lundi 7 janvier 2008

Quand l'immobilier a besoin de la transparence d'Alice

Il n'y a pas que les abonnés à Internet qui ont besoin de la transparence d'Alice : le domaine de l'immobilier qui a été un haut lieu de l'affairisme sous la Cinquième République en aurait lui aussi besoin.
La Cinquième République aime l'immobilier, et l'immobilier aime la Cinquième République : la guerre n'est pas si lointaine en 1958, l'exode rural et la modernisation font que le BTP est un secteur en vogue. Des milliards sont investis dans ce domaine, l'argent coule à flot...et commence à attirer les intermédiaires qui comprennent tout l'intérêt qu'ils peuvent en retirer. En tout cas l'urbanisme se modernisme, des programmes de construction se développent.

Dans les années 60, il y a un tel besoin de terrains que les intermédiaires réussissent à obtenir des dérogations, ou à modifier la destination de terrains contre des commissions occultes, et cela satisfait tout le monde : partis politiques, promoteurs, constructeurs, collectivités locales.
Les partis politiques bénéficient en tout cas du système en accordant des autorisations ou dérogations, contre un petit pourcentage : on constitue des bureaux d'étude bidons (ex Urba pour le PS ou Gifco pour le PCF), on demande des commissions sur les travaux, on créé des emplois fictifs, on constitue des caisses noires. Certaines entreprises comme Bouygues font preuve d'un savoir-faire pour obtenir les marchés. Leur technique : le moins-disant qui consiste à obtenir des marchés grâce à un coût plus faible...qui double parfois quand les travaux commencent (ex : le Parc des Princes).

En 1971 explose le scandale de la Garantie foncière qui met en cause les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI). Ces sociétés font appel à l'épargne pour l'achat d'immeubles, dont les loyers assurent les dividendes. Un marchand de bien, Robert Frenkel, profite du système pour attirer les épargnants, mais rapidement il n'arrive pas à tenir les rendements promis. Et cela donne lieu à des fraudes et détournements, des épargnants sont floués. Claude Lipsky utilise le même système. Le scandale éclate, Robert Frenkel est écroué, Claude Lipsky s'enfuit en Israël. Mais surtout les deux hommes ayant utilisés des cautions politiques (notamment de l'UDR, parti gaulliste), les connivences politico-financières sont mises à jour. Le scandale est énorme : 20 000 manifestants défilent à Paris. Jacques Chaban-Delmas et Georges Pompidou doivent s'expliquer.
En 1972 Gabriel Aranda, conseiller technique du ministre Albin Chalandon, dénonce lui les changements de destination contre des dessous-de-table, les constructions en zone inondable ou dangereuse, les détournements aux lois et aux appels d'offre, il y aurait des millions de francs de commissions (il dévoile cent trente huit dossiers). Albin Chalandon est mis en cause.

Dans les années 90 ce sont d'autres structures, les foncières, qui sont à l'origine du scandale. Ces structures ont été créées par les banques afin de dissimuler leurs pertes liées au krach immobilier, et se voient déléguer leurs actifs immobiliers. Mais dès les années 2000 l'immobilier flambe, le sénateur Philippe Marini leur donne un régime fiscal très favorable. Celles-ci donne lieu à quelques affaires.
En 2002, le directeur des affaires juridiques du ministère des Finances Jérôme Grand d'Esnon relancera le système avec un concept : le partenariat public-privé qui vise à « simplifier » les procédures du Code des marchés publics en déléguant la gestion d'équipements publics à des groupes privés (exploitation, conception, réalisation, financement). Cela supprime les appels d'offre, mise en concurrence, transparence et contrôle des financements : tout se négocie de gré à gré, et les autorités de contrôle contre la corruption sont exclues du système.

On le voit l'immobilier et la corruption sous la Cinquième République sont intimement liés. Georges Clemenceau affirmait que toute tolérance devient à la longue un droit acquis. La corruption ne déroge pas au principe. Même avec Alice.

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