samedi 15 septembre 2007

Le lobby médical

Dans son numéro du 8 septembre, Marianne consacre un dossier sur le rôle du lobby pharmaceutique dans les déficits de la sécurité sociale. Publié quelques jours avant le rapport de la Cour des Comptes sur ce déficit, ce dossier a le mérite de dépasser les raisonnements simplistes mettant en cause l'irresponsabilité des Français et proposant une hausse de la participation des usagers (ticket modérateur, franchises, forfait hospitalier) pour réduire ces déficits.
Dans ce dossier Marianne met en cause la hausse des dépenses de marketing par l'industrie pharmaceutique, factrice d'inflation des prix, les conflits d'intérêt ("experts" invités par les médias pour donner leur avis sur un médicament, alors qu'ils sont rémunérés par le laboratoire les produisant) ou la recherche du profit à court terme.

Dans un livre intitulé "Le complexe médico-industriel", ATTAC dénonce le darwinisme du domaine médical où seuls les plus puissants peuvent effectuer des frais de recherche, de la publicité, financer des services juridiques et déposer des brevets. Dans ce livre elle critique aussi les pressions sur élus (en se basant sur les financements des législatives de 1993), les innovations bidons (1 % des médicaments mis sur le marché vraiment innovants selon la revue Prescrire), le manque d'indépendance de la majorité des revues, la formation continue assurée par des boîtes privées qui financent aussi des voyages et séminaires d'étude sous des destinations ensoleillées. Elle dénonce aussi l'explosion des dépenses de marketing comme factrice d'inflation du prix des médicaments.

De son côté Julien Duval, chercheur au CNRS, dénonce dans son livre "Le mythe du trou de la sécu" la surmédiatisation des abus des usagers (gaspillages, fraudes...), et l'occultation du fait que depuis 1993 les entreprises sont exonérées de 25 milliards d'euros de cotisations sociales par an. Afin de financer ces exonérations la part des usagers dans le financement de la santé s'est accru : ainsi depuis 1983 le forfait hospitalier est passé de 3 € à 16 €. Pour lui le trou de la sécu ne serait qu'une invention idéologique : sans le sous-financement lié aux exonérations de cotisations sociales des entreprises, la sécu ferait des excédents, et ce déficit serait un moyen de mettre en application la charia ultra-libérale qui vise à baisser les interventions du Grand Satan Etat au nom de la liberté et de la reponsabilité.

De leur côté les institutions économiques internationales poussent à une individualisation grandissante de la protection sociale : le rôle de la solidarité nationale doit décroître au profit d'un financement privé.
Dans un monde où tout devient une marchandise, il convient de demeurer vigilant : dépassons les argumentaires dignes d'agence de communication et sortons de l'hyperréalité créée par les médias et par quelques politiques promoteurs de la doctrine de la résignation afin de regarder le monde avec les lunettes du réel.

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