mardi 11 décembre 2007

Vivons heureux, vivons aveugles

Alors que le Parlement débattait sur le projet de loi sur le financement de la sécurité sociale, qui a ciblé son action sur une culpabilisation des patients, un désengagement croissant de l'Etat et un accroissement du financement par les patients de leurs soins, il est nécessaire de s'intéresser un instant non pas à ce que ce texte dit, mais plutôt à ce qu'il ne dit pas.

Premier oubli : le rôle majeur des dépenses de marketing (visiteurs médicaux, voyages à l'étranger pour des séminaires...) dans l'augmentation du prix des médicaments. Ainsi selon l'IGAS elles auraient augmenté de + 48 % entre 1999 et 2005, un record en Europe. Dans la vision de la santé en France, rien sur cette dérive.

Par ailleurs peu de commentaires sur le rôle du lobby pharmaceutique qui influence les médecins, les élus et a réussi à investir les lieux de prise de décision.

L'occasion de narrer deux histoires très illustratives.

Tout d'abord la revue Prescrire narre l'obtention par les laboratoires Roche de l'autorisation de mise sur le marché d'un de ses médicaments.
Quelques mois plus tard l'agence européenne pour l'évaluation des médicaments (EMEA) désapprouve ce choix du fait d'effets indésirables.
Les laboratoires Roche contestant ce choix, l'EMEA réunit quatre spécialistes afin de réétudier leur décision. Ceux-ci valident cette fois la mise sur le marché, avec le même dossier mais avec une interprétation tirée par les cheveux d'une expérience, avec peu de preuves.
La revue Prescrire a alors indiqué que deux de ces experts avait des liens d'intérêts avec les laboratoires Roche. Une étude très indépendante donc.

Autre histoire dénoncée cette fois par Claude Fremont : 40 % des prescriptions de Subutex, substitut à l'héroïne pourtant délivré en France, seraient détournés dans un but de trafic! Ainsi la police mauricienne a arrêté il y a quelques mois un stewart d'Air France avec 51 863 comprimés de Subutex soit 1,2 millions d'euros en cachés payés par la sécu!
Le système est simple : il suffit de se faire prescrire ce médicament, et c'est parti pour le deal. Ainsi la dernière affaire en date a mis en cause vingt quatre personnes, médecins, pharmaciens, dealers, et a coûté 500 000 € à l'assurance maladie.
Mais le Subutex n'a pas été considéré comme stupéfiant, grâce à un lobbying actif.

Autant d'élèments qu'occulte la loi de financement de la sécurité sociale, mais comme le dit un proverbe allemand : "qui veut vendre un cheval aveugle, en vante les pattes".

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