mardi 22 avril 2008

Peut-on breveter le vivant?

Joseph Schumpeter affirmait dans la première partie du vingtième siècle que le capitalisme était arrivé à sa fin. Selon lui le capitalisme avait été un bon système dès lors qu'il avait créé de la concurrence, de l'innovation, le goût du risque. Et la perte de ces valeurs annonçait sa mort et l'aboutissement du socialisme. Si la prophétie de Schumpeter s'est avérée inexacte, sa critique n'en demeure pas moins pertinente. La constitution de monopoles, la financiarisation et donc la constitution d'un capitalisme de rentiers tuent un capitalisme de progrès.
L'exemple typique de ce nouveau capitalisme est le succès des brevets, ce qui est ainsi le cas dans les biotechnologies et les OGM.

Monsanto, qui commercialise 90 % des OGM, est une entreprise « microsoftienne ». Afin de mieux exercer un monopole sur les semences mondiales, certains pensent qu'elle a travaillé sur les organismes génétiquement modifiés dans le seul but de créer un bien naturel qui lui soit propre et dont elle pourrait être propriétaire, par le biais du droit de la propriété intellectuelle, grâce aux brevets. Ces brevets lui permettant d'obtenir des royalties dès que quiconque utilise ses semences.

Pourtant la loi américaine de 1951 sur les brevets avait exclu de son champ d'application les organismes vivants. Mais en 1980, suite à un lobbying des entreprises de biotechnologie, la Cour Suprême américaine a admis dans un jugement très libéral que « tout ce qui a été touché par l'homme » peut être breveté...dès lors une privatisation d'organismes vivants est possible. Résultat, sur les 70 000 brevets annuels déposés aux Etats Unis, 20 % concernent des organismes vivants.

Et Monsanto sait appliquer son droit sur les brevets avec la douceur d'un taliban : toute personne achetant ses semences accepte par contrat de payer des amendes en cas de « fraude » (ce qui est le cas lorsqu'une personne conserve des semences et les réutilise l'année suivante, ou en cas de simple contamination par des champs voisins).
Pour appliquer sa loi Monsanto travaille avec des détectives de l'agence Pinkerton, a mis en place un numéro vert pour les dénonciations anonymes, elle a aussi mis en place une police des gènes de soixante quinze personnes pour effectuer des contrôles.

Elle a par ailleurs exporté sa volonté de monopole au niveau mondial par le biais de l'ADPIC (« aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce »), auprès de l'OMC. Au cours du cycle dit « Uruguay round » elle a travaillé pour inclure le droit de propriété intellectuelle dans le champ des domaines visant à être mondialisés et libéralisés. Pour ce faire elle a créé un organe, l'IPC, afin de faire du lobbying. Et un lobbying efficace : ainsi l'article 27.3 (b) permet le brevetage des micro-organismes. Le but de cet article est qu'un brevet obtenu aux Etats Unis, par Monsanto par exemple, soit applicable partout dans le monde. Avec des conséquences judiciaires graves en cas de non respect.

Source : "Le monde selon Monsanto" (Marie-Monique Robin)


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