mercredi 26 septembre 2007

Eau et opacité

La grande évolution du capitalisme moderne est la concentration de l'activité autour de quelques multinationales : à la concurrence pure et parfaite ont succédé les oligopoles voire les monopoles. Le secteur de l'eau en est le parfait reflet : ainsi 70 % du marché est monopolisé par trois multinationales à savoir Véolia-Vivendi (ex-Compagnie Générale des Eaux), Suez (ex-Lyonnaise des Eaux) et SAUR-BNP-Bouygues.
En France dans 88 % des marchés publics une de ces trois entreprises apparaît et dans 31 % des cas une de ces trois entreprises est la seule présente dans les marchés. Dans certains endroits – notamment en Ile-de-France – la répartition des marchés est digne de la mafia.

Ce qui caractérise la gestion de l'eau c'est le manque de transparence.
Ce manque de transparence apparaît de manière générale sur certains points : ainsi certaines multinationales constituent des bureaux d'études ou des entreprises de construction bidons, afin de gonfler leurs frais et surtout détourner un peu d'argent aux profits de leurs potes.

Ce manque de transparence apparaît aussi par des détournements de fonds publics : traditionnellement la Compagnie Générale des eaux avait été chargée du domaine commercial alors que la Mairie de Paris s'occupait des gros investissement. Ce système perdure car les multinationales profitent du fait que les gros investissements les concernant sont réalisés par les pouvoirs publics, c'est-à-dire par les contribuables, même si elles font d'importants bénéfices.
Ce manque de transparence apparaît aussi au niveau comptable : plusieurs rapports de la Cour des comptes mettent en cause des frais commerciaux ou informatiques anormalement excessifs ou de nombreux oublis comptables élémentaires.

Ce manque de transparence concerne notamment les « provisions ». Ce concept permet aux multinationales de l'eau de demander aux collectivités locales d'avancer des fonds pour leur permettre de financer l'entretien des canalisations, dans un état dépassé dans beaucoup de communes françaises. En tout 4,5 milliards d'euros ont été avancés en France alors qu'aucuns travaux n'ont été effectués! Dans leur ouvrage « L'eau des multinationales », Jean-Luc Touly et Roger Lenglet font ainsi mention d'une somme de 27 milliards d'euros de provisions accumulées par Vivendi-Veolia non utilisée qui a été finalement détournée vers un compte irlandais afin d'en retirer des intérêts. Vivendi-Veolia essaie de trouver des arguments rationnels, toujours est-il que l'utilisation de ces fonds a l'apparence d'un détournement en bonne et due forme.

L'opacité apparaît aussi concernant la qualité de l'eau mise en bouteille, moins contrôlée que l'eau du robinet : un tiers de l'eau en bouteille serait contaminée, un quart ne serait que de l'eau du robinet ayant subi quelques manipulations.

L'opacité concerne aussi le musellement des contre-pouvoirs éventuels : ainsi par le pantouflage les multinationales de l'eau bénéficient de réseaux d'influence et de taupes dans le monde judiciaire; concernant le syndicalisme Jean-Luc Touly raconte comment Vivendi muselait les syndicats : salaires gonflés pour les permanents syndicaux, avantages en nature (voiture de fonction, primes annuelles de 10 000 €...) ou procédures judiciaires répétées contre les rebelles, de quoi pousser les syndicats à soutenir une direction si généreuse. Et si des questions ou contestations apparaissent de la part de certains élus, les multinationales de l'eau ont rédigé un argumentaire type pour noyer le poisson.

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