vendredi 28 décembre 2007

Dora l'exploratrice au Liechtenstein

Si nous avons décidé d'envoyer Dora au Liechtenstein, c'est pour que son oeuvre pédagogique nourrisse une lacune de nos médias : le manque d'information.
Par exemple le décès récent de Bénazir Butho permet aux médias de la dépeindre comme un mix de Lady Di et de Mère Térésa. Cependant les médias oublient qu'elle est la descendante d'une véritable dynastie, les Butho, qu'elle est accusée avec son mari d'avoir détourné 1,5 milliards de dollars, que le général Musharraf les a amnistié pour ces délits et qu'il a aussi exilé les juges qui pouvaient leur poser problème, et surtout les médias oublient qu'elle est soupçonnée d'avoir commandité le meurtre de son propre frère, Murtaza, parce qu'elle craignait qu'il lui pique sa place.
Dans cette affaire les policiers mis en cause ont été relâchés, les témoins du crime emprisonnés (deux en mourront)...dix ans plus tard, aucune avancée. Peut être devrions-nous envoyer Dora au Pakistan?

Mais avant de l'envoyer au Pakistan, envoyons-la au Liechtenstein, pays peu médiatisé.
Si ce pays est un des plus petit en Europe, il s'agit aussi d'un des plus riche, grâce à son statut de paradis fiscal et judiciaire.

Ce pays se distingue tout d'abord par une fiscalité favorable (notamment sur les sociétés et sur les placements des non-résidents), par une stabilité politique (opposition politique et médiatique quasiment nulle), une réglementation financière et commerciale faible, des faibles moyens financiers et humains dévolus à la lutte contre le blanchiment. Cependant ce qui fait le dynamisme du Liechtenstein c'est avant tout son culte du secret bancaire : celui-ci fait parti de la loi sur la sécurité de l'Etat, voire de l'ordre public.

Le Liechtenstein se distingue aussi par les structures juridiques de certaines de ses entreprises qui garantissent l'anonymat. Ainsi les « Anstalt » sont des sociétés faciles à constituer et soumises à des obligations sociales quasiment nulles. Dans ces sociétés, le pouvoir est délégué à un homme de paille, ce qui permet de cacher les vrais ayants droits économiques (ce qui fut le cas dans l'affaire Elf). Le Liechtenstein se distingue aussi par ses sociétés de domiciliation, 75 000 au total, qui ne sont en fait que des sociétés « boîte aux lettres ».

Ce qui distingue aussi le Liechtenstein, c'est son absence de scrupules concernant l'origine des fonds selon le BND, services secrets allemands. Selon eux le pays recyclerait l'argent des mafias italiennes, russes et colombiennes, ce qui est d'autant plus facile que leur système protège l'identité des propriétaires des fonds.
Le rapport du BND dénonce aussi une collusion entre les criminels des cartels de drogue et certains notables de la principauté, avocats ou gérants de fiduciaires qui leur permettent ainsi de blanchir leurs capitaux.

En matière de coopération judiciaire le Liechtenstein est un des Etat les moins coopératif : les commissions rogatoires internationales donnent ainsi rarement suite. Pour ce faire les autorités se fondent sur la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 qui permet de fonder le refus d'une entraide judiciaire sur l'ordre public : selon le Liechtenstein le secret bancaire ferait donc parti de son ordre public. Par ailleurs les demandes d'entraides judiciaires sont soumises à un processus long et compliqué.

Enfin le Liechtenstein ne possède pas de fichier FICOBA (fichier national des comptes bancaires), et autorise l'ouverture de comptes au profit d'une autre personne : un avocat ou un gérant de fiduciaire peut donc ouvrir un compte au profit d'un de ses clients, celui-ci restant anonyme!

Depuis le Liechtenstein a fait des efforts législatifs, mais ceux-ci restent de façade et limités par une certaine mauvaise volonté politique et des acteurs économiques.

Pour résumer, le Liechtenstein se distingue par un culte du secret (que ce soit en matière bancaire ou dans la structure de certaines entreprises qui garantissent l'opacité), une mauvaise coopération judiciaire, une ouverture aux milieux criminels, et une collusion de certains notables locaux avec ceux-ci.

Aucun commentaire: