samedi 26 avril 2008

Le chlordécone : le sang contaminé version antillaise?

L 'affaire du sang contaminé ou celle de l'amiante ont illustré l'état déplorable des classes politiques et scientifiques en France. Dans les deux cas les intérêts financiers ont primé sur l'intérêt général et sur la santé publique, dans les deux cas le lobbying, le noyautage des autorités de contrôle sanitaire ont permis de bafouer la vérité scientifique, avec au bout de nombreuses victimes.
Ces affaires font-elles parties du passé? Des affaires semblables seraient-elles possibles aujourd'hui? L'affaire du chlordécone montre que la question mérite d'être posée.

Le chlordécone est un pesticide breveté aux Etats Unis en 1952, et commercialisé sous le nom de Kepone en 1958. Cependant en 1975 le médecin du travail d'une usine synthétisant le produit constate des effets graves sur les employés de l'usine. Le produit est alors interdit aux Etats Unis en 1976.
La France suit-elle la réglementation américaine? Que nenni : le Kepone change simplement de nom, devient le Curlone, et est commercialisé en France jusqu'en 1993.
Comment expliquer la commercialisation de ce produit en France pendant tant d'années alors que le Centre international de recherche contre le cancer le classe comme « cancérigène possible »? Un petit flashback s'impose.

Depuis 1977 de nombreux rapports et études alertent sur la pollution créée par le pesticide notamment utilisé contre le charançon qui attaque les bananiers : le taux de chlordécone est parfois cent fois supérieur aux normes autorisées!
Selon un rapport parlementaire dirigé par Philippe Edmond-Mariette le produit a été autorisé jusqu'en 1993 aux Antilles (contre 1990 en Métropole) suite au lobbying des planteurs de bananes afin d'écouler les stocks – ce qui rappelle l'affaire du sang contaminé.
En cause aussi la direction générale de l'alimentation dont une antenne - la Commission d'étude de la toxicité – était noyautée par les producteurs de pesticides. Notons que les ministres de l'Agriculture Louis Mermaz (en 1981) et Jean-Pierre Soisson (en 1990) signeront les décrets autorisant le chlordécone.

Les conséquences sont en tout cas gravissimes : les eaux, sols (un sixième des terres contaminés pour une centaine d'années), légumes et crustacés sont contaminés. D'un point de vue individuel le chlordécone s'attaque au système nerveux central des humains, engendre des tremblements, troubles de la vision, diminution du nombre de spermatozoïdes, nausées. Le nombre de cancers de la prostate en Guadeloupe a quasiment doublé entre 1995 et 2003. Des cas de maladie de Parkinson sont apparus.

Mais le deuxième scandale c'est que malgré l'interdiction de 1993 des trafics de chlordécone ont été découverts et des études prouvent que le produit est toujours épandu. Une étude de 1997 indiquant qu'en Martinique 70 kilos de pesticides par an et par hectare, s'il y a des fraudes, les conséquences peuvent être graves.
Interrogé par Rue 89 le président du CRAN, Patrick Lozès affirme : « nous sommes en face d'un scandale sanitaire majeur (...), nous pourrions assister à une catastrophe aussi importante que celle du sang contaminé ». L'avenir, malheureusement, nous le dira.

Source : "Pesticides : révélations sur un scandale français" (Fabrice Nicolino-François Veillerette)


1 commentaire:

Unknown a dit…

Merci!! Ne restons pas muets devant ce DESASTRE MEURTRIER! Les intérêts en jeu passe beaucoup de choses sous silence, ne nous laissons pas berner!
Le débat est lancé, venez y participer : Pesticides aux Antilles : les désastres d'une grande manip commerciale des laboratoires?