lundi 24 décembre 2007

JPK, martyr de la vérité?

Il y a dix ans mourrait le journaliste polynésien d'investigation Jean-Pascal Couraud, dit «JPK». Particularité de ce décès : ses circonstances troubles.

En effet, Jean-Pascal Couraud, était le rédacteur en chef du journal "Les Nouvelles de Tahiti", et était surtout un ennemi acharné de Gaston Flosse, dirigeant de la Polynésie française pendant près de 30 ans, et protégé de Jacques Chirac : il a notamment sorti quelques affaires mettant en cause Gaston Flosse. Il dénonçait les scandales politiques, économiques, judiciaires et les abus de pouvoir de la Polynésie "flossienne".
Trois mois après avoir fini une nouvelle enquête sur Gaston Flosse, JPK est retrouvé mort. La police conclut au suicide, même si son corps n'est pas retrouvé et qu'il n'y a donc pas eu d'autopsie. Pourtant sept ans plus tard un ancien membre du GIP, milice polynésienne aux activités douteuses, affirme que JPK a été victime d'un meurtre, commandité selon lui par Gaston Flosse.
Malgré les doutes sur ce “suicide” l'affaire demeurait dans le statu quo depuis dix ans. Cependant plusieurs enquêtes récentes (France Inter, Rue 89), et différentes révélations relancent l'affaire.

Relatons tout d'abord les faits.
Dans la nuit du 15 au 16 décembre 1997 le journaliste d'investigation JPK disparait. Même si son corps n'est pas retrouvé l'enquête conclue au suicide.
Pourtant plusieurs élèments rendent cette thèse douteuse : ainsi quelques temps après le suicide un journaliste qui enquêtait sur l'affaire reçoit un coup de fil mystérieux lui indiquant que s'il continue son investigation “il subirait le même sort que JPK”.
Par ailleurs en 2004, un ancien du GIP, Vetea Guilloux, affirme que JPK a été assassiné par le GIP sur ordre de Gaston Flosse, inquiet par les enquêtes du journaliste.
Cette même année un journaliste de l'AFP qui souhaitait simplement faire un reportage sur l'affaire est sauvagement agressé par deux membres du GIP.
Une affaire mystérieuse donc.

Mais l'affaire semble se relancer depuis quelques semaines.
Premières révélations par Rue 89.
Le site reprend le témoignage de l'avocat de JPK, Maître Jean-Dominique Desarcis. Celui-ci affirme qu'au cours de l'enquête il a été suivi, cambriolé, et que le disque dur de son ordinateur a été volé. On a tenté aussi de l'acheter.
Il a été aussi menacé de mort lors d'un voyage Paris (“arrêtes ou tu es mort”...). Afin de protéger sa famille il aurait fait le choix de ne plus faire de vagues, et donc de défendre la thèse du suicide.
Selon l'avocat, JPK aurait mis à jour des virements comptables entre une société de perliculture, Wan, et un compte japonais aux noms de Jacques Chirac et de Gaston Flosse.

France Inter a apporté d'autres révélations dans son émission “Interception”.
L'émission nous indique qu'à cette époque, une atmosphère de peur régnait sur cette affaire. Tout ceux s'y intéressant un peu trop sont immédiatement surveillés, filés voire intimidés. La mésaventure est arrivée à un journaliste de l'AFP basé à Tahiti depuis quarante ans. Fin 2004, Eric Monod venait tout juste de réaliser un reportage sur le feuilleton JPK lorsqu'en rentrant chez lui un soir, il est sauvagement agressé par "deux membres du GIP".
Par ailleurs d'autres membres du GIP confirment la version de Vetea Guilloux : d'après ces témoignages un groupe de gros bras se serait débarrassé du journaliste. Selon eux ça serait une tentative d'intimidation qui aurait mal tourné. Les pieds lestés de parpaings, attaché à une corde, JPK aurait été immergé à plusieurs reprises, jusqu'à ce que ses bourreaux relèvent un cadavre.
De plus l'avocat de JPK, Maître Desarcis revient sur ses propos : pour lui il est “clair et net” qu'il ne s'agit pas d'un suicide. Selon lui le mobile de l'élimination de JPK est lié à deux motifs : celui-ci enquêtait à l'époque sur des possibles détournements de fonds européens affectés à la Polynésie, et confirme la thèse du compte japonais de Jacques Chirac et de Gaston Flosse.

Concernant le mobile du crime, selon Maître Desarcis JPK aurait mis à jour des virements comptables entre une société de perliculture, Wan, et un compte japonais aux noms de Jacques Chirac et de Gaston Flosse.
Il indique qu’en 1997, JPK disposait d’informations fiables émanant de personnes travaillant au sein du groupe Wan, relatives à des transferts financiers effectués vers le Japon, sur le compte de “cet autre homme politique”.
Il indique : "J’ai fait état au cours de cet entretien avec M. Philippe Couraud de l’existence d’une note circulant à Papeete en 1998-1999 faisant état de transferts de fonds par Wan à M. Jacques Chirac. Cette note était certainement plus ancienne mais j’en ai eu connaissance qu’en 1998-1999. Je ne sais pas si M. Jean-Pascal Couraud était en possession de cette note. Je précise que cette note avait été rédigée anonymement et qu’elle faisait l’inventaire d’affaires”.

Gaston Flosse lui est amusé par ces scénarios : "Vous me faites rire", rétorque-t'il, parlant de "scénario" sans la moindre preuve des accusations portées par la famille de la victime.

Etonnamment l'affaire pourrait connaître des rebondissements dans le cadre de l'affaire Clearstream car des pièces saisies chez le général Rondot concernant ce compte japonais pourraient être versées au dossier d’enquête : les scellés 32 et 33 contenant une partie des archives du général Rondot, ancien Conseiller pour le renseignement et les opérations spéciales, sont consacrés au fameux compte japonais.

Comme on le voit cette affaire démontre les dérives politiques, financières de tout un système, celui de la Cinquième République, régime du Coup d'Etat Permanent. Affaires louches non traitées, détournements impunis, connivences criantes et privilèges opaques mais non dénoncés : la France n'en est bien qu'à la préhistoire de l'éthique en politique. Mais l'Histoire ne fait que commencer...

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