vendredi 18 avril 2008

Quelles solutions pour les paradis fiscaux?

Depuis la mobilisation du début des années 2000, il y a eu quelques avancées dans la lutte contre les dérives des paradis fiscaux : de nombreux Etats ont fait des efforts pour instituer plus de moyens dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, légiférer sur certaines sociétés opaques ou coopérer judiciairement.
Cependant ces évolutions sont souvent des évolutions de façade : le système n'a pas été remis en cause, quelques Etats insignifiants ont servis de bouc-émissaires, le secret bancaire est toujours en place dans certains Etats, et la législation est souvent lacunaire.

Un dipositif existe déjà au niveau international : le GAFI a établi 49 recommandations et une liste noire, l'OCDE et l'ONU travaillent aussi sur ce point, tout comme le Forum de stabilité financière établi par le G8.

Diverses solutions sont envisageables autour de certains axes :

- harmoniser
Il convient d'harmoniser la fiscalité (par le biais notamment de la directive européenne sur l'épargne dont le champ limité doit être étendu et s'occuper du problème de la taxation de l'épargne des non résidents,) afin de prévenir de la concurrence fiscale entre Etats.
Il convient aussi d'harmoniser la légalité, notamment le droit des sociétés et le droit des affaires. Pour le droit des sociétés il faut légiférer sur les sociétés opaques (trusts, fiducies, anstalt, holdings, sociétés de domiciliation...) : une charte internationale, avec des normes minimales est ainsi envisageable. En cause : identifier les ayants droits économiques et prévenir l'anonymat et l'opacité, et un minimum de vie sociétale : le déroulé d'assemblées générales, la publication de comptes, l'obligation d'immatriculation ou l'inscription sur un registre central. Il serait nécessaire aussi d'harmoniser le droit pénal : pour certains l'évasion fiscal ou la fraude ne sont pas considérés comme délictueux.
Il convient aussi de permettre la levée du secret bancaire en cas de demande de coopération judiciaire internationale et de lever les conditions supplémentaires excédant la convention européenne de 1959. Il faudrait aussi généraliser les fichiers bancaires de type FICOBA.

- réguler
Il convient aussi de réguler l'activité économique dans certains domaines : afin de contrôler le capitalisme, il faudrait imposer un minimum de règles économiques.
Il s'agit tout d'abord de réglementer les différentes professions susceptibles de faciliter l'accès aux paradis fiscaux; il convient aussi d'instituer un contrôle plus rigoureux des comptes des entreprises, avec l'obligation que leur certification de comptes, obligation en cas de cotation boursière, s'étendent à l'ensemble de leur activité (même à des territoires exotiques); il convient de contrôler plus sérieusement les transactions avec les banques de compensation (Clearstream, Euroclear, SWIFT...).

- sanctionner
Le magistrat Jean de Maillard affirmait que les paradis fiscaux voulaient organiser un « monde sans loi ». Il appartient donc de sanctionner les différentes dérives.
Cela passe déjà par une responsabilisation accrue des différents acteurs économiques en étendant l'obligation de déclaration de soupçon à plus de professions, étendre l'obligation de vigilance en pénalisant la négligence.
Concernant les autorités de contrôles existants : il convient de judiciariser TRACFIN, d'accroître les pouvoirs du GAFI (et que sa liste soit plus crédible : la Suisse a présidé le GAFI en 1992), afin que ses normes aient un caractère impératif.
Il convient surtout d'internationaliser la justice : instituer une autorité mondiale de régulation afin d'avoir une régulation transnationale, favoriser la coopération internationale.
Il faut aussi dépasser le stade de l'autorégulation et aller vers une plus grande sanction; il faut mettre plus de moyens financiers et humains dans la lutte contre le blanchiment de capitaux. Il est possible aussi de sanctionner les pays non-coopératifs en instituant une taxe dans les transactions avec elles.
Il convient (à terme...) d'interdire aux banques françaises d'avoir des filiales dans les paradis fiscaux, de sanctionner les firmes passant par eux en les interdisant de marchés publics, de garantie publique (COFACE).

Grâce aux pressions conjuguées de la France, de l'Italie, de l'Union européenne, du GAFI, de l'OCDE, de l'ONU ou du G8, il y a eu d'importantes évolutions dans les paradis fiscaux, mais rappelons-le ces évolutions sont souvent de façade et les « attaques » contre les paradis fiscaux ont souvent visé des pays marginaux, qui firent offices de bouc-émissaires, alors que les plus puissants passaient entre les mailles du filet.
D'un point de vue judiciaire, la Cour de justice européenne a mis en cause les montages artificiels liés à l'utilisation des paradis fiscaux (arrêts Halifax en avril 2005, Cadbury Schweppes en mai 2006, confirmés en 2007).
Malgré ces évolutions, le système n'a pas été fondamentalement remis en cause. Il convient donc de continuer le travail. Un travail long, mais comme le disait Saint Just, « il n'y a que ceux qui sont dans les batailles qui les gagnent ».

Aucun commentaire: