samedi 17 novembre 2007

La fraude fiscale aux Etats Unis : du délit au business

Dans un article de février 2004, le magazine Alternatives économiques enquêtait sur la fraude fiscale aux Etats Unis en se basant sur un rapport du Sénat américain. Selon cette enquête une véritable industrie dans ce domaine s'y est développée. En cause les plus grands cabinets comptables (KPMG, Ernst & Young, Pricewaterhouse et Deloitte & Touche) qui ont organisé ce business. 11 à 15 milliards de dollards échapperaient ainsi au fisc chaque année, auxquels il faut ajouter 12,5 milliards de recettes perdues par les Etats soit au total 35% de leur impôt sur les sociétés.

Ces cabinets ont développé une activité de conseils aux entreprises (KPMG compte ainsi 10 300 fiscalistes), où ils favorisent l' "optimisation" des déclarations de revenus. KPMG a ainsi institué le Tax Innovation Center qui vise a créer des produits financiers afin d'échapper à l'impôt, fondé sur le même mécanisme: créer une source de pertes comptables pour compenser les revenus imposables. Ensuite pour justifier la légalité de ces produits les cabinets remettent une "opinion letter", document remis par un avocat d'affaires contre 50 000 à 75 000 dollars. Les comptes sont alors contrôlés par des commissaires aux comptes, travail effectué par le cabinet d'audit qui a conseillé la fraude!

Pour illustrer ces propos prenons l'exemple du "Blips" (bond linked issue premium structure) qui est une de ces pratiques conseillée par ces cabinets. Prenons le cas d'un contribuable qui a un revenu imposable de 20 millions de dollars et qui ne souhaite rien payer. Dans une première étape il créé une société bidon qu'il dote d'un capital de 7% (1,4 million de dollars) qui servira à payer les commissions de tous les intermédiaires de l'affaire; dans un deuxième temps cette société demande un prêt bancaire de 50 millions, comme c'est une petite société la banque lui propose des taux d'intérêt supérieurs à ceux du marché plus un supplément de prêt de 20 millions (dissimulables) pour compenser ces taux majorés; dans un troisième temps une société de conseil en investissement propose à la société-écran de créer ensemble un fonds d'investissement qui lui transfère tous les fonds (1,4+50+20 millions de dollars); au final le contribuable se retire du fonds au bout d'un à six mois, il récupère son argent pour rembourser son prêt, avoue au fisc avoir eu un surcoût dans ces affaires,soit des pertes de 21,4 millions. Le contribuable n'est plus imposable et fait même payer au fisc la commission de 1,4 million qu'il a versé pour pouvoir le frauder! KPMG vendait près de 200 Blips par an et lui ont rapporté 53 millions de dollars.

Un sénateur américain a fait quelques propositions pour légiférer sur ce domaine mais celles-ci ont avorté car les cabinets d'audit comptent de nombreux lobbies (American Institute of Certified Public Accountants, Financial Executives International, Financial Services Roundtable, Tax Executive Institute) qui veillent. Par ailleurs, selon un ancien dirigeant du fisc américain 80% des fraudeurs identifiés échappent aux poursuites du fait du manque de moyens, une aubaine pour les fraudeurs.

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