dimanche 24 février 2008

Gaston Flosse, le retour


C'est avec un grand bonheur que par une dépêche de l'AFP nous avons appris la énième élection de Gaston Flosse à la présidence de l'assemblée polynésienne, l'occasion de revenir sur le parcours de cet ami de Jacques Chirac.
Cette étude est un résumé de l'ouvrage de Séverine Tessier « Polynésie : les copains d'abord ».


Gaston Flosse est né en 1931, il a commencé sa carrière comme instituteur avant de devenir assureur. C'est au cours de cette expérience qu'il rencontre Albert Moux, co-propriétaire du quotidien Les Nouvelles de Tahiti et Louis Wan, grand entrepreneur notamment dans le domaine de l'hôtellerie. Des amitiés qui s'avèreront utiles ultérieurement.

Il entre au parti gaulliste en 1958 et entame une carrière politique brillante : maire de Pirae (1965-2000), membre et président du parlement local (1965 puis 1967). En 1984 il devient parlementaire européen et en 1986 secrétaire d'Etat au Pacifique sud du Gouvernement Chirac. De 1984 à 1986 et de 1991 à 2004 il est président du gouvernement de la Polynésie française.
A titre purement informatif signalons qu'en 1996 il a reçu le Grand croix de l'Ordre de Tahiti Nui...ordre créé par lui-même et que Jacques Chirac, ami de trente ans, est le parrain d'un de ses enfants prénommé Jacques.

En 1996, suite à l'arrêt des essais nucléaires, un accord est signé entre la France et la Polynésie qui accorde une aide annuelle de 150 millions d'euros à celle-ci. Quelques semaines après sa réélection en 2002, Jacques Chirac octroie en plus une nouvelle aide de 840 millions d'euros.
Bien que la pertinence de cette aide soit contestée au sein même des Polynésiens, c'est surtout la gestion de celle-ci qui est contestable : selon l'accord de 1996 celle-ci ne bénéficie d'aucun contrôle public sur la destination et l'utilisation de ces fonds qui sont gérés de manière discrétionnaire par Gaston Flosse.
En effet l'attribution de ces aides est un formidable moyen de pression : ainsi la commune de Faa'a, la plus peuplée et la plus plus pauvre de l'archipel, dirigée par Oscar Temaru, opposant de Gaston Flosse, n'a jamais reçu un centime de subvention, ce qui est le cas de quasiment toutes les communes de couleur politique différente de celle de Gaston Flosse. Par contre la commune de Pirae, dirigée pendant 35 ans par Gaston Flosse reçoit de gracieuses subventions tout comme celles où se situent ses résidences secondaires.
Ce moyen de pression s'exerce aussi dans le monde associatif où seules les associations qui soutiennent la politique de Flosse bénéficient d'aides. Et Gaston Flosse n'est pas ingrat : ainsi un grand festival - « Tahiti Nui 2000 » - permet à de nombreux de ses amis de bénéficier de subventions publiques pour des opérations culturelles.

Mais surtout Gaston Flosse a tendance à utiliser l'argent de poche à son profit personnel. Ainsi la Sétil, société d'aménagements du territoire, a effectué des travaux publics...au profit de Gaston Flosse! La liste est longue : construction d'une route sur fonds publics pour désenclaver une propriété privée de Gaston Flosse (Erima); en 2001 Gaston Flosse procède à l'achat d'une île, Tupai, sur des fonds publics dans un but touristique, hors cette île devient partiellement une extension du Palais présidentiel, une sorte de résidence secondaire pour Flosse, et partiellement un lotissement pour milliardaires : une piste d'avion pour l'avion personnel de Flosse est installée grâce à des fonds publics qui servent aussi aux frais de personnel, l'entretien du domaine est effectué sur fonds publics par un personnel au statut flou, le GIP. Même méthode sur l'atoll de Fakarava (piste d'aviation payée par des fonds publics pour l'accès à une résidence de luxe de Flosse), travaux publics pour une autre résidence (Pare)...

Le copinage s'exerce aussi dans les marchés publics. Ainsi à l'arrivée au pouvoir de Temaru, un audit financier a été fait sur les finances publiques. Selon celui-ci de nombreux marchés publics ne nécessitent aucun document décrivant les procédures, aucune étude préalable, Emile Vanfaste, Ministre des Finances d'alors compare la passation de marchés publics à une commande de pizza. Par ailleurs de nombreux intervenants, délégataires avec des comptes jamais clairs (untel s'occupe de la paie, un autre des congés payés, un autre des heures supplémentaires...).

Le clientélisme s'exerce aussi en matière fiscale car la fiscalité est particulièrement avantageuse pour les nantis : il n'y a pas d'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés est faible et surtout depuis la loi Pons les investissements en Outre Mer sont defiscalisés ce qui fait de la Polynésie française un quasi paradis fiscal.
Même générosité orientée dans l'attribution de cadeaux fiscaux : alors que l'archipel est endetté, il accorde des cadeaux fiscaux pour la construction d'hôtels (dont le leader local en la matière est Louis Won, un ami), les titulaires de paquebots, les constructeurs immobiliers, les créateurs d'entreprises, les acheteurs de nouvelles autos (la « flossette »?).

Dans ce système, les copinages sont un excellent moyen de pression sur les entreprises privées et les associations. Outre les subventions attribuées de manière sélective et discrétionnaire, quelques cas illustrent parfaitement la gestion Flosse : ainsi l'épouse d'une personne ayant attaqué maintes fois le système Flosse en justice, Monsieur Conroy, s'est vu refusé de nombreuses fois le droit d'exploiter une ferme; par ailleurs la Polynésie a établi elle aussi ses emplois jeunes dont elle a confié la gestion et l'attribution au mouvement de jeunesse politique proche de Flosse! Un peu comme si Lionel Jospin avait confié l'attribution des emplois jeunes au MJS... ces emplois seront notamment affectés dans des communes dirigées par des proches du parti de Gaston Flosse.

Et Gaston Flosse n'est jamais infidèle en amitié : ainsi il profite des services de son VRP de luxe, Jacques Chirac, pour faire la promotion de la production perlière et du savoir-faire hôtelier de son ami Robert Won lorsque l'ami Jacques se déplace en Chine ou au Japon.
Ce favoritisme touche aussi les organes publics : ainsi chaque commune se voit attribuer des quotas de logements à distribuer hors critère. Les élus bénéficiant de ces dérogations correspondent quasiment à la liste des soutiens de Gaston Flosse à chacune de ses campagnes.

Dans le même temps le salaire moyen des Polynésiens est de 1 000 €, 30 % d'entre eux sont illettrés, le coût de la vie est particulièrement élevé et il n'y a pas d'allocations chômages.


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