dimanche 6 avril 2008

Des contre-pouvoirs sous la Cinquième République

Selon Montesquieu, « il est notable que toute personne qui se voit attribuer un pouvoir est porté à en abuser ». Pour éviter ces déviances il faut que « le pouvoir arrête le pouvoir » ("de l’Esprit des Lois", 1748). Dans le même esprit Alain affirmait au dix neuvième siècle que l’essence de la démocratie réside dans le contrôle du pouvoir par ses citoyens et l’existence de contre-pouvoirs. Tout porte à croire que le Général de Gaulle ne possédait malheureusement pas d’ouvrages de ces auteurs dans sa bibliothèque…

Afin de rassurer l’opinion publique de Gaulle accepta la création d’un Conseil Constitutionnel pour contrôler le respect de la Constitution et servir de garde-fou à l’Exécutif. Pourtant certaines réserves sont nécessaires : concernant son domaine de contrôle celui-ci est très limité puisqu’il ne porte que sur la Constitution; il a fallu attendre une décision du Conseil Constitutionnel au raisonnement juridique plus que douteux (« Liberté d’association », le 16/07/1971) pour que le préambule, à savoir la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et le Préambule de la Constitution de 1946, soit inclus dans son champ de contrôle. Par ailleurs les conditions de nominations de ses membres sont à revoir : ils sont nommés par des hommes politiques, le Président est notamment nommé par le Président de la République, ce qui engendre une subordination de fait, et sans aucun critère professionnel comme avoir une formation juridique. Ainsi le Général de Gaulle prit l’habitude de nommer des amis à ces postes, mais la pratique depuis Mitterrand est de nommer des hommes politiques à formation juridique (Robert Badinter, Simon Veil, Roland Dumas, Pierre Mazeaud…). Enfin la saisine est limitée : seuls 60 députés et 60 sénateurs peuvent le saisir, ainsi un citoyen ordinaire ne peut pas le saisir par le biais d’un procès par exemple (« la question préjudicielle »), le Conseil ne peut pas non plus s’autosaisir sauf dans des cas bien spécifiques comme l’organisation d’élections.

Par ailleurs le Sénat, qui possède un pouvoir législatif limité et un pouvoir consultatif, se limite à être un simple contre-pouvoir au réformisme : son mode d’élection à deux tours avec des grands électeurs, la surreprésentation de la campagne la plus rurale, son orientation éternellement à Droite en font l’agent du conservatisme.

La Cour des Comptes, produit de l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui autorise les citoyens à contrôler l’emploi des fonds publics par ses citoyens, a des attributions faibles : ainsi en Grande Bretagne la « National Audit Office » publie 40 contrôles par an sur l’utilisation des fonds publics, en France la Cour des Comptes en publie 3... le Parlement britannique réclame une trentaine d’audits sur les dépenses publics, Pierre Joxe affirmait qu’il était consulté 3 fois par an… Il n’existe pas de Commission permanente au Parlement pour contrôler et évaluer les dépenses publiques, quant aux dépenses du Président de la République (ses billets d’avions par exemples…) la Cour n’a pas le droit de les contrôler.

Le Conseil Economique et Social (article 69 et 70) pourrait être un excellent outil démocratique mais la Constitution lui confie un rôle consultatif on ne peut plus limité: ainsi le Gouvernement n’est pas lié par ses avis, il ne « peut » que le consulter donc sa consultation n’est pas obligatoire. Augmenter ses pouvoirs et son importance, en le rapprochant de ceux du Sénat, pourrait être positif.

Au niveau local les chambres régionales des comptes sont chargées de contrôler les dépenses publiques locales. Cependant leurs moyens sont faibles et les citoyens ne peuvent pas les saisir directement, d’où une efficacité limitée.

Enfin dernier contre-pouvoir et non des moindres, le Peuple. La Constitution de Gaulle lui a confié plus de pouvoirs : le référendum et l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Cependant le domaine du référendum était originellement très limité concernant ses matières, même si François Mitterrand l’a étendu; en outre les citoyens n’ont pas le pouvoir d’initiative du référendum. Par ailleurs, ils ne peuvent invoquer le contrôle de la constitutionnalité d’une loi au cours d’un procès. Ils ne peuvent pas non plus avoir l’initiative d’une loi par pétition. Concernant les élections présidentielles, le candidat n’est pas lié par son programme, comme le disait le penseur gaulliste Charles Pasqua « les promesses politiques n’engagent que ceux qui y croient »… Mais au fond donner plus de pouvoir au peuple est-il souhaitable? Jean Jacques Rousseau considérait que la démocratie pure était faite pour les dieux pas pour les hommes, Montesquieu affirmait quant à lui que pour exercer un pouvoir il faut connaître le droit international, la diplomatie, l’économie, ce qui n’est pas le propre du Peuple… Le débat mérite d’être tenu car les exemples de démocratie quasi-directe dans certains états des Etats-Unis ou dans certains cantons suisses ont bien souvent dérivé vers le populisme.

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