jeudi 6 décembre 2007

Les niches fiscales : la solidarité? c'est bon pour les pauvres!

« Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés ». Ces propos tirés de l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen énoncent les trois principes majeurs de la fiscalité française : nécessité de l’impôt, égalité dans son acquittement et progressivité.

Aux antipodes de ces principes se situe la fiscalité française actuelle basée sur la complexité, l’opacité et le clientélisme. Ainsi les niches fiscales, qui autorisent les régimes dérogatoires et les possibilités d’échapper à l’impôt, se sont considérablement développées.

En France, elles se chiffrent à près de 400 mesures, alors que l’Allemagne en compte environ 180 et l’Angleterre 120. Le produit de ce manque à gagner fiscal s’élève à près de 50 milliards d’euros, soit l’équivalent du produit de l’impôt sur le revenu!

Selon la loi d’orientation de la loi de finances, les niches fiscales les plus importantes sont : la TVA à 5,5 % sur les logements sociaux (4,3 milliards d’euros), les bons de capitalisation (3,5 milliards), la prime pour l’emploi (2,7 milliards) ou l’abattement de 10 % sur les pensions et retraites (2,3 milliards). La Corse comptabilise à elle seule 14 niches fiscales, pour un montant de 250 millions d’euros.

Si certaines mesures peuvent être justifiées car elles touchent de nombreux français comme la prime pour l’emploi dont 8,7 millions de personnes bénéficient, ce n’est pas le cas de certaines mesures qui ne visent que des gens aisés (emploi salarié à domicile, PERP, FCPI, investissements dans les DOM-TOM ou dans le cinéma…), ou un nombre de privilégiés limités (aide à la pêche, exonérations de droit de successions en Corse qui ne visent que 250 personnes, les cessionnaires de chevaux…).

Le Conseil des impôts s’était prononcé sur ces mesures qu’il avait qualifiées de « mille-feuille » fiscal, s'interrogeait sur le « caractère peu transparent, inéquitable ou inutilement complexe de ces exceptions à la règle fiscale dont ne bénéficient que les plus informés ». Dans ses propositions cette institution invitait à réexaminer l’efficacité et la nécessité de ces mesures qui remettent en cause la progressivité de l’impôt : ainsi les investissement dans les DOM-TOM permettent une réduction d’impôt moyenne de 60 000 euros qui ne concernent que 6 400 contribuables!

Plutôt que de créer une énième niche fiscale de plus, les décideurs publics devraient remettre en cause celles qui ne sont pas efficaces ou moralement injustes. Une grande réforme fiscale devrait être envisagée autour de trois axes: équité, compétitivité et solidarité.

Pour l’équité, il s’agit de favoriser les impôts progressifs, de limiter les privilèges (subventions, niches fiscales : ainsi en 2004 l’Etat a dépensé 18,5 milliards d’euros en allègements de charges patronales pour favoriser l’emploi, avec une efficacité plus que limitée).

Pour la compétitivité, il s’agit de lutter contre le dumping fiscal en Europe, de favoriser l’investissement, la recherche ou l’innovation par les impôts, augmenter la fiscalité sur le capital et non plus celle sur le travail, favoriser les contribuables qui travaillent (par la prime pour l’emploi par exemple).

Pour la solidarité, il faut que la fiscalité vise les plus aisés et profite à la France "d'en bas" : il est en effet inacceptable que seuls ceux qui travaillent dur ou galèrent s'acquittent de l'impôt alors que les plus nantis parviennent à s'exonérer de leur devoir de solidarité à l'égard des citoyens les plus fragiles.

Au fond, les propos d'Edgar Faure qui disait : "l'impôt appauvrit l'ignorant mais enrichit le connaisseur" sont toujours d'actualité.

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