lundi 10 décembre 2007

Les multinationales de l'eau

A l'heure où UFC-Que choisir dénonce les déviances tarifaires liées à la privatisation de la gestion de l'eau dans certaines communes, et prône une remunicipalisation de ces services, il convient de s'arrêter sur le rôle des multinationales de l'eau.

La grande déviance du capitalisme d'aujourd'hui est la concentration de l'activité au main de quelques multinationales : à la concurrence pure et parfaite ont succédé les oligopoles voire les monopoles. Le secteur de l'eau en est le parfait reflet : ainsi 70 % du marché est monopolisé par trois multinationales à savoir Véolia-Vivendi (ex-Compagnie Générale des Eaux), Suez (ex-Lyonnaise des Eaux) et SAUR-BNP-Bouygues.
En France dans 88 % des marchés publics une de ces trois entreprises apparaît et dans 31 % des cas une de ces trois entreprises est la seule présente dans les marchés. Dans certains endroits – notamment en Ile-de-France – la répartition des marchés est digne de la mafia.
Cette situation pose problème dans la mesure où ces trois multinationales profitent de leur oligopole pour abuser de leur pouvoir : les contrats portent sur des durées exceptionnelles (20-30 ans voire plus), les travaux sont souvent surfacturés dans la mesure où la bande des trois, profitant de leur savoir-faire technique, vend des Harley Davidson aux collectivités locales quand un vélo suffirait, le tout aux frais du contribuable.
Afin de garder leur statut, la bande des trois utilise la pratique du pantouflage : ainsi elle engage des hauts fonctionnaires de la Cour des comptes, du monde judiciaire (brigade financière, hauts magistrats) qui profite de leur savoir-faire pour faire de la prévention dans leur nouveau job : explication des techniques utilisées, failles du système, réseau.
Ces multinationales profitent aussi parfois de subventions des organisations internationales (FMI, Banque mondiale) : ainsi lors d'opérations humanitaires, les multinationales de l'eau interviennent, bon sentiment et bon coup de communication, et en profitent pour récupérer à terme des marchés. Une stratégie utilisée en Chine ou en Afrique du Sud. En Irak, l'entreprise Bechtel, anciennement dirigée par Dick Cheney, a obtenu le marché de reconstruction des canalisations d'eau détruites par les bombardiers américains.

Mais les multinationales de l'eau se signalent aussi par un lobbying actif.
Au niveau international, il passe tout d'abord par la Banque mondiale et le FMI qui conditionnent souvent leurs aides à des pays en développement ou le rééchelonnement de leur dette à l'obligation de privatiser la gestion de leur eau.
Il s'agit aussi des pseudo-organisation mondiale de l'eau : forum mondial de l'eau (Marrakech 1997, La Haye 2000, Kyoto 2003) notamment qui sous couvert de grands débats humanistes sur le problème de l'eau cache en fait des réunions organisées par les multinationales de l'eau qui y sont d'ailleurs sur-représentées. Lors de ces forums est débattu de la possibilité de la conquête de nouveaux marchés ou de la marchandisation de l'eau.
Il s'agit aussi de la commission mondiale de l'eau dont les membres sont majoritairement des membres des multinationales de l'eau. Jérôme Monod, ex président de la Lyonnaise des eaux (Suez) et conseiller de Jacques Chirac en fut ainsi membre.
Au niveau national, il s'agit des agences de l'eau ou des comités de bassin qui sont contrôlés par les lobbies agricoles; il s'agit aussi des multinationales de l'eau qui font pression sur les élus de la République soit par connivence (l'ex-Lyonnaise des eaux très proche de l'ex-RPR) soit en les corrompant par des financements occultes, divers cadeaux ou services en nature.

Ce monopole et ce lobbying ont des conséquences néfastes : l'eau, bien vital, est ainsi devenu une marchandise.
L'eau est un bien particulier : son caractère vital en fait un bien plus précieux que toute marchandise ou que toute drogue.
Profitant de ce statut les multinationales ont profité des forums mondiaux de l'eau pour en faire non pas un « droit » mais un simple « besoin ». Profitant de la passivité des institutions internationales, elles en ont profité pour faire de l'eau une marchandise hautement rentable.
D'un côté la Nature, bien commun à l'humanité, se retrouve propriété de groupes privés : des groupes privés comme Coca Cola, Pepsico ou Nestlé deviennent ainsi propriétaires de nappes phréatiques qu'elles rachètent. Certaines questions méritent d'être posées : à qui appartient l'eau douce? Fait-elle partie du domaine public? Et quand on voit que Coca Cola ou Pepsico payent un cent pour prélever l'eau qu'elles facturent un dollar (soit cent fois plus), des questions méritent d''être posées.
Des déviances apparaissent : à l'exemple d'entreprises comme Saint Gobain qui se sont enrichies grâce à l'amiante, avant de s'enrichir grâce à la lutte contre l'amiante, les multinationales de l'eau s'enrichissent grâce à des filtres anti-plomb alors qu'elles commercialisaient une eau contaminée par le plomb; de plus des courtiers en eau apparaissent : l'eau est devenue une marchandise comme les autres, à la différence près qu'elle est vitale.

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