lundi 26 novembre 2007

Le pouvoir d'achat des grands patrons : personne n'en parle?

Alors que certains s'étaient émus d'une disposition du programme présidentiel de Ségolène Royal visant à porter le SMIC à 1 500 € en 2012, signalons qu'en 2005 le salaire moyen des patrons du CAC 40 a été de 6,3 millions d'euros. En tête, Lindsay Owen-Jones (22,6 millions d'euros), Bernard Arnault (16,2), Jean-René Fourtou (13,6), Antoine Zacharias (13,2) et Bernard Charlès (12).

Au-delà de ces salaires, un autre mode de rémunération majeur existe, les indemnités de départ : 38 millions d'euros pour Daniel Bernard (notons que l'année de l'obtention de cette "prime" la direction de son entreprise, Carrefour, avait refusé les revendications de ses salariés qui voulaient augmenter le montant de leurs tickets restaurants...) ou Philippe Jaffré d'Elf (30 millions). Il y a quelques mois a été aussi largement médiatisée le cas d'Antoine Zacharias qui devait partir avec 250 millions d'euros.

Depuis quelques années ces salaires ont fortement augmenté (+80% entre 2000 et 2003), notamment du fait de l'importance prise par les stock-options - la France, à l'exemple de la Coupe du Monde est vice-championne du monde en la matière derrière les Etats Unis. Autre motif d'inflation : le manque de transparence dans l'attribution des salaires fixés par les comités de rémunération qui sont peu indépendants et composés de dirigeants d'autres entreprises notamment. Dès lors par un jeu de chaise musicales, untel attribue un bon salaire à un dirigeant qui lui renvera l'ascenseur dans sa propre entreprise. Ces copinages sont d'autant plus simples que les dirigeants français sont issus des mêmes écoles et fréquentant les mêmes clubs "d'amitiés".

Les salaires officieux des patrons se décomposent ainsi : les stock-options sont des primes calquées sur les résultats en Bourse d'une entreprise, les golden hellos sont des primes de bienvenue (Jean-Charles Corbet, dont l'entreprise était au bord du gouffre s'était ainsi attribué 800 000 € de prime), les golden parachutes sont les primes de départ, les retraites-chapeau sont des rentes versées à l'ex employeur partant à la retraite. Citons aussi les jetons de présence aux conseils d'administrations des potes. Ainsi Daniel Bernard touchait 60 000 € par an pour simplement assister aux conseils d'administrations d'Alcatel et de Saint Gobain.

Ce qu'il y a de choquant est le fait que ces salaires ou ces primes jouent même si l'entreprise du dirigeant connait des difficultés financières, parfois de leur faute (citons Pierre Bilger à Alsthom qui a finalement renoncé à ces rémunérations, Jean-Charles Corbet à Air-Liberté ou Igor Landau d'Aventis). Ou le fait que ces rémunérations ne sont pas forcément justifiées par un travail : ainsi Gérard Collomb, retraité, touche 1,3 million d'euro pour assister à 7 réunions de conseil d'administration par an, même situation pour messieurs Dubrulle et Pélisson qui touchent 1,2 million pour 12 réunions annuelles.

Peu de choses ont été faites pour encadrer ces déviances. Au Pays-Bas les rémunérations des patrons d'entreprises publiques ou semi-publiques sont plafonnées, et une taxe sur les bonus de rémunération est à l'étude, en Allemagne et aux Etats Unis une plus grande transparence est réclamée sur les rémunérations avec l'obligation de les publier et de motiver les critères de celles-ci.

En France, seuls Michel Voisin et Pascal Clément (UMP) ont fait des propositions d'encadrement. Mais face au lobby patronal, celles-ci sont passées à la trappe.

Plusieurs solutions sont envisageables : soumettre les salaires exceptionnels au vote des actionnaires en Assemblée Générale, suspendre leur attribution en cas de difficultés financières de l'entreprise ou de licenciements, supprimer les golden hellos, limiter le nombre de mandats d'administrateur (pour les comités de rémunération), responsabiliser et sanctionner les conseils d'administration ou motiver les rémunérations exceptionnelles.

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