dimanche 11 mai 2008

De l'affaire de l'hormone de souffrance

L'intérêt général, la santé publique ont-elles encore une fois abdiqué devant les intérêts financiers? La France s'est en effet caractérisée ces dernières années sur quelques dossiers – amiante, sang contaminé – comme un pays où la vérité scientifique a abdiqué face à la vérité financière. La description faite par l'hebdomadaire Marianne (numéro du 3 au 9 mai 2008) de l'affaire de l'hormone de croissance, actuellement en procès, confirme cette règle.

Dans ce dossier cent dix personnes sont décédées suite à un traitement à l'hormone de croissance, contaminées par la maladie de Creutzfeld-Jacob. Pourtant dès 1980 le professeur Montagnier émettait des avertissements sur le danger de la transmission d'encéphalopathie par les hypophyses. Pourtant dès le premier décès en 1985 les Etats Unis et la Grande Bretagne ont arrêté la fabrication de ce traitement, alors que la France a continué jusqu'en 1988.
Mais on continue à diffuser cette hormone. Dix à quinze ans après les injections les premiers décès surviennent.

En cause l'association France Hypophyse qui a fabriqué et diffusé l'extrait d'hormone prélevé sur les cadavres. Cette association est née de l'ambition de deux grands pédiatres dès 1973. Ceux-ci sauront utiliser leur réseau composé parfois de personnes ou institutions prestigieuses : le produit est diffusé sans autorisation ni visa ministériel de contrôle.
En cause aussi des pédiatres, des représentants du ministère de la Santé, de l'Institut Pasteur (qui souhaitera bénéficier de la manne financière que représente l'hormone), de l'INSERM, de la Pharmacie centrale des hôpitaux.
En cause par ailleurs les connivences politico-médicales : “Tous se connaissent, dînent ensemble, et sont en connivence. C'est ce copinage prestigieux qui explique sans doute la catastrophe” affirme un avocat des parties civiles : d'où des passe-droits pour les autorisations et un silence lors des premiers décès.
Au mépris de la législation le prélèvement d'hypophyses donnait lieu à des prestations financières.

Au niveau étatique on essaie d'étouffer le versant “politique” de l'affaire. Craignant un nouveau sang contaminé, Pierre Bérégovoy propose dès 1993 une indemnité aux victimes afin d'éviter que la responsabilité de l'Etat ne soit mis en cause : les victimes doivent renoncer à poursuivre l'Etat pour bénéficier de cette indemnisation. Edouard Balladur et Simone Veil utiliseront le même mécanisme.

Actuellement sept personnes sont inculpées pour homicide involontaire et tromperie aggravée.


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