samedi 9 février 2008

Manuel Aeschlimann, le Machiavel d'Asnières

Sorti le 6 février "9-2, le clan du Président" d'Hélène Constanty et Pierre-Yves Lautrou est un véritable résumé de l'affairisme politique dans les Hauts-de-Seine qui sont à la corruption politique ce que le 9-3 est à la petite délinquance : si dans le 9-3 les racailles font du rap, dans le 9-2 elles font de la politique. Inspiré par cet ouvrage cet article résume l'activité du maire d'Asnières, Manuel Aeshlimann.

Certaines villes du 9-2 ont été de véritables laboratoires ou objets à propagande pour la France d'après de Nicolas Sarkozy. L'exemple d'Asnières mérite qu'on s'y arrête : cette ville sans originalité était dirigée pendant près de trente ans par un gaulliste, Michel Maurice-Bokanovski. Aujourd'hui la ville fait le bonheur d'Internet et de Dailymotion pour ses calomnies, tracts anonymes, procès en diffamation, mises en examen et surtout ses conseils municipaux houleux. A défaut d'avoir bâti la France d'après, le maire Manuel Aeschlimann a bâti l'Asnières d'après. Mais arrêtons-nous un instant sur le « putsch » de Manuel Aeschlimann, par ailleurs amateur de Nicolas Machiavel.

A la fin des années 80, « Boka » est un peu lassé par son activité de maire, il lui arrive même de s'endormir lors des conseils municipaux. Il délaisse partiellement le pouvoir à son premier adjoint et successeur désigné, Yves Cornic, qui à l'exemple du couple Balkany à Levallois, couvre la ville de chantiers et de ZAC. Certains riverains inquiétés s'organisent en associations.
Manuel Aeschlimann fait lui la rencontre de Frantz Taittinger, issu de la grande famille du même nom. Tous deux se retrouvent dans la liste de « Boka » aux municipales. Tous deux décident alors de trahir leur maire en prenant parti pour les associations de riverains, des tracts anonymes dénoncent aussi la collusion entre le maire et les promoteurs.
En 1991 les deux hommes décident de mettre le maire en minorité au sein du conseil municipal. Ils sont alors exclus du RPR. Ils ne perdent pas pour autant de vue leurs objectifs – cantonales de 1992 et législatives de 1993 – et se voient opposés à Georges Tranchant. La campagne donne lieu à un affrontement entre les gros bras des camps respectifs. On accuse Taittinger de vouloir « faire venir les arabes à Asnières » en se fondant sur les origines algériennes de sa femme. Mais Taittinger triomphe malgré tout, Manuel Aeschlimann devient le premier adjoint en charge notamment de la communication.
Mais notre Machiavel du 92 ne s'arrête pas là : Taittinger connaît des problèmes de succession familiale et de santé qui le fragilise, on l'informe aussi qu'Aeschlimann complote contre lui en manipulant des associations de riverains. En 1998 Aeschlimann soutient de manière cachée le candidat UDF aux cantonales : Taittinger perd son siège au profit du candidat socialiste. Il démissionne de son mandat de maire et ne se représentera pas aux législatives. Par bonheur Manuel Aeschlimann est là...

Devenu maire grâce à ce double putsch il met en oeuvre les mesures de Nicolas Sarkozy : lutte contre l'insécurité, instauration d'un couvre-feu pour les mineurs qui lui vaudront les faveurs des médias. Il installe aussi une vidéosurveillance dans la commune. En 2004 il est mis en cause quand son directeur de cabinet s'incruste dans le local chargé de la surveillance. Celui-ci indique qu'un socialiste tracte des « documents injurieux » contre le maire et invite la police à l'arrêter. Le brigadier-chef refuse malgré les menaces. Certains dénoncent alors la déviance vers une police politique. De même Manuel Aeschlimann n'hésite pas à attaquer en justice ceux qui critiquent son bilan pour diffamation.

Mais la grande spécificité de Manuel Aeschlimann c'est le marketing politique qu'il a enseigné à Science-Po : il est ainsi friand de sondages (il en a réalisé plusieurs au profit de Nicolas Sarkozy dans sa longue marche vers l'Elysée), mais aussi d'une conception communautariste de la politique.
En se fondant sur les listes électorales il envoie ainsi cinq magazines différents aux Asniérois en se basant sur leur âge et leur sexe, afin d'adapter sa communication.
Le pire c'est qu'en 2006 il a constitué des fichiers d'électeurs avec les mentions « Maghreb » ou « sans Maghreb » afin d'adapter sa communication à l'origine ethnique de ses administrés. En 2001 il a réalisé un tract pour les municipales destinés aux Africains et originaires d'Outre-Mer mettant en vedette sa femme, d'origine antillaise. Même chose en 2004 où une de ses adjointes cible l'électorat musulman en parlant d'une mosquée et d'un carré musulman dans le cimetière d'Asnières.

En harmonie avec Nicolas Sarkozy il créé un conseil des communautés, reçoit les différentes communautés ethniques ou religieuses, accorde des aides aux communautés israélites, catholiques, musulmanes ou aux témoins de Jéhovah.

Enfin la dernière spécificité de Manuel Aeschlimann c'est son traitement des opposants : toute attaque peut mener au procès pour diffamation, la chambre régionale des comptes a ainsi calculé que les frais d'honoraires d'avocat de la ville étaient huit fois plus élevés que dans les villes de même taille du département.
Et au-delà de ses opposants politiques il compte aussi des opposants au sein de son propre camp. Ainsi Josiane Fischer, ex-membre du RPR proche d'Anticor, a été victime comme beaucoup de ses collègues d'un bluff lors du remplacement de Frantz Taittinger par Manuel Aeschlimann : alors que celui-ci avait promis de conserver la même liste pour les municipales, une partie de ses membres a été rayée de cette liste. C'est alors qu'un tract anonyme diffamatoire circule pour les mettre en cause.
Dans la même veine, Manuel Aeschlimann accuse parfois les associations de riverains qui s'opposent à lui d'être des sectes..

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