samedi 22 décembre 2007

Luxembourg : la machine à blanchir

Le Luxembourg est un des pays au monde qui possède le PIB par habitant le plus élevé. Cependant cet Etat doit surtout sa richesse à son statut de paradis fiscal, statut pris par le Grand-Duché dans la deuxième partie du vingtième siècle et qui deviendra l'unique moteur de l'économie suite à la crise industrielle des années 70. Le secteur financier représente ainsi 46 % du PIB, il y a 150 banques et le Grand-Duché est la deuxième place financière mondiale pour les fonds d'investissements.

Le Luxembourg se signale par les mêmes éléments que les autres paradis fiscaux et judiciaires, à savoir une fiscalité faible pour les non résidents; un culte du secret bancaire (considéré comme un droit de l'homme), la faiblesse des moyens financiers et humains de lutte contre le blanchiment (l'auto-régulation prime, et l'application du corpus législatif est freinée par la réticence des financiers).

Le Luxembourg se signale surtout par sa capacité à créer des formes de sociétés génératrices d'opacité : les holdings 1929, les SOPARFI, les fiducies, les domiciliations de société, toutes soumises à un régime fiscal favorable et à un encadrement légal a minima (pas de registre central d'immatriculation des sociétés...), véritable bénédiction pour la constitution de sociétés écrans.

Par ailleurs, dans le rapport de la commission parlementaire sur le blanchiment de capitaux sur le Luxembourg (30 mars 2000), Joël Bucher, ancien directeur général adjoint de la société générale de la Société Générale interrogé sur l'affaire des rétrocommissions sur les frégates vendues à Taïwan indique que la Société Générale a ouvert des comptes au Luxembourg afin d'y verser les rétrocommissions (lors du passage d'un marché, celui-ci peut être facturé pour dégager une commission occulte, la rétrocommission est la partie de cette somme revenant vers le pays d'origine des versements). Il indique même que de nombreuses personnes conseillaient à ceux qui recevaient des commissions occultes d'ouvrir un compte au Luxembourg!

Ce même rapport relate aussi une enquête menée par le magazine Challenges en mars 2000 dont des journalistes indiquent à cinq banques luxembourgeoises qu'ils souhaitent placer 900 000 francs « au black ». A Cortal Bank, on lui conseille de placer la somme en plusieurs fois, grâce à quelques amis, afin d'éviter les problèmes. Au Crédit Lyonnais, on lui conseille de passer par un homme de paille pour faciliter la transaction. A la Société européenne de banque, no problem sur l'origine cachée des fonds.

Mais le Luxembourg c'est aussi le pays de Clearstream...afin de simplifier, dans cette affaire sont mis en cause le système informatique des transactions bancaires (SWIFT), la possibilité pour les banques – Clearstream n'est censé ne s'adresser qu'aux banques – d'ouvrir des sous-comptes qui permettent des transactions financières confidentielles, des dissimulations ou la constitution de caisses noires. Un ancien haut employé de Clearstream indique qu'on l'avait aussi chargé de faire du « hard coding », à savoir rectifier le programme source pour dissimuler des transactions. La Justice est censée être en charge du dossier.

Pour résumer, le Luxembourg est une machine à blanchir les capitaux par différents éléments : l'opacité de ses entreprises, le secret bancaire, le manque de coopération internationale.
Malgré les mobilisations des années 90, le système n'a pas été réellement mis en cause : les paradis fiscaux et judiciaires et le nouveau capitalisme sont désormais devenus inséparables...

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