mercredi 6 février 2008

Alain Minc et le capitalisme français

Selon certains experts et intellectuels, la France serait un pays économiquement archaique, peuplé de syndicats sectaires, de fainéants vénérant les 35 heures, leurs droits acquis et les RTT.
Pourtant une étude plus poussée du capitalisme français démontre le caractère moyen âgeux de celui-ci. Celui-ci se distingue en effet par son opacité, ses connivences et son système de réseaux, bien loin du système libéral anglo-saxon dont se réclame l'intelligentsia française.
Ainsi dans son ouvrage « Petits conseils », Laurent Mauduit, ex-journaliste du Monde, s'attarde sur le cas d'Alain Minc, véritable portrait vivant du capitalisme à la française.

Alain Minc et la Caisse d'épargne

Comment Laurent Mauduit, auteur de l'ouvrage, a-t'il été amené à démissionner du magazine Le Monde qui était pourtant son employeur?
Tout commence avec un scoop concernant la Caisse d'épargne. Celle-ci négocierait dans le plus grand secret un accord avec la Banque populaire, en vue de créer une structure commune : Natixis. Laurent Mauduit est particulièrement intéressé par cette info, d'autant que beaucoup de choses l'intriguent dans cet accord : il est fait sans l'accord pourtant obligatoire de la Caisse des dépôts et consignations, est particulièrement avantageux pour la Banque Populaire. Lorsque la Président de la CDC, Francis Mayer, est hospitalisé pour de graves problèmes de santé (qui le feront d'ailleurs décéder), les négociations s'intensifient...
Laurent Mauduit souhaite balancer l'info dans le magazine Le Monde, et là stupeur : bâtons dans les roues, retards, coupes dans l'article, veto de l'avocat...au final l'article est partiellement censuré.
Laurent Mauduit décide de faire quelques recherches et là il découvre que la Caisse d'épargne est un actionnaire du Monde, qu'Alain Minc a été conseiller d'une des caisses régionales et qu'il avait conseillé Charles Milhaud, président de la Caisse d'épargne, dans une opération financière agressive à l'égard de la CDC, qu'en 2002 la Caisse d'épargne fut la troisième contributrice à un appel à financement du Monde (qui obtient même le secret de cette transaction grâce à une dissimilation comptable qui permet de cacher le nom du donateur).
Notons que pour ses conseils à la Caisse d'épargne Alain Minc toucherait entre 150 000 et 200 000 € par an, que la banque Rotschild – conseillère de la Caisse d'épargne - est aussi conseillère du Monde, que Le Monde souhaite fusionner ses activités médiatiques du Midi avec celles du groupe Lagardère avec l'aide...de la Caisse d'épargne, que celle-ci a engagé en son sein plusieurs connaissances de Nicolas Sarkozy dont l'épouse de Brice Hortefeux.
Toutes ces informations justifient-elles la censure partielle de l'article de Laurent Mauduit? Une plongée dans le monde d'Alain Minc permet de se poser des questions.

Alain Minc et le groupe de Vinci

Tout le monde en France se souvient de la polémique créée par le départ d'Antoine Zacharias du groupe Vinci avec un gros chèque à la clé en juin 2006. Ce que les gens connaissent beaucoup moins ce sont les coulisses de cette affaire, dans laquelle se situe encore l'omniprésent Alain Minc, véritable Nicolas Sarkozy du monde des affaires.
Suite à une fusion à la Alain Minc entre SGE et GTM, Antoine Zacharias est nommé PDG du nouveau groupe, Vinci. Cette fusion est une nouvelle fois douteuse car si la GTM est dirigée par un ami d'Alain Minc, Gérard Mestrallet, celui-ci a la surprise de découvrir qu'Alain Minc – qu'il rémunère pour des conseils à Suez - dispose de beaucoup d'amis à la SGE datant de l'époque où il officiait à Saint Gobain, qu'Antoine Zacharias, le nouveau PDG de Vinci, est aussi conseillé par Alain Minc.
Et entre Antoine Zacharias et Alain Minc va s'organiser un pacte d'enrichissement mutuel : Alain Minc touche ainsi 160 000 € annuels pour prodiguer ses conseils, qui consistent en fait à prendre un ou deux petits déjeuners mensuels avec le PDG dans un restaurant chic parisien; par ailleurs il rentre au comité de rémunération de l'entreprise et organise les rémunérations virtigineuses d'Antoine Zacharias.
Antoine Zacharias approchant de la retraite, le successeur désigné est Xavier Huillard. Cependant celui-ci a le malheur d'appeler Antoine Zacharias a faire preuve de raison dans ses primes de départ, craignant des effets sur l'opinion publique et un déballage médiatique.
Alain Minc et Antoine Zacharias décident donc de se débarasser de Xavier Huillard en proposant une de leur relation pour le remplacer, Alain Dinin. Les motifs du remplacement étant fallacieux, Xavier Huillard sent qu'on souhaite l'évincer. Une guerre des clans s'organisent, Xavier Huillard rédige alors une lettre adressée au conseil d'administration dénonçant les pratiques du couple Minc-Zacharias, avant de démissionner. Un conseil d'administration est organisé qui désavoue Zacharias.
Lors de son départ Le Monde publie un article élogieux sur Zacharias avec des citations d'administrateurs anonymes. Cependant certaines expressions typiques d'Alain Minc se retrouvent dans cet article. Et lorsque le nouveau PDG de Vinci prend une décision déplaisant à Alain Minc, celui-ci le critique par une lettre qu'il transmet le 15 juin 2006 au matin. Les extraits de cette lettre sont publiés dès l'édition du soir du Monde...
C'est alors qu'Alain Minc retourne sa veste et prend la tête des intransigeants envers Zacharias. Dans le même temps Veolia annonce qu'il souhaite faire une OPA contre Vinci. Notons que Veolia est conseillée par un certain Alain Minc. Artémis entre aussi dans le capital de Vinci. Entreprise dirigée par François Pinault, ami d'Antoine Zacharias et conseillé par...Alain Minc.

Alain Minc et Vincent Bolloré

Autre gros client d'Alain Minc, Vincent Bolloré, l'homme qui parle à l'oreille du Président de la République.
Cet homme provient du clan de Claude Bébéar, grand parrain du capitalisme à la française. Il est notamment membre du Club Entreprise et Cité (avec Jean René Fourtou, Thierry Breton...).
Leur amitié date de l'époque où Alain Minc négociait avec le groupe Bouygues pour la constitution du groupe Vinci. Suite à l'échec des négociations, et avec un grand esprit de discrétion, Alain Minc contacte Vincent Bolloré pour lui proposer de faire une OPA sur le groupe. Les négociations lui ont en effet permis de disposer de beaucoup d'informations sur le groupe (sous coté en Bourse, fragilité depuis le décès de Francis Bouygues). Il est convenu qu'Alain Minc touche 1 % des plus values réalisées.
Une OPA est donc lancée. Après diverses aventures un pacte d'actionnaire est signé entre Martin Bouygues et Vincent Bolloré afin de calmer les hostilités. Ce pacte est trahi par Bolloré dès le lendemain de sa signature, Bouygues décide alors de le faire rentrer au conseil d'administration du groupe. A ce poste il met en doute les finances du groupe, diligente même un ancien de la brigade financière pour prouver des malversations. Au terme Bolloré se désengage, un autre ami de Minc, François Pinault rachetant ses parts. Bilan : 230 millions d'euros de plus values en 8 mois pour Bolloré et 1 % à Minc.
Cette somme est aussitôt réinvestie dans une autre OPA contre le Groupe Pathé. Bilan : une hausse de 40 % de l'action en Bourse et une plus value de 300 millions d'euros et 1 % à Minc. Même opération pour Havas et Aégis.
Vincent Bolloré doit aussi à Alain Minc son entrée dans les médias. Ainsi Alain Minc, qui est rémunéré par Bolloré, « accepte » qu'il soit choisit par Le Monde pour lancer un gratuit, Direct Soir! Alain Minc ou le roi du conflit d'intérêt. Le fils de Vincent Bolloré dirige aussi une chaine de la TNT, Direct 8, dans laquel un expert dispose de son émission hebdomadaire. Le nom de cet expert? Alain Minc...

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