lundi 31 décembre 2007

Le Crédit Agricole, ou le bon sens des affaires en action

La modestie de la part d'une multinationale est une qualité rare. Alors que la dernière campagne de publicité du Crédit Agricole insiste sur les talents de chanteurs et de chanteuses de ses conseillers, l'ouvrage de Jean-Loup Izambert et Hugo Niart « Les démons du Crédit Agricole » démontre que la banque verte compte aussi des conseillers avec des talents proches des « gangsters ».
Une affaire l'illustre parfaitement : l'affaire Eurocef qui permettra au Crédit Agricole d'envoyer en prison pendant cinq mois des innocents, qui faisaient pourtant partout de leurs meilleurs fournisseurs d'affaires.

Eurocef, européenne d'études et de conseils financiers, est un apporteur d'affaires travaillant essentiellement sur les Départements d'Outre-Mer et connaît alors un certain succès, mais a une simple lacune dans le financement de ses affaires. C'est alors qu'une connaissance commune d'un des dirigeants d'Eurocef et du directeur du Crédit agricole de l'Yonne intervient et les met en relation : ce partenariat permet à Eurocef d'obtenir des financements et du crédit d'une banque prestigieuse, le Crédit Agricole peut lui placer ses excédents de ressource dans une activité rentable.

Si les affaires vont très bien, au bout de quelques temps le rouage se grippe : deux des intermédiaires entre les deux entreprises sont licenciés par le Crédit Agricole, et surtout Eurocef constate un désengagement croissant de la banque dans différentes affaires. Ainsi en Guyane, dans le dossier Novaparc, elle ne paie plus les traites des entreprises, et diffuse différentes rumeurs contre elle. Dans l'opération de l'hôtel Calypso en Martinique elle dénigre ses propres produits, et auprès d'établissements partenaires elle fait passer l'information que l'opération « est montée par des voyous »!
Relevons aussi l'affaire dont est victime Colette Lupon. Ex-employée d'Eurocef, licenciée suite au dépôt de bilan d'Eurocef, elle élève seule ses deux enfants. En 1994 un inspecteur du Crédit Agricole la convoque pour des retards d'échéance dans le cadre d'un prêt. Hors, au cours de cette discussion l'inspecteur la menace des pires ennuis et l'invite à aller dans les locaux d'Eurocef pour y subtiliser des cartons d'archives!

Malgré ces incohérences, le Crédit Agricole bénéficie d'excellents défenseurs dans les médias. L'affaire explose il est vrai au moment de l'affaire du Crédit Lyonnais et les médias subissent l'emballement médiatique. Ainsi le message simpliste « 500 millions de francs détournés » (alors qu'il s'agit de placements!), circule : Le Monde, La Vie française ou l'Yonne républicaine y vont de leur article pour défendre le Crédit Agricole, transformé en victime. La banque mènera ainsi une véritable campagne de presse en diffusant des faux bruits sur les dirigeants d'Eurocef, et en « vendant » (avec réussite) leur version à la presse, notamment celles d'une gestion aventureuse et douteuse par Eurocef.

Le Crédit Agricole bénéficiera aussi d'incohérences judiciaires.
Tout d'abord le Crédit Agricole procède à un véritable acharnement judiciaire à l'encontre des dirigeants d'Eurocef qui aboutira d'ailleurs, avec les non-engagements contractuels de la banque verte, au redressement judiciaire, et à la liquidation judiciaire d'Eurocef (seulement quinze jours plus tard).
Pour apporter crédit à ses allégations elle invente comme on l'a vu un scénario qu'elle vendra aux médias, et aux juges : elle transmet ainsi des notes toutes faites aux magistrats! Elle leur adresse aussi des indices douteux. Au final des dirigeants d'Eurocef sont incarcérés, avant d'être libérés à force de détermination. Mais là-aussi le Crédit Agricole ne lâche rien : ils accusent les dirigeants d'avoir violés leur contrôle judiciaire, sur le fondement de preuves quasi-nulles.
Le traitement du dossier fait preuve d'une autre incohérence : le juge Lewandowski, en charge du dossier a mis différentes pièces importantes du dossier dans une autre procédure qu'il mène contre les représentants d'Eurocef, au mépris du secret de l'instruction.
Autre incohérence : le service juridique du Crédit Agricole faxe à la police judiciaire de Melun des recommandations et conseils!

Cependant l'acharnement des dirigeants d'Eurocef paiera : le scénario monté de toutes pièces par le Crédit Agricole se fissurera au fur et à mesure, les manipulations et actes illégaux (faux témoignages, fausses créances...) se révèleront au fur et à mesure.
Ainsi un des réalisateurs des fausses créances a obtenu en outre un prêt pour un appartemment dont le prix est inférieur au coût de production de celui-ci!
Surtout un intermédiaire, Benoît Deprecq, jouera le rôle de bouc-émissaire. Mais de manière étonnante on constate que l'avocat de celui-ci, Ralph Boussier, s'avère être membre du cabinet de conseil du Crédit Agricole! Ainsi celui-ci produit par exemple un document d'accusation dans lequel il attaque son propre client afin de défendre le Crédit Agricole dans une des affaires, et défend malgré tout Benoît Deprecq dans une autre affaire. Le statut de bouc-émissaire a des paradoxes que la raison ne saisit pas, ou peut être trop bien. D'autant que malgré son statut de bouc-émissaire du Crédit Agricole, Benoît Deprecq conserve un poste d'administrateur de la banque...

Et la Justice parlera enfin : le rôle déterminant du Crédit Agricole de l'Yonne dans la faillite d'Eurocef sera reconnue; la constitution de fausses créances; on découvrira aussi que les experts judiciaires chargés de contrôler les comptes d'Eurocef ont été influencés par le Crédit Agricole.

Il y a des fois on préférerait que les salariés du Crédit Agricole se contentent de chanter comme dans leurs pubs...

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