirmait qu’une Constitution c’est un texte, un esprit, une pratique. Par ses pratiques il a bien éclairé sur l’esprit qu’il souhaitait donner aux institutions.

Autre problème : la politique internationale. De Gaulle a inventé un concept politique, celui du « domaine réservé ». Selon ce concept, la politique internationale serait par essence du ressort du Président (on se demande d’où viendrait ce principe : de l’Ancien Testament biblique peut être?). A ce titre le Président gère ces dossiers, sans obligation d’avertir le Premier Ministre ou le Parlement, la seule limite résidant dans les cas de déclarations de guerre où il doit informer le Parlement, mais la pratique est plus que restrictive puisque la dernière fois que cette obligation a été utilisée c’était…en 1939. C’est-à-dire que ni la guerre d’Indochine, ni les « évènements » d’Algérie, ni les interventions au Liban ou au Kosovo ne furent contrôlées par le Parlement. Ainsi se développe une diplomatie occulte, l’exemple typique étant le Rwanda avec qui les différents Présidents depuis 1970 ont signé des accords bilatéraux de coopération militaire. Dès lors l’armée française fut spectatrice du premier rang du génocide de 1993, sans capacité d’intervention mais aussi malheureusement sans pop corn. Ce type d’accords sont nombreux avec les pays africains et Madagascar.

Par ailleurs la pratique a encore accéléré ces pouvoirs : l’existence du « fait majoritaire » depuis 1962, qui veut que le groupe dominant à l’Assemblée soit un groupe majoritaire et discipliné à son parti, a encore accru les prérogatives réelles du Président qui est Chef de l’Etat mais aussi chef de la majorité ou de l’opposition parlementaire. En outre le quinquennat et surtout la coïncidence entre les années d’élections présidentielles et législatives et l’inversion des calendriers électoraux, qui fait que la présidentielle précède les législatives, ont réduit le Parlement à une armée de petits soldats.

Le plus inquiétant est l’article 16 qui accorde au Président un pouvoir de dictature de fait en cas de circonstances exceptionnelles. Ces dispositions devraient être plus encadrées. Ainsi le Président doit consulter le Premier Ministre et les présidents des assemblées et du Conseil Constitutionnel, mais sachant que lorsqu’il devait consulter Gaston Monnerville, ancien président du Sénat, de Gaulle se contentait de lui envoyer un courrier l’informant de son bon vouloir on comprend que ces dispositions ne sont guères contraignantes. L’article 16 ne peut raisonnablement demeurer un pouvoir propre sous peine de mépris de tout principe démocratique, ce pouvoir doit être partagé avec d’autres entités politiques. Par ailleurs il conviendrait de définir strictement dans un texte le contenu exact et exhaustif de la notion de « circonstances exceptionnelles ». En effet tous les Présidents n’ont pas l’omniscience du Général.

Pour ce qui est de sa responsabilité, le principe selon lequel tout pouvoir entraîne une responsabilité ne concerne pas le Président: il est seulement responsable devant le Peuple tous les cinq ans même si son parti échoue à des élections législatives ou s’il est désavoué suite à un référendum. S’il peut remettre en cause sa responsabilité devant le Peuple par le biais d’une dissolution, même s’il est désavoué (il ne s’agit bien sûr que d’un exemple…) il conserve le pouvoir. Pénalement, en vertu de l’adage monarchique « le Roi ne peut mal faire », elle est très réduite puisqu’elle n’est engageable qu’en cas de « haute trahison » (article 68), ce qui réduit considérablement les hypothèses. Ainsi Jacques Chirac, mis en cause dans de nombreuses affaires avec une dizaine de chefs d’inculpation (prise illégale d’intérêt, détournements de fonds publics…) n’a jamais été inquiété. Monarchie quand tu nous tiens… D’ailleurs lors de sa mise en cause au Parlement, seule une trentaine de parlementaires ont signé ce texte. Solidarité professionnelle quand tu nous tiens…

Concernant le Premier Ministre, celui-ci est soumis de fait au Président de la République: l’article 8 de la Constitution donne au Président le pouvoir de nommer le Premier Ministre, ce qui engendre de fait une subordination entre ces deux pouvoirs. Si le droit de révocation n’est pas autorisé de droit, celui-ci s’applique dans les faits: certains premiers ministres de la Cinquième République ont ainsi affirmé que le Président (il s’agissait de de Gaulle et de Pompidou) leur faisait signer des lettres de démission avec une date en blanc.

En outre ce qu’il y a de plus scandaleux c’est que la Constitution accorde au Gouvernement le pouvoir de déterminer et de conduire la politique de la Nation (article 20), alors que son dirigeant, le Premier Ministre, n’est pas nommé par le Peuple. Le Peuple aurait-il élu, si on l’avait consulté à cette époque et s’il avait dû s’exprimer par les urnes, des hommes tels qu’Alain Juppé ou Jean Pierre Raffarin? La pratique gaulliste consistant à placer ses amis ou un fusible comme Premier Ministre est une véritable atteinte à la démocratie. Pour mémoire Jean Pierre Raffarin a présenté quatre lettres de démission qui ont été rejetées par Jacques Chirac. Louis XVI est-il vraiment mort?

lundi 7 janvier 2008

Quand l'immobilier a besoin de la transparence d'Alice

Il n'y a pas que les abonnés à Internet qui ont besoin de la transparence d'Alice : le domaine de l'immobilier qui a été un haut lieu de l'affairisme sous la Cinquième République en aurait lui aussi besoin.
La Cinquième République aime l'immobilier, et l'immobilier aime la Cinquième République : la guerre n'est pas si lointaine en 1958, l'exode rural et la modernisation font que le BTP est un secteur en vogue. Des milliards sont investis dans ce domaine, l'argent coule à flot...et commence à attirer les intermédiaires qui comprennent tout l'intérêt qu'ils peuvent en retirer. En tout cas l'urbanisme se modernisme, des programmes de construction se développent.

Dans les années 60, il y a un tel besoin de terrains que les intermédiaires réussissent à obtenir des dérogations, ou à modifier la destination de terrains contre des commissions occultes, et cela satisfait tout le monde : partis politiques, promoteurs, constructeurs, collectivités locales.
Les partis politiques bénéficient en tout cas du système en accordant des autorisations ou dérogations, contre un petit pourcentage : on constitue des bureaux d'étude bidons (ex Urba pour le PS ou Gifco pour le PCF), on demande des commissions sur les travaux, on créé des emplois fictifs, on constitue des caisses noires. Certaines entreprises comme Bouygues font preuve d'un savoir-faire pour obtenir les marchés. Leur technique : le moins-disant qui consiste à obtenir des marchés grâce à un coût plus faible...qui double parfois quand les travaux commencent (ex : le Parc des Princes).

En 1971 explose le scandale de la Garantie foncière qui met en cause les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI). Ces sociétés font appel à l'épargne pour l'achat d'immeubles, dont les loyers assurent les dividendes. Un marchand de bien, Robert Frenkel, profite du système pour attirer les épargnants, mais rapidement il n'arrive pas à tenir les rendements promis. Et cela donne lieu à des fraudes et détournements, des épargnants sont floués. Claude Lipsky utilise le même système. Le scandale éclate, Robert Frenkel est écroué, Claude Lipsky s'enfuit en Israël. Mais surtout les deux hommes ayant utilisés des cautions politiques (notamment de l'UDR, parti gaulliste), les connivences politico-financières sont mises à jour. Le scandale est énorme : 20 000 manifestants défilent à Paris. Jacques Chaban-Delmas et Georges Pompidou doivent s'expliquer.
En 1972 Gabriel Aranda, conseiller technique du ministre Albin Chalandon, dénonce lui les changements de destination contre des dessous-de-table, les constructions en zone inondable ou dangereuse, les détournements aux lois et aux appels d'offre, il y aurait des millions de francs de commissions (il dévoile cent trente huit dossiers). Albin Chalandon est mis en cause.

Dans les années 90 ce sont d'autres structures, les foncières, qui sont à l'origine du scandale. Ces structures ont été créées par les banques afin de dissimuler leurs pertes liées au krach immobilier, et se voient déléguer leurs actifs immobiliers. Mais dès les années 2000 l'immobilier flambe, le sénateur Philippe Marini leur donne un régime fiscal très favorable. Celles-ci donne lieu à quelques affaires.
En 2002, le directeur des affaires juridiques du ministère des Finances Jérôme Grand d'Esnon relancera le système avec un concept : le partenariat public-privé qui vise à « simplifier » les procédures du Code des marchés publics en déléguant la gestion d'équipements publics à des groupes privés (exploitation, conception, réalisation, financement). Cela supprime les appels d'offre, mise en concurrence, transparence et contrôle des financements : tout se négocie de gré à gré, et les autorités de contrôle contre la corruption sont exclues du système.

On le voit l'immobilier et la corruption sous la Cinquième République sont intimement liés. Georges Clemenceau affirmait que toute tolérance devient à la longue un droit acquis. La corruption ne déroge pas au principe. Même avec Alice.

samedi 5 janvier 2008

La Compagnie Créole est de retour!

Non, la Tecktonik n'est pas une fatalité. Depuis son élection en mai 2007 Nicolas Sarkozy et son Gouvernement (dirigé par François Fillon : rappel) font plus forts que la Compagnie Créole car ils réussissent à nous vendre du bonheur et de la joie.

A leur actif de nombreux titres : "Nicolas et la rupture au niveau international". Cette chanson narre la Realpolitik sarkozienne qui a permis à tous les amis de Nico de signer des contrats avec des régimes douteux. On se souviendra des contrats signés en Algérie malgré les propos antisémites d'un ministre algérien. On se souviendra aussi de la véritable profanation pour notre Histoire que furent les cinq jours du Colonel Kadhafi en France.
Il y a eu aussi les ventes d'armes à la Lybie et au Tchad en contrepartie de libération d'otages ou de prisonniers.
Il y a un siècle Georges Clemenceau affirmait que la France avait "allumé pour le monde entier la torche de la liberté". Aujourd'hui la France se contente d'ouvrir le portefeuille de l'avidité.

Dans l'album de la Compagnie Créole il y a aussi "Nicolas et le grand sorcier" qui raconte la rencontre entre Nico et ce grand magicien qu'est le pape Benoît XVI. Accompagné du nouveau André Malraux, Jean Marie Bigard, Nico a reçu le titre de "chanoine d'honneur de Saint-Jean-de-Latran" de la part du grand sorcier.
Depuis deux siècles le rationalisme, à savoir la croyance dans la science, dans le progrès de l'Homme et de la Société, régissait l'âme d'une partie de notre classe politique. Mais aujourd'hui la superstition est de retour.
Respect en tout cas pour Benoît XVI qui risque de recevoir une nouvelle fois le prix Nobel de la Mort pour son action pour le SIDA en Afrique.

Dans l'album il y a aussi "Nicolas et la fraude aux ASSEDICS", narrée par Le Canard Enchaîné et relatée par le site "Ragoût de presse" : depuis plusieurs mois Nicolas Sarkozy touche toujours ses 7 500 € mensuels de ministre de l'Intérieur. Grâce à une disposition dérogatoire au droit commun, un ministre qui perd son poste touche son salaire pendant six mois.
Hors dans le droit commun cette allocation chômage s'éteint si le chômeur retrouve un emploi : impossible de cumuler un salaire et un chômage. Mais malgré ses deux jobs de président de la République et de chanoine, Nico touche des allocs : mais que font les ASSEDICS!

A venir aussi dans le nouvel album de la Compagnie Créole il y aura "Nico absous les racailles en col blanc" : après avoir dépénalisé le droit des affaires, le site de la Convention pour la Sixième République nous apprends que Lionel Stoléru, ex-secrétaire d'Etat, propose dans un rapport sur l'accès des PME aux marchés publics d'abroger le délit de favoritisme qui consiste à utiliser des procédures douteuses visant à favoriser un entrepreneur dans le cadre d'un marché public.
Ce délit représente un tiers des contentieux impliquant des élus et est souvent associé à la prise illégale d'intérêts.
Si cette disposition est retenue Nico restera fidèle à sa politique pénale : passer au Kärcher les petites racailles et passer à l'eau bénite les racailles en col blanc.

Huit mois après son élection Nicolas Sarkozy prouve qu'en matière de tolérance vis-à-vis du clientélisme, des privilèges et de l'affairisme sa politique c'est bien la continuité tranquille.
Mais bon entre Carla Bruni, Disneyland et Jean Marie Bigard, Nico telle la Compagnie Créole sait faire "rire les oiseaux". Tout en faisant pleurer les Français...