dimanche 28 octobre 2007

Du lobbying à l'Assemblée Nationale

Interrogée par Rue 89, Séverine Tessier, présidente d'Anticor, nous fait une description du lobbying au sein de l'Assemblée Nationale (http://www.rue89.com/2007/06/22/les-lobbies-encadres-par-les-

deputes) : cela commence à l'élection par une lettre de remerciement, suivie par une invitation au restaurant, par des voyages d'études dans destinations exotiques, des colloques tous frais payés pour « sensibiliser » sur certains thèmes, ou même des invitations pour des compétitions sportives (exemple Suez lors de la Coupe du Monde de football 2006...un peu avant les tractations sur une fusion GDF-Suez). Toutes ses pratiques ont notamment été dénoncées par Vincent Nouzille et Hélène Constanty dans leur ouvrage « Députés sous influence ».

Dans ce livre ils dénoncent les méthodes utilisées par certains lobbyistes pour faire passer leurs messages : trafic de badges d'accès, recrutement d'assistants parlementaires, interventions payantes lors de colloques, rédaction d'amendements « prêts à l'emploi », « groupes d'études » téléguidés, création de « clubs » thématiques, organisation de voyages et de missions parlementaires à l'étranger...

Séverine Tessier décrit aussi le lobbying dont sont victimes les assistants parlementaires : leur profession étant peu encadrée, le fait qu'ils s'occupent de la rédaction de textes législatifs et sont au coeur de la vie parlementaire en font des proies pour les lobbys qui leurs proposent des « vacations rémunérées » sous couvert de missions de conseil en contre-partie de la production d'amendements législatifs à leur bénéfice et d'une situation de veille sur la vie parlementaire.

Au Palais Bourbon, les lobbys sont interdits mais pas les bureaux d'étude...qui bénéficient de badges d'accès (en tant que « collaborateurs parlementaires ») et peuvent même entrer dans des lieux interdits aux assistants parlementaires! Sous couvert de l'excuse de technicité des dossiers (en tant que personnalités « qualifiées ») viennent ainsi noyauter les lieux de décision, rédigent des lois clés en main et installent une veille parlementaire pour surveiller la production législative et veiller au bon passage de leurs projets.

Une méthode de pression : « le colloquing » qui consiste à organiser des colloques à la maison de la chimie notamment, avec un partenariat parlementaire-entreprises privées-lobbys (M & M conseil, Boury et associés, Agora europe) lors de ceux-ci.

Le « clubbing » permet de faire entrer des intérêts particuliers dans la vie parlementaire par le biais de clubs de députés. Des voyages sont à gagner : certains députés racontent ainsi comment ils se sont retrouvés à faire le VRP de multinationales, au mépris de la loi, lors de ces voyages à l'étranger.

Au niveau gouvernemental, la désignation des membres du Gouvernement donnerait lieu à une répartion des parts de gateau entre les différents lobbys. Situation décrite par Olivier Toscer dans son livre « Argent public, fortunes privées » où il décrit le financement des campagnes législatives de députés par des lobbys. Toutes les personnes aidées sont devenues ministres depuis, quelque soit leur bord politique.

La corruption vise aussi l'armement : ainsi dans les années 80 l'affaire Luchaire vit le versement de commissions occultes au PS en contre-partie de ventes d'armes à l'Iran. Depuis même si l'affaire des frégates de Taiwan fut sur-médiatisée, la corruption régulière fait son oeuvre : sous couvert de « frais commerciaux exceptionnels » les commissions versées financeraient les partis politiques au pouvoir, ces commissions atteindraient 10 à 15 % de la somme totale, et peuvent passer par le biais des rétrocommissions qui consistent à surfacturer les contrats afin d'y inclure les dessous-de-tables.

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