mercredi 23 janvier 2008

Londres est-elle un paradis fiscal?

Définir un paradis fiscal n'est tout d'abord pas chose aisée. En effet, que ce soit au niveau national ou au niveau international il n'existe pas dans la législation ou dans la jurisprudence de définition précise.
Cependant les travaux de l'OCDE et le rapport Gordon (rapport de l'administration fiscale américaine) retiennent quelques critères :
- les paradis fiscaux se signalent tout d'abord par une fiscalité basse, notamment celle sur le capital des non résidents
- ils se signalent aussi par le secret bancaire ou commercial. Concernant le secret bancaire certains pays le considèrent ainsi comme un élément de l'ordre public (Suisse, Monaco), comme un droit de l'Homme (Luxembourg), comme un devoir professionnel pénalement sanctionné (Suisse), comme un élèment de la sécurité étatique (Liechtenstein). Avec parfois des conséquences scandaleuses (affaire des avoirs juifs, affaire Sani Abacha)
Concernant le secret commercial, cela concerne surtout les pays anglo-saxons régis par la « common law », qui limite tout formalisme, et tolère de ce fait une forme d'opacité. Idem pour différentes formes de sociétés (trusts, fiducies, anstalt...) présentes dans les paradis fiscaux
- une coopération judiciaire internationale faible vis-à-vis d'autres Etats instituant une forme d'impunité en matière de délinquance financière
- divers critères secondaires : secteur financier très développé par rapport à la taille du pays; facilité d'installation et de création des entreprises; stabilité économique et politique; bonnes infrastructures de communication et de transport; rareté des conventions fiscales; faiblesse des dépenses publiques; législations anti-blanchiment ou lutte anti-blanchiment faibles.


Londres
est, elle, la première place financière du monde et se distingue par son caractère international.
Ce qui caractérise Londres, et la City, véritable Etat dans l'Etat, c'est avant tout la structure de ses sociétés, véritable passeport à l'opacité. Contrairement aux pays latins se fondant sur un certain formalisme, la Grande Bretagne et ses dépendances sont régis par la common law, qui permet à la fois de créer très facilement une entreprise, avec peu d'obligations sociales, et surtout une grande opacité de fonctionnement : ainsi les « trusts » permettent de garantir l'anonymat des ayants droits économiques, et sont parfois des sociétés écrans, des coquilles vides permettant de blanchir des capitaux (exemple l'ARC qui avait 2000 sociétés écrans à l'Ile de Man).

Par ailleurs la coopération est extrêmement compliquée : un magistrat raconte ainsi que pour faire une enquête il devait interroger la police britannique, qui interrogeait la police de la City (elle possède une police propre), qui devait interroger un avocat, qui interrogeait un banquier! Gibraltar ne répond jamais aux commissions rogatoires internationales, et la coopération des autres est faible (Man, Jersey, Guernesey...). Comme le Liechtenstein, la Grande Bretagne oblige les demandeurs d'une entraide judiciaire à avoir des preuves d'un fait délictueux afin de fournir des preuves de celui-ci...au mépris de la Convention de 1959, qu'elle a signée.

Le dispositif de lutte anti-blanchiment est aussi réduit : absence de moyens financiers et humains, faiblesse des poursuites et des condamnations, il se fonde surtout sur l'auto-régulation...

Par ailleurs ces Etats se caractérisent par le rôle des « ouvreurs de porte », à savoir le rôle de professionnels du droit qui profitent de leurs connaissances, des insuffisances législatives, et de leur caution pour introduire leurs clients vers les paradis fiscaux et le blanchiment de capitaux. Hors ces professions sont peu réglementées en Grande Bretagne.

De plus la Grande Bretagne n'a pas non plus de fichier FICOBA, et fonde le secret bancaire sur l'habeas corpus et l'exercice de la liberté individuelle.

Même situation dans les territoires d'outre-mer : Iles Caïmans, Iles Vierges, Bermudes, Turks et Cairos, Anguilla, Montserrat.

Cependant il y a eu une évolution depuis quelques années, notamment avec l'arrivée de Blair en Grande Bretagne. Cependant de peur d'effrayer les grosses fortunes, pas de révolution. Gibraltar a elle tout de même radié 20 000 sociétés fictives.

Pour résumer, les paradis fiscaux de la Couronne britannique se caractérisent par un droit des sociétés favorisant l'opacité et les sociétés écrans, une coopération judiciaire faible, et un dispositif interne de lutte contre le blanchiment réduit.

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