vendredi 23 novembre 2007

L'insécurité dans les tribunaux français : pire que les banlieues!

A l'heure où Rachida Dati-Boccolini est en train de dépecer progressivement le tissu judiciaire français, il convient de s'arrêter un instant sur la situation de la Justice dans notre beau pays.

Tout d'abord, la France souffre d'un manque de personnel : il y a ainsi 7 500 magistrats pour traiter 5 millions d'affaires par an, 250 juges d'application des peines pour traiter 180 000 dossiers, 569 juges d'instructions pour 35 000 affaires. Entre 1867 et 1997 le nombre de magistrats n'a pas varié alors que la population française a doublé! Face à ces problèmes d'effectifs les conséquences sont évidentes : les magistrats sont recrutés à la sortie des écoles, sont parfois jeunes et inexpérimentés. Par ailleurs la France connaît la charge de travail judiciaire la plus lourde de l'Union Européenne après la Norvège.
La France ne consacre que 1,6 % de son budget soit 0,6 % de son PIB à sa justice, ce qui la classe au 23ème rang sur 25 en Europe. Ces problèmes de budget affectent les interlocuteurs de la Justice: ainsi à Perpignan 600 expertises sont en attente de paiement, au niveau national de nombreux médecins légistes connaissent aussi des retards de paiement.
Ainsi à Bobigny en 2001 il y avait 25 000 affaires en attente d'enregistrement, 18 000 dossiers étaient effectivement traitées par les juges (soit 1 600 par personne), les crimes étaient jugés trois ans après leur réalisation.

Au-delà de ces problèmes financiers et humains, la France connaît des problèmes dans le temps de gestion des dossiers : à Reims le traitement du courrier avait quatre mois de retard en 2001. Ainsi Mario-Luis Cragheiro, vice-président du Tribunal Correctionnel de Reims confesse que malgré des semaines de 60 heures de travail il n'approfondit pas ses dossiers pour éviter de finir chaque jour à cinq heures du matin. Nombre de juges et de magistrats affirment lire en diagonale leurs dossiers, ne plus avoir le temps d'étudier les nouveaux textes juridiques. La France a ainsi été condamnée de nombreuses fois par la Cour de Justice de la Communauté Européenne pour la lenteur de sa justice : un an en moyenne pour un dossier contre un mois et demi en Grande-Bretagne...
Le salaire moyen d'un magistrat est de 23 800 euros annuels contre 77 200 au Danemark.

Concernant l'insécurité dans les tribunaux, produit de ces problèmes financiers et humains, selon un récent sondage, 57 % des Français interrogés avouaient que le premier sentiment que leur inspirait leur Justice était...la peur. En effet, si l'opinion publique s'est focalisée sur le procès d'Outreau, celle-ci ne se rend pas encore compte de l'état pitoyable de sa justice, véritable bourgeon d'Outreaux futurs.
Rappelons les rapports publiés par le Conseil de l'Europe et la Commission européenne pour l'efficacité de la justice ont classé la France 23ème pays européen sur 25 concernant divers critères judiciaires (budget, accès à la justice, personnel...). Les chiffres sont plus qu'éloquents: elle consacre 28,35 € par habitant et par an à sa justice, contre 53,13 € en Allemagne ou 64,41 € au Portugal; possède 0,5 procureur pour 20 000 habitants contre 1,5 en Allemagne, et 10,37 juges professionnels pour 100 000 habitants contre 25,3 en Allemagne.

Ces problèmes financiers et de personnels font qu'il est devenu plus dangereux d'entrer dans un tribunal que dans n'importe quelle banlieue française.
Ainsi en 2005, la Justice française a accordé plus de 585 années de prisons à des innocents : la détention préventive qui consiste a incarcérer une personne qui n'a pas encore été jugée concerne 35 à 40 % de la population carcérale française (contre une moyenne européenne de 20 %). Nul n'est à l'abri de l'erreur judiciaire.
Même si la gauche a tenté d'encadrer ses pouvoirs entre 1997 et 2002 (en imposant un contrôle de ses actes et une obligation de motiver de ceux-ci), le juge d'instruction, qui est à la fois enquêteur et arbitre du procès, continue d'exercer des pouvoirs exorbitants. Cette déviance est accrue par le système inquisitoire à la française qui, contrairement au système accusatoire, donne un monopole au juge dans le procès, au détriment du justiciable.
La loi Perben II a accru ces atteintes au droit de la défense et aux Libertés publiques en instaurant le plaider coupable. Celui-ci supprime le recours protecteur de la Justice et du procès en lui substituant la négociation directe juge-accusé. Cette relation forcément déséquilibrée instaure un Etat d'exception permanent, qui fait penser à l'Etat d'urgence sous l'Apartheid en Afrique du Sud qui permettait de suspendre la Constitution et la Loi lorsque la Patrie s'estimait en danger. Un de ces état d'urgence a duré deux ans...

Au-delà de cette insécurité juridique, il existe aussi une insécurité financière : la loi organique relative aux lois de finances impose aux tribunaux une culture de gestion digne des meilleures multinationales. Ainsi en 2006 elle a attribué à la Justice un budget de 370 millions d'euros, alors que celle-ci table sur des dépenses de 600 millions d'euros! Du coup les tribunaux vont devoir contrôler leurs frais de justice, sachant que ceux-ci devront être estimés a priori (invitons les juges à consulter Elisabeth Teissier pour savoir si un deuxième AZF - 1,5 millions d'euros de frais d'expertise - n'apparaît pas dans les astres) et que ces crédits seront limitatifs, donc impossibles à augmenter en cours d'année. Déjà dans plusieurs villes des experts et des médecins légistes ne sont plus payés depuis des mois (cf supra). En outre, une culture du productivisme à faire pâlir toute usine se développe dans les tribunaux.

Afin de lutter contre cette insécurité dont Walker Texas Sarkozy ne parle jamais, il convient de réserver la détention provisoire aux individus dangereux ou susceptibles de supprimer des preuves, d'encadrer et de contrôler les jeunes juges et les juges d'instruction, d'augmenter les moyens financiers et humains, d'évaluer les experts et les magistrats. Au même titre que la Grande Bretagne on peut instaurer des conseils citoyens chargés de contrôler l'action de la justice ou favoriser l'échevinage qui permet à un citoyen d'être co-juge d'une décision judiciaire. Enfin abroger les lois Perben II et favoriser les actions récursoires de l'Etat contre les juges qui font des erreurs, peu appliquées.
Edgar Faure disait que la Justice était le seul service public où les fonctionnaire étaient payés pour contredire les hommes politiques. Dans un véritable état de droit, on comprend mieux l'hostilité de la Droite à favoriser ce dangereux contre-pouvoir: Alain Juppé ou Charles Pasqua ont tellement été victimes des racailles des tribunaux.

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