dimanche 20 avril 2008

Monsanto m'a tuer

Saluons un instant Nathalie Kosciusko-Morizet. Saluons un instant une secrétaire d'Etat qui avait déjà brillé par ses compétences et par son intégrité. Mais face au rouleau compresseur des lobbys, les qualités comptent peu. Dans le débat parlementaire sur les OGM certains ont fait le choix de défendre l'intérêt général et la vérité scientifique plutôt que les intérêts partisans. Comme quoi le message de vérité et de science progresse. Le message de propagande de Monsanto, qui commercialise une grande partie des OGM, lui, apparaît de plus en plus comme une vague superstition, diffusée à la manière d'une vérité religieuse.

Monsanto, qui cultive 90 % des OGM au monde, a déjà un lourd passé et un lourd passif (agent orange, dioxine...) et a recyclé dans ce dossier ses vieilles recettes : falsification d'études, lobbying, menaces, conflits d'intérêt...
Son but? Contrôler les semences du monde, et donc la nourriture du monde. Revenons un instant sur la genèse des OGM.

Pour simplifier à l'extrême, l'épopée des OGM débute en 1953 lorsque deux scientifiques, Watson et Crick, décryptent la structure en double hélice de l'ADN, dont elle signe le code génétique. Dès le début des années 60 les biologistes travaillent sur les possibilité de manipulation des gènes. Dans les années 70 les premiers résultats apparaissent.
C'est à cette époque que Monsanto intervient dans l'épopée des OGM en réalisant ses propres recherches, qui aboutiront aux premières constructions génétiques, pour lesquelles elle déposera bien évidemment des brevets. Leur premier grand succès sont les plantes résistantes à leur herbicide, le Roundup ready, puis celle d'un gène immunisant contre le même herbicide.

Le premier vecteur de développement des OGM est politique. Et Monsanto sort les grands moyens dans ce domaine en envoyant quatre dirigeants de leur entreprise rencontrer George Bush père à la Maison-Blanche, alors que celui-ci est vice-président des Etats Unis. A l'époque celui-ci se fait l'apôtre de la « déréglementation » et se montre sceptique voire critique face aux organes scientifiques chargés de l'environnement et de la santé. S'ensuivent des textes très protecteurs pour la biotechnologie et des réglementations de pure apparence, permettant une réglementation de façade des OGM.
En cause notamment dans cette réglementation le « principe d'équivalence en substance » qui indique que les OGM seraient « grosso modo » identiques à leurs homologues naturels. Hors le « grosso modo » peut surprendre au vu des intérêts en jeu, surtout dans le domaine scientifique. Un économiste opposé aux OGM, Jeremy Rifkin, raconte qu'en fréquentant les mêmes bars que les lobbyistes à Washington il entendait ceux-ci rire du concept, ceci n'étant qu'une pure invention pour une mise sur le marché rapide des OGM. La FDA qui contrôle les aliments se basera sur ce type des analyses, ce qui fera échapper les OGM aux tests toxicologiques.

Le deuxième vecteur de développement des OGM est scientifique, car Monsanto a su utiliser les scientifiques ou les neutraliser.
Concernant ses études, Monsanto a toujours brillé par leurs imprécisions, leurs erreurs et leurs lacunes, Monsanto refuse de soumettre ses études a des contre-expertises « au nom du secret commercial ». Ceux qui ont effectué des études alternatives ont été surpris par les résultats très différents des résultats officiels : les animaux cobayes avaient en effet des conséquences très négatives sur leur santé. Ainsi les tests menés sur les papillons monarques faisaient près de 44 % de morts, le reste étant victimes de perte d'appétit...de quoi rassurer les consommateurs d'OGM.
Ceux qui veulent réaliser des études sur les OGM obtiennent peu de financements, voient leurs travaux discrédités, voire leurs carrières menacées. Certains se font licencier.
Que ce soit au niveau politique ou scientifique, Monsanto noyaute les institutions, utilise le pantouflage (allers-retours de personnes entre le privé et le public, parfois proches du conflit d'intérêt) et exerce un lobbying important : entre 1998 et 2001 elle a utilisé près de 21 millions de dollars en lobbying, et elle finance aussi les partis politiques au pouvoir aux Etats Unis.

Source : « Le Monde selon Monsanto » (Marie-Monique Robin)


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